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Le blog de Bernard Collot
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15 octobre 2013

L'éducation à l'environnement ou l'environnement éducateur ?

Cela m’amuse toujours un peu lorsque j’entends ou lis (surtout dans les médias) tout ce qui concerne « L’éducation à l’environnement », bien que j’aie beaucoup de sympathie pour les associations qui se sont donné cette finalité et pour ce que font leurs militants (autrefoIs j’avais beaucoup d’amis dans « Ecole et Nature »).

En réalité il faudrait renverser l’ordre des termes de l’expression : qu’on le veuille ou non, c’est l’environnement qui est l’éducateur des enfants ! Il en est même le principal. Et tout l’environnement, y compris les humains qui en font partie, pas seulement les arbres, oiseaux et fleurs que l’on voudrait bien conserver.

L’éducation, c’est ce qui se produit hors des volontés éducatrices, souvent au grand dam des « éducateurs ». La rue éduque mille fois plus que l’école, on regrette après qu’elle n’ait pas éduqué comme on aurait voulu. Elle n’a pas grand mal d’ailleurs à éduquer bien plus que l’école puisque, dans celle-ci, son environnement interne est réduit à pas grand-chose et que tout est fait pour qu’il y ait le moins possible d’interactions avec lui « Restez assis ! Taisez-vous !... cessez de regarder les mouches… ! »

L’environnement, c’est l’infinité d’informations qui nous bombardent en continu et que perçoivent nos sens. C’est dans l’interaction avec ces informations, par ces interactions, que tout être vivant se construit, s’adapte, évolue. C’est parce qu’il entend parler autour de lui qu’un enfant apprend à parler. S’il est dans un environnement loups, il apprendra à hurler ou au moins à comprendre les hurlements. Il sera éduqué par la jungle parce qu’il faudra qu’il y survive, éventuellement avec ceux qui deviendront ses congénères, les loups.

Lorsqu’un enfant regarde un match à la télé et qu’il entend les commentaires des journalistes sportifs, ceux-ci sont, à ce moment,… ses éducateurs et le monde devient une autre jungle où il faut vaincre des adversaires quelque peu ennemis, ne pas être la risée ou l’objet de l’opprobre si on est le second, considérer la défaite comme un drame national, devoir être le héros sinon on n’est pas grand-chose... Ce qui est d’ailleurs cohérent avec ce que l’enfant vit généralement à l’école… éducatrice !

Quels pouvoirs éducateurs réels avons-nous ? Pas tellement ceux de l’injonction, du faire faire « comme il faut », du apprendre, encore moins ceux de l’interdit. Ce sont les pouvoirs que nous avons sur l’environnement de proximité de l’enfant et sur la permissivité à son accessibilité, en n’oubliant pas que nous-mêmes en faisons partie. Tous nos comportements ont un pouvoir qui nous échappe. J’ai raconté dans un précédent billet que mon vieux canapé était devenu le formidable éducateur sportif et social de mon fiston ! A l’insu de mon plein gré comme disait un autre sportif ! C’est bien avec ces pouvoirs, que des parents favorisent par exemple la conquête de la marche bipède. La rue n’est pas éducatrice comme on le voudrait ? Alors aménageons la rue autrement, comportons-nous y différemment, vivons-y un peu plus, rendons-la appropriable et approprions-la-nous, et la rue éduquera peut-être un peu moins vers l’organisation sociale qui s’appelle la bande.

Bien sûr c’est surtout la nature, sa connaissance, son respect et sa protection, qui préoccupe surtout l’éducation à l’environnement, bien que le béton des cités soit devenu aussi la nature pour ceux qui y vivent. Il faut évidemment le faire. Pas parce que la nature est « jolie » (on peut trouver de la beauté à une centrale nucléaire !), pas parce qu’elle serait « gentille » (la nature est sans sentiments), pas seulement parce qu’elle est nécessaire à la survie de notre espèce. Il faut le faire parce que c’est elle qui nous apprend ce que sont les systèmes vivants, les lois de leurs fonctionnements comme celles de leurs dysfonctionnements. Et nous sommes nous-mêmes des systèmes vivants ! Les groupes sociaux sont ou devraient être des systèmes vivants. Dans les écosystèmes, il y a aussi les écosystèmes sociaux que nous rendons aussi malades que les écosystèmes biologiques.

On voudrait « éduquer » les enfants pour que plus tard ils agissent sur la nature, pour la nature. C’est d’ailleurs le propre de l’espèce sociale humaine de pouvoir le faire. Mais faut-il aussi que ces enfants aient pu, à leur niveau et avec leurs moyens agir sur leur environnement proche, participer à son aménagement matériel, participer à l’auto-organisation des entités dans lesquelles il vit (ou qu’on le fait vivre). Evidemment, en particulier à l’école.

Faire rentrer la nature dans l’école c’est indispensable (pas d’écoles sans jardins, sans animaux !). Aller voir, aller étudier la nature, c’est aussi indispensable. Mais cela ne suffit pas pour que l’environnement soit l’éducateur que l’on voudrait… et dont la nature bénéficierait.

