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Le blog de Bernard Collot
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19 mars 2008

Réformes, réformes, réformes...

 

gilets-jaunes

Ce billet a été écrit en 2008. Il aurait pu l'être des décennies avant. En 2019, il y a peut-être quelque chose de changé : la réforme des retraites jette des milliers de gens dans la rue. Cela risque fort de ne pas l'empêcher (les manifs contre la réforme du Code du travail ne l'ont pas empêchée). Mais ce qui a changé c'est qu'au moins dans un domaine une majorité n'est plus dupe, pire, elle s'est informée. Peut-être cela adviendra-t-il un jour à propos de l'école qui est bien loin de jeter qui que ce soit dans la rue sur son fondement.

 

Réforme, réforme et re-réforme ! le mot miracle ! prononcé un nombre infini de fois ces derniers mois, ces dernières années, et encore plus aujourd’hui.

D’abord, il y a mille réformes possibles et différentes, mais tout est réduit en ce qui serait LA réforme. Bonnes gens, nous allons faire LA réforme, parce qu’il n’y en a qu’une !

 C’est la plus vaste escroquerie intellectuelle à laquelle se prêtent complaisamment médias, pseudo-intellectuels, politiques, tout ce qui a micro sur rue.

 Or, tout ce qui est annoncé à grands cris, psalmodié comme la potion magique à faire ingurgiter de toute urgence au populo, n’a strictement rien à voir avec ce qui pourrait être une réforme ou une autre réforme. Les mesures annoncées, soi-disant réclamées, ne changent strictement rien au système d’où découlent maux, injustice, inefficience. Elles ne font que, tenter d’aménager le système en restreignant et le plus souvent accentuant certains de ses effets néfastes (retraites, sécurité sociale), l’amputer d’une partie sur laquelle il reposait (détricotage du Code du travail), réorienter l’attribution de moyens (carte judiciaire), réorienter la distribution étatique (cadeaux fiscaux)... Ce qui ne réforme rien du tout !

 Dans le domaine que je connais le mieux, l’éducation, ce serait à mourir de rire si ce n’était si dramatique. Voilà une réforme, annoncée à coups de clairons comme celle du siècle, qui consiste à supprimer trois heures de classe pour la majorité pour les faire subir à une minorité, à rajouter des contrôles et des évaluations à tous les coins de la scolarité comme on rajoute des caméras de vidéosurveillance à tous les coins de rue, à pondre un énième programme, à instaurer des « stages » pour ceux que le système aura ou loupé, ou abimé, stages animés par… les mêmes, à proclamer une liberté pédagogique qui a toujours existé et qu’on aurait bien du mal à supprimer puisqu’on ne sait pas comment les enseignants pourront bien arriver à remplir les objectifs annoncés aux micros, tout en obligeant lesdits enseignants à pratiquer des méthodes officielles (comme si un ministre de l’agriculture décidait que les vignerons devraient tailler comme ceci et pas comme cela, à tel moment et pas à un autre, ou comme si un ministre de la santé imposait le retour à la saignée systématique !) etc. Bref, faire croire au « peuple » qu’on a tout réformé quand on ne réforme rien du tout et qu’en fait de réforme on revient à toute allure à la préhistoire de l’école.

 Dans le système éducatif, il n’y a eu que deux moments où il y a vraiment eu tentative d’un début de réforme, c’est-à-dire de modification du système éducatif :

 - Lorsque l’on a instauré le collège unique pour tous. L’ennui c’est qu’à partir de cette modification partielle de la structure du système éducatif, on n’a pas d’une part modifié la conception éducative et les pratiques du collège, on n’a pas d’autre part modifié la conception et la structure de ce qui était en aval du collège. Cela a été comme mettre du gasoil dans un moteur à essence et de s’étonner ensuite que cela ne marche pas.

 - Lorsque l’on a instauré les cycles. L’ennui, dans ce cas, c’est que cet embryon de réforme n’a jamais été appliqué ; et on accuse la même inappliquée réforme des maux d’aujourd’hui !

 Ce qui est le plus inquiétant, c’est que tout le monde gobe cela sans sourciller. Seulement récriminer après un « programme » encore plus stupide que les autres, qui sera « appliqué » de la même façon que les autres, c’est aussi s’éviter de remettre en cause un système éducatif, remise en cause qui, elle, serait une réforme, pardon, une révolution.

 Finlandais, quelle potion magique avez-vous absorbée ?

 

Commentaires
A
Ancienne enseignante, je partage votre analyse et votre colère.<br /> Durant trente huit ans, j'ai enseigné les lettres modernes, essentiellement en collège. Le décalage entre ma propre formation (qui avait motivé mon désir d'enseigner) et ce qu'il m'était demandé de faire (réformes et intructions obligent!) m'ont conduite à rechercher où se situait le hiatus insurmontable qui mettait à mal notre système...<br /> J'ai fait des découvertes intéressantes en exhumant l'exposé des motifs de la réforme Berthoin (1959)mettant en place la scolarisation pour tous jusqu'à 16 ans; j'en ai fait d'autres en travaillant le texte de la réforme Fouchet (1963) mettant en place le collège unique.<br /> Ce serait long à développer (cela a fait l'objet d'une thèse de doctorat relativement volumineuse).<br /> Par contre, je noterai un point essentiel: l'Ordonnance Berthoin stipule en termes clairs, qu'il s'agit, en prolongeant la scolarité des jeunes, de répondre à une demande économique, de faire "fructifier le capital humain", "d'investir à pleins profits", sans toutefois "mettre en place des structures coûteuses"... J'en passe et des meilleures, et fais donc remarquer que ce qui a été abondamment désigné comme la grande réforme de "démocratisation de l'enseignement" n'était, en fait, déjà, qu'un assujettissement à l'économique!<br /> Pire, la charge de la sélection a été donnée aux enseignants... Les écoles dans lesquelles on sélectionne ne peuvent être celles dans lesquelles on instruit! (D'où tous les discours négatifs sur le corps enseignant!!!)<br /> <br /> Enfin, pour être brève, je précise que la réforme actuelle n'a d'autre but (soigneusement caché) que de démolir notre système éducatif pour mieux privatiser. Nombre de publications de l'OCDE, de l'ART, des AGCS, de l'UNESCO en apportent la preuve, certains sont antérieurs à 2000. (Le PS avait les mêmes intentions que la droite... Jospin était présent à Lisbonne et à Barcelonne).<br /> Je cite un point éloquent: "Si l'on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité du service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles (...) mais il serait dangereux de baisser le nombre des étudiants. Les familles réagiront viloemment à un refus d'inscription pour leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l'enseignement..."<br /> Dernière citation: "l'éducation est avec la santé le dernier bastion à prendre" (dans la grande valse des privatisations programmée) et "l'école publique n'aura plus à s'occuper que de ceux dont on sait qu'ils ne constitueront pas un marché rentable".<br /> Je n'ai pas le temps de structurer mon propos, mais reste à votre disposition pour toute information que vous souhaiteriez avoir.
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