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Le blog de Bernard Collot
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7 février 2013

Affaire N. : cas d’école ! Cas de société !

Le titre de mon billet (« parents d’élèves, ras le bol !) était volontairement provocateur. Si le cas de N. provoque naturellement des réactions émotives, il n’était pas dans mon intention de fustiger les parents d’élèves. La lettre que les parents de cette école ont envoyée dans la foulée à l’inspecteur de N. (voir ci-dessous) montre bien qu’il ne faut pas analyser des situations de façon manichéenne. Cet événement, qui j’espère va se dénouer au mieux pour tout le monde et surtout pour N. et les enfants, peut être pris comme un « cas d’école ». Dans ce cas d’ailleurs, c’est à l’administration de retrouver la raison, aux dernières nouvelles, ce n’est pas le chemin qu’elle prend.

Ce qui me frappe c’est le déboussolement général dans lequel se trouvent tous les acteurs du système éducatif. Autrefois, tout était simple. On croyait qu’à l’école la transmission des connaissances s’effectuait de telle façon et de la même façon pour tout le monde. Qu’il y ait des enfants qui « apprennent » bien et d’autres moins bien n’avait pas grande importance. « C’était comme ça ! ». La faute n’était attribuée à personne, sauf éventuellement aux enfants. Soit ils n’étaient pas doués, soit ils étaient paresseux. La croyance a l’avantage de procurer des certitudes.

Tout a commencé à changer quand on a fait dépendre la réussite sociale de la réussite à l’école et que celle-ci a occupé l’essentiel de la vie de tous les enfants et de tous les adolescents. « L’école, c’est ton avenir ». C’est peut-être aussi une croyance, mais il n’empêche que c’est à partir de ce moment que d’une part chaque parent s’est retrouvé plus ou moins dans un état insécure, d’autre part que les certitudes sont devenues incertitudes.

Ce qui déboussole et fragilise tout le monde, c’est que l’on ne sait plus trop bien à quoi se raccrocher. Médicaliser l’acte éducatif (soutien, RASED, psy de toutes sortes…) et transformer les échecs du système en handicaps des enfants n’arrange rien, si ce n’est que rajouter de l’angoisse et faire vivre (bien vivre !) quelques officines.

L’ignorance générale, des parents mais aussi des enseignants et peut-être plus encore de l’administration, quant à ce que l’on sait aujourd’hui sur la construction des apprentissages est aussi entretenue par le système éducatif et ses leviers d’information, les médias.

Ce qui fait que lorsque les parents se trouvent face à des pratiques différentes, non seulement ils sont désarçonnés mais en plus ils sont face à un choix, donc au risque aussi de faire un choix : accepter de rentrer consciemment dans une nouvelle situation qui demande plus que les autres leur participation, ou chercher à retrouver la situation traditionnelle à laquelle ils ont été habitués. Ce choix, ils ne l’ont d’ailleurs que rarement (carte scolaire, pratiques différentes encore peu courantes). Changer d’école ou faire changer l’enseignant ! C’est quand même bien un risque et on a partout constaté qu’un parent qui ne peut plus supporter une école différente cherche toujours à en entraîner d’autres de façon à ne pas prendre le risque seul.

Tout cela se transforme régulièrement en exacerbation et en conflits destructeurs. Les enseignants n’y sont pas pour rien puisque, dans un réflexe d’autoprotection, ils ont besoin d’affirmer des certitudes, de les défendre mordicus, voire de démolir publiquement ceux qu’ils considèrent alors comme des adversaires. Les polémiques violentes et stupides entretenues par certaines organisations « anti-pédagogues » en ont donné une image pitoyable.

Dans ce qui se transforme en une lutte, dans l’opposition de certitudes, on peut comprendre le désarroi de la majorité des parents. Ce d’autant que le paradigme des pédagogies nouvelles n’est plus celui des parcours prévus, vérifiés et tracés immuablement dans les programmes et les méthodes. Ce d’autant que la chaîne industrielle scolaire n’est pas faite pour elles. Dans une société devenue hétéronome (incapable de concevoir que ce qui existe n’est que ce qu’elle a inventé et qu’autre chose peut être inventé quand cela est devenu inefficient), penser et faire autrement devient un danger.

