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Le blog de Bernard Collot
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12 novembre 2012

Comment faire accepter l'idée du multi-âge ?

Avec son autorisation, je publie comme "billet invité" le commentaire que Florian a posté. Outre le fait que sa longueur nuit à sa lisibilité, il m'a semblé que c'était plus qu'un commentaire. C'est aussi, pour moi tout au moins, un bel exemple de ce qu'un enseignant respectueux des enfants, des parents, ose tenter en même temps que les difficultés qu'il ose affronter. J'y reviendrai, vous y reviendrez peut-être, nous y reviendrons ! Il faudra que nous comprenions que c'est ensemble que nous changerons l'école et que nous changerons en même temps.

 

Bonjour,

Je m'appelle Florian, j'ai une classe de CE1 CE2 dans un village d'un RPI de l'Aude.

Je fais parti de ces « chanceux » qui sont seul dans leur école. J'ai donc beaucoup d'espace. Grâce à vous, j'ai appris à l'utiliser totalement ; sans crainte de laisser mes enfants seuls, sans ma présence.

J'étais encore un enseignant traditionnel il y a un an, et puis, suite à une rencontre avec l'ICEM de l'Aude, je me suis rapidement plongé dans vos ouvrages.

J'ai fini l'année précédente en mettant en place, conseil, plan de travail, et surtout à utiliser l'espace pour éviter les tensions de proximité.

Cette année, j'ai débuté par un virage peut être un peu trop serré, d'un point de vue des parents. Même si j'utilise des fichiers en maths et français, l'organisation se rapprochait d'une école du 3eme type. Le créneau horaire « temps personnel » durait 5h par jour.

Mais voulant rester ouvert aux différents points de vue, dont ceux des parents, j'ai dû un peu évoluer. A ma grande surprise, la plupart m'ont fait confiance. Mais ils trouvent que de laisser trop de liberté aux enfants est une transition trop brusque. Ils ont également peur que leur enfant délaisse les fiches pour faire autre chose de moins mesurable au niveau des apprentissages. Les fichiers, ça rassure les parents (et moi aussi d'ailleurs) pour l'instant.

Il y a une progression, ce qui me permet de tenir un discours cohérent lorsqu'on me titille sur les sacro saints programmes. Ils sont un repère pour les parents. Je ne veux pas me les mettre à dos.

J'ai conscience que la transition est difficile. Pour moi aussi d'ailleurs. Alors, j'ai décidé de faire un pas en arrière, dans un premier temps. Nous avons donc décidé que je flèche le travail des enfants, car nous nous sommes aperçus que certains n'allaient jamais à tel ou tel atelier. Je pense, pour ma part, qu'on ne leur a pas laissé assez de temps pour s'imprégner de la structure et que naissent les projets personnels qui auraient pu voir le jour. Le temps passé à faire des fiches n'est pas consacré à la réalisation d'un projet ! De plus, je vais instaurer des temps de rituels en maths et français au cours de la journée. Cette idée est reprise d'un atelier auquel j'ai participé lors du stage de l'ICEM34 organisé ces derniers jours.

L'école possède deux classes et la bibliothèque du village à laquelle nous avons accès et que nous utilisons pour faire des exposés grâce aux livres et aux grandes tables qu'elle offre.

La salle de classe contient les fichiers, les bureaux individuels et quelques ordinateurs, le couloir l'atelier arts visuels, et l'autre classe les ateliers sciences, écoute, lecture, jeux, mesure, maths, bricolage.

Ma structure est un peu complexe, il faut se l’approprier. Non seulement tous ces lieux, mais aussi les logiciels informatiques que nous utilisons : libreoffice, l'ENT Beneyluschool, twitter (car nous faisons partis des twittclasses), lectra, 1000mots, primaths, météo des écoles.... Apprendre à utiliser tout cela prend du temps. Je garde les enfants deux ans (CE1-CE2), ce que je trouve beaucoup trop court. Une classe coopérative est nécessairement multi-âge, j'en suis plus que convaincu.

Que de temps gagner si j'avais des CM qui tuteureraient les plus petits. Ne serait ce que sur l'appropriation de la structure, les outils, l'utilisation des fichiers, sans parler de tous les autres apprentissages ! J'ai passé toute ma première période à papillonner d'un élève à l'autre. Mais je n'avais pas un rôle de facilitateur pour mener à terme les différents projets personnels, mais plutôt celui d'un manuel technique ambulant. C'est frustrant.

Apprendre à maîtriser la structure, à s'y sentir chez soi, prend du temps. Si je gardais les enfants jusqu'en CM2, ce serait bien. Mais dans mon cas, une fois qu'ils commencent à maîtriser le système, je les envoie chez mon collègue de CM.

 J'en viens donc à l'intitulé de mon mail : Comment être approuvé par la hiérarchie, la mairie, les parents, pour la mise en place de classe multi-niveaux ? Ça semble être un retour en arrière et tuer les RPI pour revenir aux classes uniques, mais dans mon cas, pas complètement.

