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Le blog de Bernard Collot
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24 mars 2007

Question de confiance ?

Confiance ! Faites-moi confiance ! Le redémarrage de l’économie est une question de confiance ! Je vais redonner confiance à la France ! etc. Tout ne serait que question de confiance. C’est probablement le mot le plus employé chaque fois qu’une élection se profile à l’horizon. La baguette magique qui va vous faire retrouver du boulot, supprimer vos dettes, payer vos loyers…

Ce qui est le plus surprenant, c’est qu’il n’interpelle personne, surtout nos doctes experts politologues, économistes et autres qui se gargarisent eux aussi de ce mot.

Dans le langage courant, la confiance n’est qu’une attitude que l’on a vis à vis de quelqu’un que l’on connaît suffisamment pour prévoir ce qu’il va faire et l’accepter dans la mesure où cela convient à ce que l’on veut soi-même. Cela suppose une bonne connaissance du passé de cette personne et la certitude de sa congruence : adéquation entre ce qu’elle dit, ce qu’elle est, ce qu’elle fait… et surtout ce qu’elle a dit et a fait. Avec cette définition, il est évident que bien peu de candidats récolteraient un bon nombre de voix, vu que, a priori, on ne peut justement voter que pour quelqu’un que l’on connaît suffisamment et qui ait fait la preuve que l’on peut avoir… confiance en lui !

Autrement dit, l’appel à la confiance c’est l’appel à la crédulité (il a une bonne tête, il est sympathique, elle est gentille… et c’est pour cela que je les crois) ou c’est l’appel à vous décharger de toute responsabilité, voire à vous livrer pieds et poings liés à une personne qui sait pour vous.

Mais je reviens à mon domaine d’exploration, l’école.

S’il y a un mot qui revient aussi très souvent dans le monde enseignant, c’est celui-ci.

Il sert souvent à qualifier un enfant qui le plus souvent en manque, ou, moins souvent, qui en reprend. Vous avez peut-être remarqué que l’injonction « doit reprendre confiance » est plus fréquente que la constatation « a repris confiance ». L’injonction considère toujours que cette reprise de confiance en soi, cela regarde l’enfant lui-même (« débrouille-toi pour reprendre confiance »). On ne se préoccupe pas trop des raisons de ce manque de confiance (qui pourrait bien se trouver aussi dans l’école elle-même) ni des moyens et stratégies mises en œuvre par l’école pour que l’enfant ne perde pas confiance ou la retrouve, bien que l’on pointe que c’est une des causes de ses éventuelles difficultés. Pas question de suggérer que, peut-être, le responsable de cette démolition de la confiance puisse être celui ou celle qui se plaint de son manque.

Autrement dit, il n’est pas un enseignant qui n’admette que la confiance en soi est une des conditions pré-requises aux enclenchements des apprentissages, ce qui ne les empêche pas d’empêtrer les enfants dans les systèmes d’évaluations, de contrôles, de menaces, de performances à réaliser… dont le principal effet est de fragiliser encore plus la confiance de ceux qui en manquent… et même des autres à la moindre faiblesse. Et rares sont ceux qui organisent leurs stratégies pour que soit favoriser la reconnaissance identitaire sur laquelle se fonde la confiance en soi.

C’est aussi dans les rapports avec les parents que ce mot est utilisé… à tout bout de champ ! Et à tout bout de déclarations ministérielles. Rétablir la confiance en l’école. Rétablir la confiance des parents envers les enseignants. Comme par hasard, il n’est au grand jamais question de confiance des enseignants vis à vis des parents. Il est vrai qu’il y a souvent un rapport hiérarchique implicite : les catalogués de faibles, d'ignorants devant faire confiance aux autoproclamés forts, sachant pour eux (disposant d’un pouvoir dont ils doivent pouvoir faire usage tranquillement).

C’est cependant un élément important des stratégies de bon nombre d’enseignants dont les pratiques risquent de surprendre, de déstabiliser les parents, avec comme conséquence des réactions imprévisibles. Il s’agit d’obtenir que les parents « fassent confiance », c’est à dire acceptent comme probablement efficientes des pratiques qui sortent de l’ordinaire. Deux possibilités pour nous, malheureux parents :

- ou l’on fait confiance à la personne, c’est à dire que nous l’avons vue opérer, avons pu suivre suffisamment longtemps les « résultats » de son action professionnelle ; mais cela n’empêchera jamais que deux personnes aient des appréciations différentes de ces « résultats ».