On peut comprendre la réaction des quelques parents de l’école de N. Comprendre n’est pas approuver et excuser. Mais, à lire la lettre que les autres parents ont écrite et envoyée à l’autorité, je suis conforté dans ce que j’ai constaté autrefois dans mon école : nous avons tous au profond de nous-mêmes l’aspiration et la capacité à faire partie d’une espèce sociale et non d’une espèce grégaire. Il suffit d’oser. Il suffit de se reconnaître et de reconnaître les autres. On y trouve même alors du plaisir. Celui de faire partie d’une entreprise collective.

Mais c’est subversif : ceux qui ont les pouvoirs de décider (et que nous leur avons donnés !), qui détiennent les rênes des systèmes, peuvent-ils avoir affaire à des citoyens ? Nous allons bien voir quelle va être la réaction de la hiérarchie de N. Aux dernières nouvelles, elle réagit très mal. Ce qui ne devrait être qu’analyse d’une problématique entre gens raisonnables risque fort de devenir, comme la plupart du temps, un combat. Je vous tiens au courant.

Ce cas d’école est aussi un cas de société.

 

Lettre des parents de l’école de N. aux autorités académiques.

 Monsieur l’inspecteur,

Par la présente, nous tenons à vous faire part de notre colère et de notre indignation concernant des faits qui ne devraient pas se produire au sein même d’une école élémentaire.

La brutalité avec laquelle vous avez décidé d’intervenir dans notre école nous interroge aujourd’hui.

Vous avez décidé la mutation express de M. N., sans qu’aucune mesure pédagogique permettant aux enfants de comprendre ce changement n’ait été prévue. Ni les parents ni la commune n’ont été informés. Quant à la motivation de cette décision, elle reste aujourd’hui sans exposé.

Nos enfants se sont rendus à l’école le mardi 5 février. Quelle ne fut pas leur stupeur ! Une remplaçante était présente et leur a expliqué que « Monsieur N. reviendrait peut-être après les vacances ». S’agit-il du message officiel ? Est-ce donc cela que nous devons enseigner à nos enfants : le mensonge !

Nous vous invitons à méditer sur la perturbation que vos agissements ont engendrée dans l’esprit de nos enfants. La plupart d’entre eux vivent mal ce traumatisme. Nous sollicitons à cet égard l’intervention d’un psychologue scolaire.

Depuis plus d’un an, une très faible minorité de parents d’élèves n’adhèrent pas à la méthode pédagogique dispensée par M. N., ce que nous pouvons tous comprendre dans une société pluriculturelle. En revanche, nous ne pouvons accepter que vous cédiez à cette minorité alors qu’une large majorité de familles apprécie et soutient cette méthode pédagogique. Soutien qui vous a d’ailleurs été exprimé au travers d’une pétition à laquelle vous n’avez porté aucun intérêt. Sommes-nous toujours en démocratie ?

S’agissant de la méthode, nous tenons à souligner qu’elle a insufflé à nos enfants l’envie d’apprendre, l’esprit critique et l’autonomie, la soif de connaissance et le partage avec les autres. Pour la majorité des parents, ces atouts valent amplement toutes les leçons de grammaire. Nous nous interrogeons donc quant à votre souci du bien-être des enfants en les privant de leur enseignant au milieu de l’année scolaire. Y avait-il péril dans la classe pour agir aussi promptement ?

À cet égard, M. N. vous a alerté et a sollicité de l’aide pour un élève en grande difficulté pour lequel il consacre l’entièreté de son attention au détriment des autres enfants de la classe. Cette situation n’a que trop duré et transpire désormais au travers des discussions quotidiennes des sorties d’école.

Violence, insulte, railleries au quotidien ne permettent jamais de travailler dans la sérénité, quelle que soit la méthode. Nous sollicitons d’urgence une commission tripartite pour aider cette famille en détresse et permettre à cette école de retrouver une ambiance apaisée.

Sachez, Monsieur, que toute cette agitation n’a été constructive pour personne. Désormais, les attentes des familles sont simples et non négociables : que les enfants retrouvent leur école, leur enseignant et leurs projets en cours.

En comptant sur votre présence au prochain Conseil d’École, veuillez croire, Monsieur, en l’expression de toute notre considération.