Dans mon RPI, l''école de Castelnau possède deux classes et accueille des PS-MS-GS-CP. La structure possède aussi 2 ATSEM, le CLAE et la cantine. Pour ma part, à Tourouzelle, j'ai les CE, et mon collègue d'Escales les CM.

Mon idée est de faire deux classes de CE-CM à Tourouzelle et à Escales. Cette solution n'implique pas aux mairies de fournir des ATSEM et une cantine dans nos deux villages, contrairement à un retour aux classes uniques. Le transport actuellement en place, continuerait à déplacer les enfants vers la cantine et le CLAE. Mais cela nous permettrait, à mon collègue et moi même, d'avoir de « vraies » classes multi-âge.

Dans la réalité, je crois que la répartition ne dépend que du conseil de cycle sauf si désaccord. Dans ce dernier cas, l'IEN peur venir trancher. Je préfère prendre les devants en rédigeant un dossier de demande à l'IEN d'instaurer des classes multi-âge.

Qu'en pensez vous ? Comment pouvez vous m'aider ?

Sylvain (1), tu as déjà eu cette expérience à l'école Ballard, en montant des classes uniques. Ça a été approuvé par l'inspection, je crois. Mais ça s'est mal terminé. Pourquoi ? Comment éviter que ça se reproduise ? Lors du stage à Sérignan, j'étais avec Etienne et Printemps qui, je crois, étaient avec toi à Ballard. J'ai également discuté avec Nathalie qui a fait plusieurs stages dans ta classe. Peut être que je peux aussi demander leur avis ?

Bernard et Philippe, membres des CREPSC, vous avez sans doute dû argumenter plus d'une fois en faveur des classes multi-âge. Comment pouvez vous m'aider dans mon projet ?

J'ai lu les chapitres de Bernard relatifs à ce type de fonctionnement. J'ai les arguments mais on connaît l'acharnement de la hiérarchie à vouloir faire disparaître ce type de classe (d'où le CRESPC). Comment faire en sorte qu'ils m'entendent et acceptent ma proposition ? Lors de la réunion de rentrée des directeurs, les maîtres mots étaient : confiance en l'enseignant, encourager les innovations, plus de redoublement et vive la différenciation. Puis je m'appuyer là-dessus pour argumenter mon projet ?

Je me tourne vers vous car vous avez une grande expérience dans le soutien en faveur de ce type de classe.

Merci

Florian



[1] Il s’agit de Sylvain CONNAC, directeur d’école qui a transformé une école de dix classes de la banlieue difficile de La Pailllade de Montpellier en dix classes uniques.

