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Le blog de Bernard Collot
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26 octobre 2013

La pédagogie de l'improvisation ?

J’ai lu dans une note de lecture à propos de la sortie de la « pédagogie de la mouche » que le livre était à « mettre entre les mains des enseignants qui misent sur la pédagogie de l'improvisation. » (In Education magazine, « Une pédagogie qui fait mouche »)

L’improvisation est souvent pris pour du dilettantisme. Improviser est très mal vu dans l’Education nationale où les pièces maîtresses pour noter les enseignants sont encore souvent, l’emploi du temps avec les répartitions des matières dans la journée, programmes et progressions affichées… et le cahier journal où est couché ce qui va être fait dans la journée. « Montrez-moi vos préparations » et le cahier journal de l’inspecté était épluché, gare à la note s’il était sommaire… ou absent.

Je vais appeler la pédagogie traditionnelle, la pédagogie officielle puisqu’elle est fortement induite par la conception du système éducatif, les instructions du ministère de l’EN, les dispositifs mis en place. Dans cette pédagogie qui est en somme la mise en œuvre de cet ensemble, tout doit être prévu et préparé, aussi bien chaque action des enseignants que les objectifs ou plutôt les « matières » visées, que les moments où elles vont avoir lieu, que les réactions des enfants supposés s’y plier. On n’arrive plus à planifier l’économie mais on continue de penser que l’on peut planifier les apprentissages.

Qu’est-ce qui serait « improvisation » dans une école du 3ème type ? Les réactions non pas des enfants, imprévisibles par nature, mais celles des enseignants face à l’infinité de situations dans lesquelles vont se trouver les enfants, chaque enfant.

Dans la pédagogie officielle, il faut contrôler et réduire ces situations aux seules mises en place et prévues à l’avance par les enseignants. Même lorsqu’on introduit une dose de pédagogie active, il faut prévoir et préparer. Lorsque les « pédagogues » ont découvert ( !) que c’était dans les « situations problème » que se construisaient mieux les apprentissages, il fallait que chaque enseignant s’évertue à prévoir et préparer des « situations problème » adéquates à chaque matière et aux moments également adéquats. La « main à la pâte » de Charpak est un bon exemple, il n’y a rien d’improvisé par l’enseignant à chaque séance, y compris ses réactions face aux réactions des enfants, improvisées celles-ci, dans la situation expérimentale dans laquelle ils sont placés et qui doit amener immanquablement à la notion visée.

Dans une école du 3ème type, nous partons uniquement de tout ce qui naît des envies, des besoins, des intérêts, des événements, de l’affect… de la vie des enfants (tous leurs projets). Toutes les actions des enseignants pour les aider, les accompagner, en profiter pour faire évoluer leurs langages, seront nécessairement improvisées. Aucune ne pourra être prévisible, préparée à l’avance.

Mais l’improvisation suppose alors deux choses :

- Un solide bagage professionnel, une solide connaissance des conditions des processus d’apprentissage, acquis par la formation (inexistante actuellement), l’auto-formation et la co-formation (ce que font les enseignants des pédagogies modernes), l’expérience et la connaissance d’autres expériences. Toute improvisation pioche dans ce qui s’est accumulé dans la mémoire informelle. L’intuition naît de ce que l’on sait sans savoir qu’on le sait. Tout le monde peut improviser en musique. Mais il faut déjà être un bon musicien pour faire un bon boeuf. Les équipes des matches d’improvisation s’entraînent régulièrement pour acquérir la confiance en soi, la confiance aux autres et surtout une empathie aigüe, la capacité de se laisser entraîner dans la création de comportements suivant les situations créées également par les comportements des autres.

Dans la démarche des enseignants qui vont vers une école du 3ème type (et qui a été aussi la mienne), il y a cette transition progressive qui amène peu à peu à l’abandon de la prévision et de la préparation de situations artificielles dans lesquelles on a peu à improviser.

- L’agencement non improvisé de l’environnement et du cadre où devront vivre les enfants ou les adolescents. Suivant comment sera cet environnement, suivant ce qu’il sera possible d’y faire, suivant comme l’ensemble constituera un système ouvert (sa structure dissipative), d’une part les situations éducatives nées des enfants et adolescents seront infinies (plus besoin d’en préparer !), d’autre part les moments où l’enseignant devra improviser avec tout son bagage et son expérience seront aussi infinis. Nous sommes dans l’ingénierie éducative, qui est l’ingénierie des systèmes vivants (un agriculteur biologique est un ingénieur des systèmes vivants). Je prends le mot de la même famille :  ingénieux ! Et je préfère dans la racine « gen », générer, tant pis si l’étymologie n’est pas d’accord !