Pour suivre l'ordre chronologique : 6 février, 7 février, 8 février, 9 février, 11 février, 13 février, 14 février, 15 février

Commentaires
M
En retraite depuis longtemps, après avoir été instituteur et conseiller pédagogique, je continue à m'intéresser à tout ce qui concerne l'école. A m'investir aussi dans les groupes de travail pédagogiques. Je pense d'abord à la souffrance de notre camarade. Impossible à connaître.<br /> <br /> <br /> <br /> Que dire d'une telle violence? Malheureusement, elle n'est pas rare. Et ne sont connues que celles un minimum médiatisées, soit parce que le camarade est bien connu soit parce qu'il fait partie d'un mouvement pédagogique. Mais combien d'anonymes sont aussi victimes et cèdent aux injonctions des inspecteurs? Je pourrais en citer plusieurs sans avoir de réseau particulier pour m'informer.<br /> <br /> <br /> <br /> Autrefois, les règles non écrites étaient, pour les inspecteurs, de ne pas réagir publiquement tout de suite aux lettres de parents, dénonciations et autres informations qu'ils recevaient. Car une telle réactivité ne peut qu'encourager les délateurs et nuire à la mission de l'école. Ensuite se renseigner de la réalité des faits. Comme conseiller pédagogique, j'ai eu à recueillir ces renseignements. D'abord avertir l'enseignant, le rencontrer et essayer de trouver la meilleure solution pour lui, la classe, les enfants.<br /> <br /> <br /> <br /> Mais je constate que cette procédure a disparu sous l'ère Sarkozy au profit d'une violence voulue par le pouvoir en place.<br /> <br /> <br /> <br /> Ce qui est grave, c'est que dans les comportements de la chaîne hiérarchique rien n'a changé depuis les dernières élections.<br /> <br /> <br /> <br /> Manifestement le ministre a choisi pour sa refondation de s'appuyer sur la hiérarchie et non sur les enseignants. D'où son encouragement à de semblables attitudes. Il ne faut pas décourager les inspecteurs, il faut au contraire les conforter dans leur autorité par des exemples de ce genre.<br /> <br /> <br /> <br /> S'appuyer sur la hiérarchie pourtant largement discréditée par son comportement passé plutôt que sur les enseignants et leur nécessaire enthousiasme, c'est le choix de Peillon et c'est la signature de l'échec de sa politique.<br /> <br /> <br /> <br /> Pour cela, devons-nous laisser nos camarades en proie à la répression? Non, bien sûr, mais ne jamais décider à leur place. Accompagner, aider, toujours... Ne pas oublier la présence des délégués du personnel, l'appel aux syndicats, aux parents quand c'est possible et aussi à la justice. Habitués à régler nos affaires en famille, nous oublions souvent que l'EN est aussi soumise à la loi générale et que messieurs les IEN et IA ne sont pas détenteurs de la toute puissance. Une agression de cette sorte est pire qu'une blessure physique et est la cause d'un accident du travail à faire constater par un médecin. Et dans ce cas, le congé souhaité par la hiérarchie peut très bien avoir pour cause cette agression ! Les déplacements sont aussi soumis à des règles et peuvent être examinés par la justice. La simple saisine du tribunal administratif avec un avocat sur lequel les inspecteurs n'ont aucun pouvoir est très mauvais pour la réputation d'un IA !<br /> <br /> . Maurice Marteau
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M
Bonjour J'étais avec vous mais en pensée je suis malade ! tout mon soutien
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G
Demain nous seront un maximum de parents pour manifester notre envie de continuer l'aventure avec NICOLAS dès 9h devant l'école, la presse locale sera présente la presse regionale est informée dont je ne peux garantir la présence. Que dire de plus tout est dit par Bernard Collot...<br /> <br /> Derièrre tout ça se cache aussi les chiffres : une pettie école de village perdu au fin fond du loiret elle coûte des sous !!! <br /> <br /> j'ose espérer que nous appelerons cette école "l'école du 7 février 2013" non ça fait un peu après guerre mais pourquoi pas "l'école pour tous" à la mode aujourd'hui... merci de tous les soutiens Merci Nicolas
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