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Le blog de Bernard Collot
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9 décembre 2010

PISA (2)

Je comprends très bien les réticences exprimées vis-à-vis des enquêtes PISA et des comparaisons qui en sont tirées.

 

Les modalités et la forme des dites enquêtes sont évidemment critiquables. Il y a quelques années, avait paru un petit bouquin « Comment réussir les tests ». Il donnait toutes les astuces et entraînements pour réussir la kyrielle de tests, QCM et autres QI qu’il fallait exécuter pour franchir les premières portes des recrutements divers. Ce qui relativisait la valeur des dites épreuves qui finalement ne prouvaient pas grand-chose. D’une part tout outil qui se veut normalisé et standardisé pour « évaluer » mécaniquement des capacités individuelles qu’on appelle compétences est nécessairement… mécanique, encore plus lorsqu’il s’agit ensuite de traiter statistiquement (mathématiquement) les « données » recueillies. Toute évaluation de ce type, y compris et encore plus les nôtres, souffre de cette volonté de vouloir obtenir une vision de l’état cognitif d’une population ou d’un ensemble de populations à travers une grille qui se veut universelle.

Si l’évaluation de l’efficience d’un système éducatif paraît nécessaire pour orienter ou réorienter ledit système, il faudra bien finir par se pencher sur les critères, les moments où les apprécier, et il est certain qu’ils ne pourront être révélés par des QCM ou des épreuves. Ce d’autant qu’il faudra bien re-questionner les finalités attribuées aux systèmes éducatifs et les affirmer clairement. S'il s'agit d'alimenter les machines économiques, on n'aura pas les mêmes critères d'évaluation que s'il s'agit d'aider à ce que construisent des citoyens (adultes !) actifs et contribuant à la société et à son évolution. Encore faudra-t-il aussi que l'on détermine quel type de citoyens notre société aurait besoin (des ouvriers qui sachent lire des notices ?).

 

D’autre part, lorsque l’on sait que l’on va être jugé par la réussite de tel ou de tel type d’évaluation, et bien on oriente les actions par rapport à l’évaluation, but ou couperet. Le vieux bachotage. Lorsqu’on lit les commentaires officiels du ministère, c’est bien comme cela qu’il analyse ces résultats ! Changez l’évaluation, vous changez « l’entrainement » à l’évaluation. Comme les évaluations, telles qu’elles sont encore conçues, sont toujours artificielles, elles entraînent généralement l’artificialité des apprentissages, la réciproque étant vraie.

Beaucoup plus que les résultats de PISA, ce sont les réactions et commentaires qu’elle provoque qui sont intéressants. Dans une culture de plus en plus libérale et de plus en plus axée sur la concurrence, la compétition, c’est bien sûr le classement qui dérange ! Qu’est-ce qu’il faut faire pour grimper dans le classement ! Un peu plus de ceci, un peu moins de cela, peut-on enlever un peu de stress sans rien changer aux façons de faire, faire que les parents fassent coucher leur progéniture plus tôt, tout faire en 4 jours ou faire la même chose en 5 jours, etc.

Et puis cette sacrée Finlande et cette sacrée Corée toujours en tête du peloton ! On ne se pose pas trop de questions sur l’épanouissement, les conséquences sur la vie citoyenne qui en résultent pour les petits Finlandais ou les petits Coréens qui ne sont pas forcément les mêmes, tout premier ex aequo soient-ils. Il n’y a pas d’évaluation pour cela, donc on l’ignore. On fait remarquer cependant que les concepteurs de PISA sont majoritairement issus de systèmes éducatifs de type coréen, d’où la meilleure réussite des élèves de ces systèmes, ce qui ne me semble pas faux mais quasiment de bonne guerre dans une mondialisation de compétition, donc de comparaison.

C’est la Finlande qui nous pose problème et nous ennuie comme le fait remarquer Ladeylang dans son commentaire. Ce d’autant que certains sont allés voir comment cela se passait en Finlande. Les remarques de Ladeylang ne sont pas fausses lorsqu’il fait état de toutes les différences démographiques, sociales, économiques entre nos deux pays. Mais on peut faire les mêmes remarques entre Bobigny, Vénissieux, Neuilly, Trifouilly les Oies. Ce qui est par contre identique partout, c’est la nature des enfants qui passent dans les rouages des machineries scolaires. Ce qui est aussi identique et ce que confortent justement les remarques de Ladeyland, c’est l’importance des interactions avec l’environnement, le constructivisme. Là, on est tous d’accord : modifions l’environnement dans lequel vivent les enfants, l’habitat concentrationnaire, le chômage des parents, les perspectives de chômage pour les élèves, les conditions de travail, son stress et son angoisse généralisés…, et il ne fait de doute à personne que tous les enfants s’en trouveront bien, y compris leurs « résultats » !

Mais ce qui dérange chez les Finlandais et qu’il faudra bien intégrer, c’est la conception quelque peu différente de la construction des apprentissages qu’ils ont accepté de prendre en compte. Ce ne sont pas seulement des conditions plus favorables (nombre d’élèves par classe, plus de rased, etc.) puisque des pays mieux lotis que nous mais dans la même conception ne font pas mieux. Ce qui est universel, quelles que soient les conditions, mais aussi influencé par ces conditions, c’est comment se construisent les êtres vivants, et plus particulièrement les êtres vivants de l’espèce humaine (espèce sociale et pas seulement grégaire). Il y a un vrai problème conceptuel. Un vrai problème de transformation de nos représentations.

Ce qui devrait interpeler tout le monde, c’est que du Kirghizistan à la Corée ou à la Finlande, tous les enfants apprennent à parler ! Quoi de plus extraordinaire, de plus difficile, de plus complexe que ce premier apprentissage ? Tous les autres qui sont dans sa prolongation et qui utilisent l’outil cérébral ainsi bâti devraient être… de la rigolade ! On en fait une corvée.

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