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Le blog de Bernard Collot
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9 septembre 2011

2 - Le langage oral

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2 - Le langage oral

Quoi de plus fabuleux qu'un enfant qui apprend à parler ? Le plus extraordinaire de ses apprentissages !

Nous allons aborder pour cette seconde chronique un sujet que tout le monde connait. En effet, tous les parents ont eu l’occasion d’observer, de vivre, de participer à la conquête de la parole par leurs enfants. Et ils s’en sont certainement extasiés à juste raison.

Prenons notre enfant dans le ventre de sa mère. On sait aujourd’hui qu’il perçoit des sons, qu’il perçoit des bruits et qu’il va déjà y réagir. On sait par exemple qu’il perçoit et reconnait la voix de sa mère qui peut être apaisante ou au contraire inquiétante. C'est-à-dire que ses circuits neuronaux commencent déjà à se complexifier pour être capable d’interpréter une information sonore. Si vous avez suivi ma première chronique, vous devinez que c’est déjà un langage que notre futur bébé commence à construire.

Lorsqu’il va naître il va être plongé dans un brouhaha de bruits. Dans ce brouhaha, les circuits neuronaux qu’il s’est déjà construits lui permettront de distinguer la voix de sa mère qui, avec le contact du sein, son odeur, constitue le lien qui lui permettra de ne pas être perdu et insécure dans ce monde inconnu. Ce qui est étonnant, c’est que tous les pédiatres conseillent aux mamans de parler à leurs bébés en leur disant, il comprendra. Et on constate qu’effectivement il comprend quand il s’apaise, se tranquillise.

Il est toujours étonnant de constater à quel point l’enfant et sa mère se comprennent cette dernière peut interpréter les pleurs, les gazouillis. Bien que séparés physiquement, ils restent tous deux dans un état que l’on appelle fusionnel grâce à cet outil neurocognitif que l’enfant est en train de se construire, l’outil cérébral capable d’interpréter des informations et d’en émettre à son tour.

Si le monde de l’enfant n’était constitué que de sa mère, il est probable que le langage qu’ils développent tous deux nous resterait incompréhensible.

Mais ce monde est beaucoup plus vaste. Sa partie sonore est constituée d’une infinité de bruits. Certains sont facilement interprétables : le chien aboie, et peu à peu l’appareil cérébral de l’enfant fera correspondre à l’aboiement du chien la représentation de l’animal. Ses circuits neuronaux se seront ramifiés pour créer et conserver cette représentation.

Mais, lorsque le papa prononce une phrase, l’information que porte ce bruit est ce que l’on appelle une information symbolique. L’information que portent ces mots n’est pas visible, n’est pas tangible, elle n’existe que dans les mots et dans la façon dont ils sont agencés. Il ne s’agit plus pour l’appareil cérébral d’interpréter une information, il s’agit d’interpréter la représentation d’une information. Se représenter une représentation ! On se rend compte de l’extraordinaire difficulté de l’opération et de l’extraordinaire complexification de ses circuits neuronaux que cela va nécessiter.

Attachons-nous maintenant à écouter l’enfant dans son berceau. Il va s’essayer à manipuler son appareil vocal qu’il découvre. Il va se régaler et nous régaler dans la création d’une infinité de gazouillis. Il va jouir de la découverte d’une nouvelle puissance. Et un jour on va l’entendre prononcer dada, papa, mama… et on va s’extasier, ça y est, il parle !

Et bien non, il ne parle pas encore. Dans toutes les langues les mots comme papa, mama, dady sont à peu près semblables. Dans les découvertes de manipulations vocales que fait l’enfant, après les are-are qui viennent du fond de la gorge comme les pleurs, les plus simples sont par exemple celles qui vont mobiliser le souffle et les lèvres pppe ou mmme, ou bien la langue qui va claquer sur le palais comme ttteee. C’est donc naturellement que les « mama » « papa » « dada » vont surgir en premier. Mais ce ne sera pas ce que l’on appelle le langage oral.

Cela le deviendra seulement, lorsque sa maman n’étant pas là, l’enfant prononcera un certain mot, qui pourra être mama, dada, papa… peu importe, mais lorsque sous ce mot, il y aura la représentation de sa maman. Lorsqu’il pourra s’en servir pour l’appeler, manifester sa joie, son plaisir. Cette fois son cerveau aura créé la représentation d’une information, la maman, dans un symbole sonore. La maman devient mama, dada… même quand elle n’est pas là, alors qu’auparavant seule sa présence physique, son odeur pouvaient la faire exister et faire exister sa présence ou son absence. Nous voilà dans la magie du langage oral. Un processus est engagé.

S’il n’y avait que la maman et son enfant, dada par exemple pourrait rester le symbole sonore de la maman. Mais il y a aussi la famille pour qui dada n’est pas maman. Les circuits cérébraux vont à nouveau se modifier pour ajuster l’expression de la représentation à celle qui est utilisée couramment. C’est la socialisation du langage dans une langue. Et la conquête va se poursuivre. Ceci dans une infinité de tâtonnements, d’essais, de rectifications, de recommencements. Ceci toujours dans un plaisir évident partagé par son entourage. Un jour, il prononcera une phrase, se fera comprendre, sera compris, il parlera.

On aura compris par quel extraordinaire tâtonnement se construit un langage et ce qu’il est. Mais le langage oral est encore plus extraordinaire que cela, nous y reviendrons dans une prochaine chronique.

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