Pédagogie et communication
La réforme des lycée est repoussée : elle n’a pas été comprise ! Le ministre a manqué de… pédagogie. On dit aussi qu’il a « mal communiqué ».
C’est ce qui nous est seriné chaque fois qu’une mesure a quelque mal à être acceptée C’est ce que l’on a dit lorsque qu’au lieu de voter oui une majorité a dit non ! D’ailleurs, comme c’était trop difficile à faire comprendre « leur bien » à une masse d’ignares, le coup suivant on s’est bien gardé de leur demander à nouveau leur avis. Il a fallu beaucoup de « pédagogie » et de « communication » pour faire passer la pilule des retraites, les milliards perdus comme les milliards donnés à cause d’une crise, etc.
Il ne vient à l’idée de personne et encore moins à nos médias, supports de pédagogie et de communication, qu’un refus puisse être dû au fait que les récalcitrants aient justement… bien compris. Pédagogie et communication doivent permettre de faire comprendre ce que l’on doit comprendre. Curieux glissement sémantique que nos linguistes patentés se gardent bien de relever. Pédagogie et communication sont devenus les synonymes de manipulation. Un bon pédagogue et un bon communicant doivent faire accepter ce que l’on décide qui doit être accepté ou cru. Ma lessive lave plus blanc que blanc, elle doit donc être achetée. Votre pouvoir d’achat a diminué ? illusion : achetez, achetez même des bagnoles, pour sauver l’économie (l'économie, c'est nos banques, la bourse) ! C’est cela la pédagogie !
Notre ministre de l’éducation aurait pu se pencher sur les nombreuses définitions de la pédagogie. En voilà une parmi d’autres : Science de l'éducation des jeunes, qui étudie les problèmes concernant le développement complet (physique, intellectuel, moral, spirituel) de l'enfant et de l'adolescent. Autrement dit, un jeune lycéen bien développé intellectuellement capable d’appréhender diverses informations fussent-elles contradictoires et d’en tirer son propre jugement, d’en décider son propre comportement, ses propres décisions. Capable de réfléchir. Il faut croire qu’on les considère comme bien incapables d’une telle opération intellectuelle puisque l’on s’est bien gardé d’en discuter avec eux et qu’on se donne un an de plus de « pédagogie » pour qu’ils ne redescendent plus dans la rue et prennent pour argent comptant ce qu’on leur fera alors avaler facilement.
Il faut réformer et, bien sûr, il n’y a qu’une réforme possible, la nôtre, puisqu’on vous le dit. Et on va vous le redire, encore mille fois, pédagogiquement, jusqu’à ce que vous ne puissiez plus penser autrement. Si la pédagogie est une science, la manipulation aussi et c’est une science bien éprouvée dont les théories et les méthodes abondent depuis la cybernétique.
On comprend beaucoup mieux ce qui motive le mouvement des anti-pédagogues qui a pignon sur rue auprès du ministère et des médias ! Le « développement intellectuel » des enfants et des ados ? Pouah ! Suffit qu’ils écoutent sagement et répètent ce qu’on juge utile qu’ils doivent répéter. C’est bien ce à quoi a été réduite la pédagogie !
Quant à la communication, elle est devenue un simple pouvoir de ceux qui détiennent un pouvoir. Celui de distiller massivement et unilatéralement UNE information. On est bien loin de la définition où la communication est prise dans son sens interactif de transmission d’informationS : Il n’y a communication que lorsque l’échange d’informations entre deux systèmes influence l’état des deux systèmes disent les systémiciens. Pour sûr, dans ce qu’est devenue la communication, l’état du système émetteur, en l’occurrence notre ministre ou notre président, ne risque pas d’être modifié par d’autres informations que les leurs ou celles qu’ils pourraient recevoir en retour.
Et oui, nos philosophes, nos intellectuels pourvoyeurs de leçons, ont omis qu’il ne pouvait y avoir de vraie démocratie sans vraie pédagogie pour les jeunes sensés devenir des citoyens démocrates, et sans vraie communication qui fonde toutes les décisions collectives.