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Le blog de Bernard Collot
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30 janvier 2013

Une école de proximité

J'ai déjà lu vos deux premiers tomes des "chroniques d'une école du 3ème type". Je pense commencer à bien saisir ce que devrait être l'école.

 Mais j'avais envie de vous poser deux questions qui me tarabustaient et qui reviennent à la relecture de ce chapitre :

 - Comment peut être assurée la sécurité dans une école ouverte en permanence ? Sans que cela soit cadré par des horaires ?

 - Comment pouvez-vous faire cela dans vos propres horaires ? Question d'actualité au regard des réactions du monde enseignant aux petites réformes proposées ! - VHF

 Je réponds par un billet au commentaire de vhf :

 À la première question, la sécurité :

 Le premier point important dans la caractéristique d’une école du 3ème type, c’est que c’est impérativement une école de proximité.

Il y a de multiples raisons que j’ai exposées dans d’autres chroniques ou d’autres ouvrages (« École de la simplexité » ou « Classes uniques, structures dissipatives ») et la refondation de l’école devra aussi passer par la restructuration du tissu scolaire en écoles de villages, de quartiers.

On peut dire que le territoire scolaire devrait permettre aux enfants d’aller à l’école à pied ou en vélo de façon autonome. Cette proximité (en même temps que la conquête de l’inconnu) s’agrandissant au fur et à mesure que les enfants devenus préadolescents ou adolescents élargissent leurs cercles d’autonomie (collège, lycée).

De ce fait, les interrelations, plus effectives dans un environnement physique et social à taille humaine, permettent une perception et une connaissance réelle et mutuelle des uns et des autres. Je savais par exemple que si untel était encore à l’école à 18 heures ou plus, je devais ou n’avais pas besoin de prévenir les parents. Si un autre arrivait à dix heures, le plus souvent j’en connaissais la raison. En cas de doute, rarissime, un petit coup de fil aux parents au cas où il y ait un problème. Souvent aussi c’étaient les parents qui me disaient qu’untel ou unetelle resterait plus longtemps… parce qu’il n’y avait personne pour les garder. Etc.

Tout cela pouvait se faire naturellement, d’une part parce que nous sortions de « l’obligation » de la « demande », de « l’autorisation », d’autre part parce que peu à peu il s’établit un climat de confiance générale : aussi bien des enfants vis-à-vis de l’école, de l’école vis-à-vis des enfants, des parents vis-à-vis de l’instit (pardon, du prof aujourd’hui !), du prof vis-à-vis des parents, du village vis-à-vis de l’école et de l’école vis-à-vis du village. Cela ne peut s’établir que lorsque la proximité et le temps permettent la co-reconnaissance. Cela finit par faire partie de la culture, on va à l’école comme on va au stade ou au bord de la rivière.

L’environnement humain (village, quartier) devient lui-même sécuritaire, il devient bienveillant vis-à-vis de celles et ceux qui deviennent aussi ses enfants. Le menuisier, à côté de l’école, qui voyait passer des mômes seuls allant à la poste et veillant à ce qu’ils marchent sur le trottoir, le jardinier devant la fontaine qui leur donnait un coup de main quand un ou deux venaient y chercher de l’eau pour les aquariums, le maire et sa secrétaire quand ils ouvraient le cadastre pour les recherches de quelques autres, la fermière qui leur demandait s’ils ne voulaient pas des œufs pour faire des crêpes à l’école, etc., etc., etc. Le village devenait l’école !

J’ai toujours constaté que dans leur immense majorité les habitants sont instinctivement bienveillants, attentionnés et tolérants aux enfants quand ceux-ci n’ont plus peur d’eux et qu’ils peuvent les solliciter. En somme, les enfants leur permettent de se reconnaître comme adultes, de reconnaître leur importance. Même les acariâtres n’osent plus être trop acariâtres... et de toute façon ils sont repérés !

