Bien sûr, les pouvoirs d’un conseil d’école et des parents dans ce conseil sont limités. Mais c’est, dans le système éducatif, la seule institution dans laquelle sont admis les seconds principaux concernés par l’école après les enfants, les parents !

Or, légalement, ce conseil aurait de réels pouvoirs si son déroulement s’effectuait conformément aux textes… et si les parents délégués le savaient… et l’assumaient. Il n’a pas pour seule fonction de régler les problèmes de restauration scolaire, de sécurité, de fournitures, de locaux, des horaires, des transports scolaires, qui ne touchent pas réellement ce qui se passe dans l’école et qui font l’essentiel des discussions de la plupart des conseils et ne peuvent se solder que par… un avis.

Deux de ses attributions touchent pourtant à l’essence de l’école et doivent se conclure, elles, par un vote.

Le règlement intérieur.

C’est lui qui doit, en principe, régir le fonctionnement de la vie scolaire. Bien souvent c’est un truc poussiéreux dont on ignore quand il a été concocté et qui n’est brandi que lorsqu’on a besoin de rappeler quelques interdits aux élèves et à leurs parents. Et puis, dans chaque département, il y a un règlement type dont on nous dit qu’on ne peut modifier que quelques virgules ou les chiffres des heures d’entrée et de sortie dans les limites admises, ou rajouter quelques interdits ou règles morales. Mais il faut quand même qu’il apparaisse comme émanant de chaque conseil d’école, même s’il incombe à l’équipe enseignante de le proposer : « le conseil vote le règlement intérieur » ce qui suppose qu’il puisse en discuter, demander à ce qu’il soit amendé, modifié, pour être accepté… ou refusé ce qui sont les seules conclusions possibles de tout vote. On peut imaginer la variété que pourraient prendre les règlements intérieurs suivant la conception de la vie scolaire de chaque communauté éducative. Ne serait-ce que parce qu’il induit que l’on doit bien se forger une conception de la vie scolaire !

Mais ce « règlement type » est brandi comme celui qui doit être grosso modo celui de chaque école pour être accepté par les autorités. Or, un règlement type n’a jamais été autre chose qu’un exemple proposé. Si l’Inspecteur d’académie, simple représentant de l’État,  peut refuser les règlements qui ne lui conviennent pas, ce ne peut être que parce que des passages ne seraient pas conformes à la législation et il devrait alors étayer son refus par les textes législatifs. Par exemple, dans certains règlements il est fait allusion à l’aide aux devoirs ; et bien ces règlements devraient être refusés par l’IA puisqu’ils ne sont pas conformes aux textes qui stipulent que les devoirs sont interdits à l’école primaire !

Le projet d’école.

« Le Conseil d’écoleadopte le projet d'école préparé par l'équipe pédagogique » ce qui suppose que ledit projet puisse être discuté… et, éventuellement, ne pas être adopté, évidemment à la suite d’un vote.

Le projet d’école devrait être la pièce maîtresse qui fonde ou se base sur la pédagogie mise en œuvre. C’est rarement le cas et il ne concerne le plus souvent que des actions annexes, qui ne mangent pas de pain. Il n’empêche, qu’à travers lui, c’est bien la pédagogie qui est abordée. On nous dit, « il est interdit de parler pédagogie au conseil d’école ». Or, cette soi disant interdiction ne figure nulle part dans les textes ! Et je ne vois pas comment on peut présenter, discuter et adopter un projet sans parler de la pédagogie qu’il sous-tend ou sous-entend. Alors on sort « la liberté pédagogique » qui, elle, est quand même stipulée. Cette liberté n’exclut pas que la pédagogie librement appliquée par chaque enseignant ou l’équipe pédagogique puisse devoir être justifiée, être soumise à présentation, discussion, voire critiques et qu’il y ait des comptes à rendre quant à ses effets.

Si bien que, dans les faits, en ce qui concerne le projet d’école, le conseil ne joue que le rôle d’une chambre d’enregistrement. A ma connaissance, je ne connais aucun cas où le conseil d’école ait refusé d’adopter le projet présenté par les enseignants ! S’il y a amendement, ce n’est que lorsque les municipalités, représentées dans le conseil, refusent ou ne peuvent mettre à disposition les moyens nécessaires au projet. Par contre, même adoptés, des projets peuvent être refusés par l’administration qui n’a à justifier son refus qu’à son personnel !

D’autre part, ces projets établis pour 3 ans devraient faire l’objet, chaque année, d’un compte-rendu de leur réalisation et des effets obtenus. D’où, normalement, nouvelle discussion sur le fond… pédagogique ! Et possibilité que le conseil « donne son avis et émette des suggestions sur les actions pédagogiques entreprises ! »

Et puis, comme le CR de chaque conseil d’école doit être transmis à l’autorité hiérarchique, c’est aussi un bon moyen pour faire passer des messages à ladite autorité ! Les conseils d’école qui ont délibéré sur la mise en route de base élèves, ont pu quand même faire remonter par ce biais la façon dont ils percevaient et s’opposaient à ce fichage. Peut-être que si tous les CE l’avaient fait, le ministère ne se serait pas contenté d’en supprimer quelques champs.

Les textes, s’ils étaient appliqués, confèrent vraiment un rôle non négligeable au conseil d’école.

Mais, et c’est le second point d’une espèce de comédie démocratique, le « jeu » n’est pas joué par les parents eux-mêmes.