- Ou l’on fait confiance aux stratégies, méthodes et pratiques proposées. Encore faut-il que celles-ci soient proposées et non imposées, ce qui est rarement le cas. Ensuite, qu’est-ce qui peut permettre à un parent d’attribuer sa confiance plus à une approche qu’à une autre puisque les professionnels et experts eux-mêmes n’ont jamais osé présenter, constats à l’appui, les effets et conséquences multiples des approches différentes ? Et chacun sait aussi la part de la séduction, du charisme de celui qui réclame, obtient ou n’obtient pas « la confiance ».

En résumé, la « nécessité de la confiance » et la « recherche de la confiance » n’intervient que dans les cas où il y a incertitude ! Ce qui est le cas de la politique, de l’économie, de l’éducation ! Tous les cas où la certitude est impossible alors qu’il va bien falloir faire des choix. Des choix qui vont donc toujours reposer sur la vérification des hypothèses sur lesquelles ils reposent. Des choix que certains vont mettre en œuvre pendant que d’autres vont les subir… ou en bénéficier.

Le problème n’est donc pas, en préalable, « d’obtenir la confiance » ou de « donner sa confiance ». Il est d’instaurer des structures, des procédures, des modalités qui vont non seulement permettre de faire des choix conjoints (ceux qui mettent en œuvre les choix, ceux pour qui ils sont faits) en connaissant les données sur lesquelles ils reposent, mais permettre aussi à ceux qui mettent en œuvre les choix comme à ceux qui les subissent d’en constater les effets… et éventuellement de rectifier les stratégies.

Le problème se situe uniquement là. Et c’est là qu’il fait peur, en particulier à ceux qui n’ont finalement pas à rendre compte des choix qu’ils font. Jusqu’à ce jour, les choix émanent toujours de ceux qui ont un pouvoir absolu (enseignants et leur liberté pédagogique, politiques, pdg...), jamais de ceux qui devraient les faire (ces choix) puisque cela les concerne. Pour les uns et les autres, cela dénote certainement d’un manque de confiance en soi !

Lorsque l’on « fait confiance » on se décharge sur l’autre, on abandonne tout pouvoir mais aussi toute responsabilité, ce qui n’est possible qu’avec une personne que l’on connaît de longue date, surtout quand cet abandon concerne ce qui est encore une partie de nous-mêmes, nos enfants. Ce qui n’est pas possible dans la quasi totalité des cas avec les enseignants.

Or une des préoccupations majeure des enseignants et surtout des enseignants qui sortent un peu de la norme, c’est de « rassurer » les parents, d’obtenir leur confiance. Ce qui les amène d’ailleurs à des attitudes souvent contreproductives : cela leur demande d’afficher des certitudes absolues, des convictions pour obtenir l’adhésion. Ce qui relève de la prédication et non du professionnalisme.

Si je peux appeler à la coresponsabilité dans des structures qui permettent de définir des stratégies éducative, puis de rendre compte de ces stratégies, ce n’est pas une vue de l’esprit mais parce que j’ai pu mettre en place et vivre une telle situation pendant plus de vingt ans. Ce qui paraît compliqué, dangereux, est en réalité tout simple et dans une certaine mesure même confortable pour les enseignants, un peu plus difficile pour les parents qui ont alors à partager cette responsabilité.

Quant à la participation des enfants ou des adolescents dans des structures qui permettent la décision collective, les dizaines de classes, d’écoles de type Freinet ou Montessori, d’établissements marginaux (comme les lycées autogérés) démontrent depuis des années leur efficience.

Finalement, dans les propositions des candidats à la présidentielle, il n’y a bien que Ségolène Royale qui a fait une proposition révolutionnaire avec ses jury citoyens, à condition de le décliner autrement que comme un tribunal. Le problème, c’est que je suis loin d’être certain qu’elle en ait vu la logique et qu’une fois au pouvoir se mettent en place des structures permettant de ne plus avoir à s'abandonner aux mains de quelques-uns. Autrement dit, il y a peu de raisons de lui faire… confiance !

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