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Commentaires
B
Premier temps : Oui, tu as raison, j'aurais dû intercaler "souvent".<br /> <br /> Deuxième temps (c'est celui que j'avais en tête quand je l'écrivais) : Non ! La rue telle elle est éduque bien,... vers la bande ! L'enseignant le plus réactionnaire qui soit éduque bien : vers la passivité, la soumission, l'irresponsabilité,... ou la rébellion. Pourtant ce n'est probablement pas toujours ce qu'il veut (1).<br /> <br /> J'ai utilisé une définition de l'éducation pouvant faire consensus, mais je n'ai pas cherché à définir le verbe "éduquer" qui dans son sens étymologique suppose une action volontaire de quelqu'un sur un autre quelqu'un pour le "conduire", le "mener" à être ce que l'on veut qu'il soit... L'action est en direction du quelqu'un, sur ce quelqu'un avec une finalité qui n'appartient pas au quelqu'un. Elle peut aboutir au résultat recherché ou à son contraire (exemple des enfants élevés chez les jésuites pouvant devenir les pires anticléricaux qui soient, l'inverse étant aussi vrai... au grand dam des éducateurs, parents ou autres).<br /> <br /> Nous sommes piégés par les mots ! Parce qu'alors c'est quoi les éducateurs professionnels puisque c'est le terme utilisé ? Si on se rapporte à la définition que j'utilise, ce ne sont plus ceux qui étymologiquement conduisent, mais ceux qui permettent. Quoi ? Toujours avec ma définition de l'éducation, l'accession à l'autonomie de l'adulte par la construction de ses outils, les langages, dans un environnement et une entité sociale parmi les autres et en relation avec les autres.<br /> <br /> La volonté éducatrice va donc bien être présente, dans le verbe "permettre", dans le substantif "environnement et dans l'expression "entité sociale". Et je suis tout à fait d'accord avec ce que tu dis et illustre très bien. <br /> <br /> Si la volonté éducatrice de toute une société voulait que les futurs jeunes adultes soient des êtres sociaux, aptes à prendre en main et leur devenir personnel, et le devenir de la société dans laquelle ils vivent et vont agir, ce n'est pas sur les enfants qu'il faudrait avoir un pouvoir d'éducateur, c'est sur l'environnement dans lequel enfants et adolescents sont contraints de vivre et sur nos comportements dans cet environnement.<br /> <br /> En somme, tous les apprentissages sont informels, y compris ceux qui sont néfastes pour l'appreneur et ceux avec qui il devra vivre.<br /> <br /> <br /> <br /> (1) Les militants pour une école émancipatrice me font parfois frémir quand leurs comportements d'éducateurs vont à l'encontre de leurs discours.
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M
Bonjour Bernard Je n'avais pas pris le temps de lire ce billet. Un plaisir à "creuser, à lire"<br /> <br /> N'est-ce pas renier, critiquer "l'esprit 3ème type" quand tu écris "L’éducation, c’est ce qui se produit hors des volontés éducatrices, souvent au grand dam des éducateurs ». <br /> <br /> Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette idée. Il me semble au contraire que "même en ne faisant rien, c'est aussi une volonté éducatrice". Quand tu parles de ton canapé, tes observations t'ont conduit à le garder un certain temps sans penser à le changer. Car si ça avait été un neuf, il se serait passé beaucoup moins de choses "observables". <br /> <br /> Si pour ma part, je décide de sortir avec la classe, parce qu'il fait beau, je n'ai pas de véritable "intention, objectif pédagogique derrière" et pourtant il s'y passe autant de choses que si ça avait été une sortie préparée, organisée... Déjà le fait de sortir peut être considéré comme une volonté éducatrice car je sais bien qu'en chemin, il se passera des choses même si ça ne ressort pas tout de suite. Au retour, il a des choses qui vont rentrer en classe à mon insu certes. N'est-ce pas non plus une volonté éducatrice que de permettre? Même si ça peut déranger "un "certain ordre". Souvent le notre d'ailleurs, pas celui des enfants. N'est-ce pas non plus dans ces moments de désordre, qu'ils sont le plus en recherche? de questionnement? <br /> <br /> Ce sont au final ces moments les plus importants, et ils ne peuvent exister que si nous-même avons cette volonté éducatrice de les permettre, voire de les organiser...<br /> <br /> Et là, nous voyons bien que les apprentissages peuvent se faire partout à tout moment; je dis apprentissage, je devrais dire "questionnements",; à l'intérieur, à l'extérieur. Pour finir, je pense que nous pouvons aussi "organiser la rue", donc l'environnement proche, avec des personnes qui nous apprennent plein de petits savoirs là, tout proches, et que nous ne connaissions pas. Et les rencontres de ces personnes ne dépendent-elles pas de nos volontés éducatrices? <br /> <br /> Amitiés <br /> <br /> Marc
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