- Scrutin de liste. Cela suppose d’une part que des listes se constituent, d’autre part que chaque liste indique ce qu’elle va défendre, comment elle conçoit son rôle… et comment elle se constitue. Si en ville il y a au moins deux listes présentées par les grandes fédérations de parents d’élèves et que l’on peut supposer que chaque électeur peut connaître leurs orientations (pour effectuer un choix, donc un vote), si généralement chacune de ses fédération fait appel à candidature auprès de tous ses adhérents, en milieu rural tout est opaque et copinage :

Fut un temps, c’était carrément le directeur d’école qui, après quelque coups de téléphone, fabriquait LA liste ! c’était de bonne guerre pour avoir un « bon » conseil ! Depuis quelques années, il leur faut transmettre les instructions académiques  concernant l’élection des parents délégués. Comme elles ne sont pas forcément très claires, ils font encore souvent et simultanément appel pour recevoir les candidatures des parents volontaires. Alors que leur rôle se limite à enregistrer les listes proposées pour organiser le scrutin. A leur décharge, il faut bien qu’ils aient au moins une liste !

Ce qui est surprenant, c’est que là où il existe une association de parents d’élèves autonome, celle-ci ignore souvent que c’est son rôle de constituer une liste ! Lorsqu’elle le fait, c’est par copinage. Le jour de l’élection, chaque parent reçoit ladite liste à mettre dans une enveloppe, découvre qu’il a un délégué, avec un peu de chance il le connaît et l’apprécie, le plus souvent il ne sait pas comment ledit délégué s’est retrouvé sur le bulletin, pourquoi il devrait l’accepter, ignore sur quelles idées et comment celui-ci va le représenter. De toutes façons aucune importance puisqu’il n’y a qu’une liste et qu’il ne peut rayer personne ! « Tu n’avais qu’à constituer ta propre liste pour défendre tes posutions ». En milieu rural, c’est à dire dès que la taille des unités territoriales permettent un peu plus de connaissance des uns et des autres, il est rarissime qu’un petit groupe ose s’opposer ouvertement à un autre sur le plan des idées. A la limite au bistrot, et encore. Même quand il s’agit du conseil municipal et du maire ! pour l’unité du village, on s’imagine qu’il vaut mieux… ne pas avoir d’idées ou, tout au moins, les mettre dans sa poche. De même que se présenter contre, c’est courir le risque de ne pas être élu ! Dans les associations, parfois au conseil municipal, on n’est jamais candidat : on se fait prier d’être LE candidat !

- Une fois élus, les délégués de parents se comportent rarement comme des… délégués ! et la liste comme représentant d’une association si c’est le cas. Délégué, c’est un peu comme un titre, ça fait bien, mais chacun assiste au conseil pour son propre compte « comme ça je saurais ce qui se passe pour mon enfant ». Il est peu fréquent, qu’avant chaque conseil, l’ensemble des parents soit mis au courant de sa tenue, soit sollicité ou réuni pour que les délégués recueille des avis, sachent la position qu’ils doivent tenir pour représenter leurs collègues parents, les questions qu’ils seraient chargés de poser, etc. Chacun s’y rend pour son propre compte et ne représente que lui-même.

Après chaque conseil, l’ensemble des parents ignore généralement ce qui s’est passé, ce qui s’y est dit, s’il a été tenu compte de leurs observations au cas où il y en aurait eu. Le conseil d’école s’auto-suffit à lui-même. Les directeurs d’école effectuent pourtant bien ce qu’ils ont à faire : transmission du compte-rendu à leur autorité, transmission de ce CR aux membres du conseil, parfois, affichage à la porte de l’école. Sauf peut-être un point qui passe souvent à la trappe : à chaque conseil ce CR devrait être repris pour constater les effets des avis ou décisions précédentes.

Ce sont plutôt les délégués de parents qui ne jouent pas le jeu pourtant rendu possible par les textes législatifs eux-mêmes : il leur incombe de faire leur propre compte-rendu, avec leurs propres commentaires et de le transmettre à tous les parents. Ce compte-rendu, ou ces comptes-rendus, les directeurs d’écoles ne peuvent refuser de les distribuer aux élèves pour transmission. C’est le fonctionnement normal de toute institution représentative. Même les délégués des conseils de classe, dans le secondaire, s’astreignent très rarement à rendre compte de ce qui s’est passé dans un conseil. « s’il faut encore passer du temps à rédiger un compte-rendu ! ». Il est très peu d’associations de parents qui indiquent que cela fait partie du rôle de délégué « on n’aurait plus de candidats ! »

Le conseil d’école est un petit exemple des limites du fonctionnement de la démocratie. Pour une fois, on ne peut reprocher à l’État de ne pas l’appliquer. Le problème, c’est que la démocratie n’est aucunement intégrée dans les comportements. La notion de représentation des intérêts collectifs est quelque chose de bien lointain. Chacun pour sa pomme ! Pas de vagues ! Déjà qu’on se « dévoue » pour trois petites réunions par an et pour siroter le verre de clôture (chez nous !). Et avoir un petit titre quelconque, cela permet de prendre un peu d’importance. Pourtant, la démocratie ce n’est pas seulement de dévouement dont elle a besoin. A la limite, le dévouement occulte l’absence de démocratie en donnant bonne conscience.

J’exagère ? Certainement ! un peu ! Certainement en cas de crise (tiens !) où là, on fait appel à tous. Certainement pour tous ceux qui jouent consciemment et honnêtement le jeu. Mais globalement ?

A la décharge de tous, ce n’est pas facile, nous ne sommes pas « formés ». Mais n’est-ce pas l’école elle-même qui a formaté les non-démocrates que nous sommes devenus ?