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Le blog de Bernard Collot
Le blog de Bernard Collot
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2 octobre 2008

La crise et la pensée

Penser, c’est avoir la capacité de décortiquer, se représenter, mettre en relation des informations, parfois contradictoires ou sans lien apparent, pour en tirer une autre information (sciences, mathématiques), l’idée, une opinion, une position, en faire découler une action, un comportement… C’est tout au moins ce que je m’efforçais de faire acquérir à mes élèves.

Pour empêcher de penser, il suffit de limiter les informations à une seule ou à un seul type d’informations paraissant cohérentes en éliminant toutes celles qui pourraient les parasiter.

Penser conduit donc souvent à l’interrogation, la remise en question (indispensable dans des domaines comme les sciences), le doute positif, la recherche de l’alternative, la confrontation des idées, l’analyse des faits… Penser peut donc être… dangereux pour ce qui est établi (1).

La « crise » pourrait donc bien déclencher la pensée de tous ceux qui jusqu’à maintenant n’avaient pas à penser, puisqu’on pense pour eux. Parce qu’il devient difficile de dissimuler un certain nombre d’informations qui brutalement apparaissent parce qu’elles ne sont plus maîtrisées (crise !), et il ne faudrait pas que l’on se mette à établir des relations entre elles.

Les exemples se multiplient en ces temps et il serait préférable que la peur (« les français ont peur pour… ») annihile quelque peu les esprits. Parmi d’autres :

Nous allons moraliser le capitalisme. Tiens ! il y a peu, le capitalisme était le moins mauvais des systèmes qui devait faire notre bonheur, mais il était amoral ?

Le chômage va augmenter à cause de la crise qui va arriver, mais dans le même temps on apprend que le chômage avait déjà augmenté bien avant. Alors ?

Mille milliards sont partis en fumée. Chez moi, quand 10 euros partent en fumée, même si c’est dans la fumée des cigarettes, je sais qu’ils vont dans les poches du buraliste, des fabricants et de l’État. Ils sont toujours quelque part. Croyais-je. Mais peut-être sont-ils dans les milliards qui se sont envolés. Et puis on m’a beaucoup parlé de la « valeur travail » qui devait d’ailleurs n’être que la valeur morale puisqu’on avait omis « du » travail. Et même « travaillez plus pour gagner plus » et je croyais, c’est ce qu’on me disait, que tous ces milliards représentaient la valeur du travail et de ce qu’il produit. Si, désespérément je ne gagnais pas plus, et même moins, je me disais que la valeur de mon travail devait bien aller quelque part, dans ces milliards peut-être. Et voilà qu’ils partent en fumée ! Apparemment ils ne sont plus nulle part, encore moins dans ma poche. Mon travail et le vôtre, chers amis, ça ne "vaut" pas pipette ! 

Il n’y a plus d’argent dans les caisses, ne comptez donc pas qu’on renfloue la sécu, que l’on construise ce qui est nécessaire pour loger tout le monde, qu’on aide décemment ceux qui n’ont pas de boulot pendant que les autres en font plus, qu’on laisse les travailleurs dans une retraite décente, etc. Pour la retraite, on nous disait d’ailleurs, mettez vos sous à l’avance dans nos banques, vous en profiterez bien mieux, et ils sont dans les mille milliards ! le travail de ces futurs retraités peut-être un jour, n'était que de la fumée. Mais voilà qu’en même temps on apprend que 300 milliards vont être utilisés pour sauver quelques banques (peut-être celle qui me ponctionne chaque mois pour que j’ai un toit). D’où sortent-ils donc par quel miracle ? Aux USA, c’est même 700 milliards qui vont être distribués à un ectoplasme qu’on appelle établissements financiers. 700 milliards que l’on n’avait pas pour offrir un toit à ceux que l’on avait délogés de leurs maisons, qui, par je ne sais quel tour de passe-passe, ne valaient plus rien (ce dans quel cas, on aurait pu les y laisser sans rien perdre !)

On peut multiplier les exemples d’informations qui, mises en relation, devraient… laisser à penser ! Ce que l’on a intérêt à faire dès que l’on se trouve dans une situation difficile, qu’elle soit personnelle ou collective. Non, ne pensez pas, retrouvez « la confiance », confiance voulant dire : laissez-vous aller à nous croire... sans penser de midi à 14 heures.

On comprend mieux pourquoi les réformes successives de l’école se concentrent encore plus sur une seule fonction : transmettre des connaissances (informations) dûment sélectionnées (programmes) à ingurgiter mécaniquement (b+a=ba). Si c’est un non-sens en ce qui concerne la construction des apprentissages, cela l’est beaucoup moins en ce qui concerne la formation massive (former… formater !) des futurs citoyens. Il faut revenir au troupeau docile dont la capacité essentielle à faire acquérir est celle d’absorber et de croire comme seule vérité celle qu’on lui donne et de penser que c’est sa pensée. Bien sûr, la terre n’est plus plate, mais elle l’a été. Être capable de penser est bien trop dangereux, même si on ne peut pas apprendre sans penser… un peu ! mais seulement dans le bon sens.

Tout se tient, tout peut être mis en relation. Mais quel tremblement de terre si cela commençait à se faire.

(1) Souvenez-vous de la surprise du "non" européen. Face à une information uniformisée, des milliers d'internautes sont allés chercher d'autres informations. Ce qui était grave, ce n'est pas qu'ils aient eu tort (pour nos édiles !) et contrecarré ceux qui distillaient la seule raison ou qu'ils n'aient pas eu "confiance" en ce qu'il fallait qu'ils croient, c'est qu'ils se soient forgé une opinion par rapport à des informations multiples qu'ils mettaient en relation. En cela, c'était un fameux événement. À ne pas renouveler ! et qui a engagé à envisager le contrôle d'internet, source d'informations non déversées mais mises à disposition. Et qui plus est sans intermédiaires, on sait bien que les internautes sont stupides et prêts à avaler n'importe quoi si les journalistes ne sont plus les présentateurs du 20 heures qui diffusent une information prédigérée.

Commentaires
L
Vous quittez votre domaine mon cher Bernard Collot ! L'économie, c'est pas si simple. Mais finalement c'est pas mauvais de ramener les problèmes à des questions élémentaires et naïves. Se demander à quoi ça sert les systèmes financiers dont nous sommes tributaires pieds et poings liés, c'est bien une bonne question. Dans votre école, ça ne devait pas être triste et il faudrait y ramener tous les grands gourous qui eux ne seront jamais dans la crise !<br /> Mon commentaire est très affectueux.
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