Vous allez me dire que cela n'était possible que parce que c'était à la campagne (on me fait le coup à chaque fois !). Les habitants en milieu rural ne sont pas meilleurs que leurs homologues urbains, l'environnement y est tout aussi dangereux. Les problèmes économiques et sociaux y sont tout aussi importants, voire plus (les sociologues parlent de la paupérisation des campagnes et les géographes eux parlent maintenant de zones périurbaines). Des collègues et amis ont montré que cette approche était possible quand l'environnement urbain de proximité pouvait être identifié. D'autres dans des organisations éducatives qui se développent hors de l'école et directement dans l'environnement urbain font les mêmes constats que moi (un des plus beaux exemples étant celui des Robinsons de Longjumeau).

Cette ouverture non-stop de l’école, je l’ai d’abord réalisée progressivement seul. En prenant ce que mes collègues considéraient comme des risques insensés et que l’administration, si elle l’avait su, n’aurait pas supporté. En réalité je ne prenais aucun risque et ne faisais prendre aucun risque (voir la chronique signalée par Laurence). Mais, peu à peu, cela a tellement été une évidence pour tout le monde qu’il a été embauché deux personnes pour assurer avec moi la continuité d’une présence officielle d’un adulte responsable de 7 heures du matin à 18 heures le soir ainsi que pendant les jours de congés (sauf le mois d’août !). Et puis il y avait aussi tous les autres adultes qui venaient à l’école pour une raison ou une autre (l’ancienne maison de fonction avait été transformée en médiathèque). Une maison commune où chacun se sentait responsable et où l’adulte pouvait se sentir adulte. On défocalise sur les enfants, on oublie les adultes.

Parce que la proximité permet aussi l’appropriation de l’espace école par la communauté. Il y a des tas de choses à faire pour les adultes aussi dans un espace scolaire. Cela est d’autant plus possible que tout le monde finit par se connaître (l’école, c’est aussi la socialisation des habitants d’un territoire). Pas besoin de vigiles pour savoir qui est qui. Lorsqu’en 1983 l’école de Moussac a été une des toutes premières à disposer d’un matériel informatique et vidéo alors que peu de personnes en possédaient, puis que ce matériel par un accord avec le Conseil Général fut sans cesse renouvelé et sophistiqué, l’école n’a jamais été fermée, verrouillée, protégée. Pourtant tout le monde le savait dans la région. En 35 ans il n’y a jamais eu le moindre vol, la moindre déprédation (sauf un pied de tomate arraché… mais c’était peut-être un chien !) (1). Comme je n’ai jamais eu à déplorer le moindre accident, le moindre incident dans toute ma carrière.

Mais il est évident que cela ne s’instaure pas du jour au lendemain, par décision… ou décret ! Il faut apprendre la nécessité du temps, à condition que ce ne soit pas celui d’attendre sans rien faire et sans rien changer !

Militez pour une école de proximité à taille humaine, il sera plus facile de penser alors à la refonder ! Ce d'autant qu'alors l'intérêt n'est plus seulement pour les enfants et leurs parents, il est aussi celui des habitants. Il devrait être aussi celui des démocrates, mais ça, c'est une autre histoire !

À demain pour la seconde question !

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(1) J’avais envisagé le projet d’installer une école au rez-de-chaussée d’une barre ou d’une tour HLM (comme l’a été à une époque une école à La Villeneuve à Grenoble). Le projet n’a pu voir le jour, mais j’avais inscrit dans les investissements à prévoir que le premier matériel installé courait le risque probable d’être saccagé, mais que le coût de ce risque était nécessaire et bien moins important que celui de le protéger et d’en restreindre son accessibilité.

éger et d’en restreindre son accessibilité.

Commentaires
M
Dans une de mes utopies, l'école étaient ouverte à tous les apprenants, enfants et adultes pour l'apprentissage tout au long de la vie. Le nombre de matières était illimité, le prof pouvait être n'importe qui (adulte, enfant), tous à la même enseigne.<br /> <br /> <br /> <br /> Je trouve que votre école du 3ème type de proximité s'en approche. Mon père pense que mon utopie n'est pas réalisable mais si le rapprochement est vraiment possible alors il a tort. Mélanie
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