Commentaires
P
Bonjour Florian,<br /> <br /> <br /> <br /> Est-ce que ton collègue qui a les CMs est ok pour avoir aussi CE-CM ? Qui a la fonction de directeur ?<br /> <br /> <br /> <br /> Si ton collègue est ok, que la directrice ou directeur est ok, je le présenterais aux parents via le conseil d'école, en informant tous les parents d'école auparavant que l'équipe enseignante proposera une répartition multi-âge au conseil d'école.<br /> <br /> Si accord du conseil d'école (ce qui fut le cas à Saint Sorlin en 2005 lors de l'instauration d'une organisation 3 niveaux dans les 5 classes, lors du passage de l'école de 4 à 5 classes - un seul doc nécessaire : celui des résultats des études de Françoise Oeuvrard, tu trouveras une doc d'une page sur mon site, Sylvain a une doc plus complète)<br /> <br /> Le compte rendu du conseil d'école indiquera la répartition pour l'année suivante, en précisant bien qu'un bilan sera fait en fin d'année pour voir si la nouvelle organisation est plus .... efficace.<br /> <br /> <br /> <br /> Ce serait sympa que tu nous fasses partager tout ça sur la liste "pratiques" ...<br /> <br /> <br /> <br /> Philippe
Répondre
S
Bonjour Florian, (ainsi qu'à Philippe et Bernard que je salue bien bas !)<br /> <br /> <br /> <br /> Quel beau projet ! Son intérêt, c'est de mettre celui des enfants au coeur des préoccupations pédagogiques, et plus essentiellement celui des adultes et des structures. <br /> <br /> <br /> <br /> Mais mon avis est qu'il convient de bien s'entourer de partenaires. Je m'explique.<br /> <br /> Tu fais référence au projet de l'école coopérative Balard, à juste titre : une idée germée d'une équipe d'enseignants, souhaitant améliorer l'offre pédagogique faite aux enfants de quartier, en tout premier lieu pour leur permettre une meilleure maîtrise des savoirs scolaires afin que leurs origines modestes ne soit plus trop un frein à leurs réussites scolaires. <br /> <br /> Au départ, dans la ferveur de la construction, tout s'est globalement bien passé et de nombreux outils et dispositifs ont été pensés, testés et adaptés. C'est une petite équipe d'enseignants porteurs du projet qui a été à l'origine de l'essentiel du travail, ce qui a ensuite permis d'en attirer de nouveaux, pour une plus grande richesse du projet. Avec quelques années de recul, c'est à ce moment-là que nous avons oublié une dimension centrale pour la pérénité de ce projet : ne pas rester seuls, tout du moins au niveau institutionnel. <br /> <br /> Nous avions en effet fait bien attention à tenir notre IEN au courant de l'avancée des travaux et avons même demandé et obtenu l'accompagnement de la cellule innovations et expérimentations du rectorat de Montpellier. (Tu pourrais d'ailleurs te rapprocher de cette cellule : http://cardie.ac-montpellier.fr/) Mais nous ne sommes pas allés assez loin, notamment en associant l'équipe de circo voire des représentants de l'IA à nos travaux de réfléxion. Leur accord n'était donc que tacite, sans réel engouement, principalement, je pense, par méconnaissance réelle de la nature et la portée pédagogique du projet. <br /> <br /> Cet oubli s'est avéré particulièrement fâcheux lorsque nous avons dû faire face à un conflit relationnel important au sein de notre équipe, à tel point que nous ne disposions pas des clès pour en sortir par l'intérieur. Nous n'avions donc pas d'autre piste que de solliciter l'aide de l'administration, qui n'a alors pas souhaité nous l'apporter, ce qui a fait s'éteindre un projet bien différent de ce qui existait communément dans la circonscription. Si le projet avait pu compter dans ses partenaires des représentants de l'institution, celle-ci se serait sans aucun doute sentie bien plus concernée par les risques de disparition du projet. Mon avis est que, ce projet, n'ayant pas de réelle valeur à leurs yeux, ne méritait pas un engagement formel en sa faveur, ce qui constitue toujours un risque à prendre aux yeux de l'extérieur. <br /> <br /> <br /> <br /> Or, sauf circonstances extraordinaires, il me semble que nul n'est à l'abri d'un problème fortuit rendant la situation impossible à gérer de l'intérieur. Faire le pari de l'hétérogénéité dans un contexte où elle est plutôt vécue comme une contrainte, tendre vers le complexe plutôt que vers le simple, se montrer par ses différences plutôt que de faire comme tout le monde, à savoir se fondre dans l'ensemble, c'est prendre le risque de se distinguer aux yeux de tous. Pédagogiquement, c'est déjà une aventure, qu'il est possible de bien vivre grâce aux divers réseaux d'enseignants qui existent (ICEM, Marelle, notamment). Mais sociologiquement, c'en est une autre, bien plus difficile à contrôler par ses propres moyens. <br /> <br /> <br /> <br /> Je ne peux donc que t'encourager à trouver ton équilibre entre la force de tes propositions et un ensemble de partenaires associés au projet et ayant la certitude d'en être partie prenante. <br /> <br /> <br /> <br /> Sur le fond, notre projet sur les classes uniques partait du principe que des intéractions nombreuses existaient entre les classes. Certes, les travaux de F. Oeuvrard ont pu mettre en évidence que les apprentissages étaient proportionnels à l'intensité du multiâge. Mais, comme le rappelle Bernard, ils commencent à dater et ils demanderaient une actualisation. <br /> <br /> En revanche, autour du concet d'hétérogénéité, les études internationales, notamment celles de M. Crahay, mettent en avant que les configurations homogènes, pas plus qu'hétérogènes, seraient propices à une densification des apprentissages. Une plus-value serait repérée pour ce qu'il nomme les configurations mixtes, c'est-à-dire, à base hétérogène mais, pour des apprentissages spécifiques et sur des temps courts, un modelage au sein de groupe plus homogènes. <br /> <br /> Il faudrait donc voir si, dans la configuration de classe que tu envisages, il sera possible, peut-être via les réseaux d'échanges et la structure coopérative, de proposer à chaque enfant des regroupements autour de savoirs précis, sans que cela altère :<br /> <br /> - le temps d'exposition aux apprentissages des autres élèves, <br /> <br /> - ni ta capacité à vivre la classe de manière sereine. <br /> <br /> Si cela te semble possible, notamment grâce à l'introduction de matériel pédagogique pensé à cet effet, une belle aventure s'ouvre à toi (à vous plutôt). <br /> <br /> Sinon, tu risques de vivre ce que l'on appelle l'effet élastique, à savoir ce phénomène qui voit ses pratiques pédagogiques s'apauvrir considérablement suite à un traumatisme profesionnel lié à de trop grosses difficultés à gérer. <br /> <br /> En somme, tout ceci n'est qu'une reprise de ce que C. Freinet écrivait avec son célèbre : "Ne vous lâchez jamais des mains ... avant de toucher des pieds." (Les dits de Mathieu, Chap 5.)<br /> <br /> <br /> <br /> N'hésite surtout pas à nous tenir au courant de tes avancées et à me (nous) solliciter davantage si besoin.<br /> <br /> <br /> <br /> Amicalement<br /> <br /> <br /> <br /> Sylvain
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