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Le blog de Bernard Collot
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31 janvier 2012

Evaluation des profs ? Supprimons-là !

Qui évalue vraiment et constamment les profs ? Les enfants, les adolescents, les parents ! « C’est un prof sympa ! Ce prof est nul ! C’est un bon prof… ». Dans les foyers, dans les cours de récré, sur le trottoir de l’école, au bistrot… Plus le prof est bien jugé plus il sera efficient (écouté, obéi, supporté, approuvé…).

Vous me direz que juger n’est pas évaluer, que juger n’est que subjectif. Mais est-ce que les évaluations de toutes sortes ne sont pas finalement que des jugements… chiffrés ? Tout aussi variables suivant ceux qui « pondent » les évaluations, tout aussi variables suivant ceux qui évaluent. Quel prof n’a-t-il pas pris son inspection comme un jugement variable suivant l’inspecteur ? Bien jugé ou mal jugé suivant la personne, l’air du temps des réformes. Quel enfant ne prend pas ses notes comme un jugement ? Quel parent ne se sent-il pas jugé lui-même quand il est convoqué pour les mauvaises notes de son rejeton ?

Il ne me semble pas anormal que les premiers évaluateurs des profs soient ceux qui les subissent ou en bénéficient… de gré ou de force. Quoi que l’on fasse, on n’empêchera jamais cela. On s’en moque puisque ces évaluateurs-là n’ont aucun pouvoir. Sauf parfois quand ils vident une petite école en allant voir au chef-lieu. L’évaluation telle elle est dans notre société de marché est toujours liée, sans qu’on le dise, à une sanction. Ralentissement de la carrière ou… augmentation de la dette : AAA+ ! Ah ! Ah ! Ah !

Et puis on sait bien que le même prof est presque toujours bon pour les uns, exécrable pour les autres. Même entre collègues. Même entre l’enfant et son parent.

Alors ? Alors si comme pour les programmes on mettait l’évaluation au rencart ?

Tout au moins l’évaluation qui chiffre, classe, sélectionne, promeut, rejette… J’ai largement développé dans mes ouvrages l’absence d’évaluation des enfants dans une école du 3ème type[1] et l’efficience de cette absence. J’ai également développé comment les premiers intéressés, enfants, adolescents et leurs responsables, les parents, peuvent être pris en compte dans les stratégies mises en œuvre et leur suivi.

C’est tout simple : il suffit d’admettre que la critique que personne ne peut empêcher fait partie des droits et pouvoirs de tous. Il suffit d’admettre que toute critique repose sur une perception des faits, peut être argumentée. En ce sens toute critique peut être discutée, décortiquée, les perceptions sur lesquelles elle repose peuvent être opposées à d’autres faits, d’autres perceptions des faits. La critique devient alors indispensable à l’amélioration de ce qui devrait être une entreprise éducative.

A une condition : que cette critique s’exprime ensuite dans un collectif, qu’elle soit soumise à la discussion, que l’on cherche à objectiver ce qui est le plus souvent subjectif puisque les appréciations du même fait seront différentes suivant ceux qui les expriment.

On prend toujours la critique dans son sens de jugement péjoratif. Lorsque j’ai ouvert ma classe aux parents (il y a très très longtemps ! 1965 !), j’exigeais une chose : qu’il en ressorte au moins une critique. La critique est indispensable pour engager un dialogue sain. Dans les réunions très régulières que nous avions ensuite, j’aidais même à exprimer les critiques : nous sommes dans une société où critiquer est toujours considéré comme agressif. Et l’on devient, soit agresseur, agressé, soit silencieux et aigri. Mais une fois que la critique est considérée comme l’élément ordinaire d’un tâtonnement expérimental collectif, une fois qu’elle s’exprime, est écoutée et donc que celui qui l’émet est reconnu, une fois qu’elle peut être débattue, alors elle assure la sécurité (être sécure) et le progrès.

Mes collègues m’ont souvent demandé « Mais comment les parents ont-ils pu accepter une telle école et y laisser leurs enfants ? ». Ils ne l’avaient pas accepté : nous l’avions faite ensemble. Quant à mon évaluation par la hiérarchie, celle-ci était devenue impuissante : il fallait alors qu’elle juge non pas un instit mais un village ! Et la hiérarchie m’a fichu la paix !

Enseignants, acceptez, encouragez, réclamez la critique ! Organisez son expression, sa discussion. Vous n’aurez plus à vous poser le problème de votre évaluation ! Et il sera alors possible d’envisager une autre école dans une autre architecture du système éducatif[2].



[1] « Une école du 3ème type ou la pédagogie de la mouche », L’Harmattan, « L’école de la simplexité », TBE, « Chroniques d’une école du 3ème type », TBE

[2] Voir extrait d’un ouvrage en cours d’écriture http://pagesperso-orange.fr/b.collot/b.collot/extrait-tome-II.pdf

Commentaires
N
Comme l'évidence semble compliquée à qui ne veut entendre. Bermard a toute une carrière et beaucoup d'années pour dégager la simplicité et la complexité de la réalité...<br /> <br /> bravo Bernard continue et beaucoup comprennent et aprécie ta compétence
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Q
Heureusement que je suis habitué à être défrisé par ces billets ! <br /> <br /> Je me fais l'impression après les avoir lus d'être l'inspecteur Bourrel, celui qui disait dans une série télévisée d'il y a longtemps en se tapant le front "Mais bon sang ! bien sûr !" quand le solution évidente lui apparaissait.<br /> <br /> Ce que dit Collot est trop simple ! Ne me demandez pas pourquoi c'est trop simple, parce que finalement je n'en sais rien ! On est tellement habitué au colmpliqué qu'on ne sait plus que compliquer encore plus.<br /> <br /> Mais ce n'est pas demain la veille que quelqu'un prendra en considération cette simplicité.
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