Oui, dans une école du 3ème type, tous ses acteurs sont bien dans la pédagogie de l’improvisation, consciente, acceptée,… réfléchie !

Je remercie l’auteur de la note de lecture qui a inventé l’expression et bien compris ce qu’était une école du 3ème type ! Il y en a donc :-)

alternative schools. Change the school. - escuelas alternativas. Cambiar la escuela..scuole alternative. Cambiare la scuola. - escolas alternativas. Mudar a escola.  - Alternative Schulen. Umwandlung der Schule - La pedagogía de la improvisación -  The pedagogy of improvisation - La pedagogia dell'improvvisazioneA pedagogia da improvisação  - Die Pädagogik der Improvisation

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Commentaires
E
Bonjour<br /> <br /> Je parcours votre site depuis quelques jours...cet article en particulier m'encourage à commenter. Comment vous dire le bienfait de lire cette reconnaissance de la pédagogie de l'improvisation que je pratique sans le savoir, sans avoir jusque là réussi à formuler aussi clairement mes intentions, mon expérience, mon quotidien avec mes élèves! Quel soulagement de se sentir reconnue, de trouver un appui, une fondation pour de futurs échanges avec des collègues ou la hiérarchie, où même ma famille!<br /> <br /> Classe unique de maternelle depuis plus de 20 ans, la cinquantaine, un quotidien fourmillant de "on pourrait...." et "si on essayait de...." des élèves actifs, des familles reconnaissantes, mais peu de collègues avec qui échanger de ma manière de "faire la classe". Une histoire commence donc aujourd'hui, celle de mon "ingénierie éducative".<br /> <br /> Merci.
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M
Tout le monde n'a pas la capacité d'improviser, de rebondir sur ce qu'apportent les élèves. <br /> <br /> Avec le tableau numérique, ça devient plus facile d'ouvrir des fenêtres, de faire des liens entre les élèves et les savoirs.
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C
Bonjour, je découvre ce blog et suis tout à fait d'accord avec son propos. Je pratique l'improvisation en collège aussi souvent que possible (et c'est presque toujours possible !), n'ayant qu'une trame assez simple (le sujet du cours et deux ou trois directions). De cette manière, je ne m'ennuie jamais car tout peut arriver (le pire comme le meilleur...) et cette souplesse donne de l'agrément au déroulé du cours. Cependant, il est vrai que je ne suis parvenue à faire cela qu'après une quinzaine d'années de pratique, quand je me suis sentie vraiment à l'aise tant au niveau humain qu'au niveau des connaissances (de ma matière comme de la pédagogie).
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L
Ah bah voilà ;) ! Oui, c'est ça... y compris dans le "Attention à la (dé)formation !"..... D'ailleurs les "mais on n'est pas formé à tout ça !", ça me met toujours en rogne.....
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B
Ce sont des connaissances sur le VIVANT, les systèmes vivants, que doivent avoir et continuer d'accumuler (pendant leurs fonctions comme en dehors de leurs fonctions) celles et ceux qui ont à s'occuper d'espaces où des enfants sont réunis quotidiennement et dont ils ont la charge professionnelle. Tu vois je n'ai pas dit "des enfants qu'ils doivent éduquer" :-)) De même que je n'ai pas dit "enseignants" mais professionnels (ce qui fait un paquet de professions pour moi toutes équivalentes)<br /> <br /> <br /> <br /> Cette accumulation d'expérience (vécus divers) se fait bien aussi en dehors des espaces institués. J'ai pour ma part énormément appris, pour mon travail en classe, avec les abeilles, chez les vignerons, chez les artisans, les agriculteurs bio, dans les roulottes des gitans, etc. Bien sûr qu'il est primordial de porter un autre regard sur l'enfant (qui n'est pas un objet-élève) mais si ce doit devenir spontané comme tu le dis à juste raison et pour revenir à l'improvisé, la spontanéité provient de ce qui est accumulé dans la mémoire consciente ou inconsciente (1). <br /> <br /> <br /> <br /> D'où, je suis sûr que je vais te faire plaisir ;-) , l'épanouissement de l'adulte qui va se retrouver en position professionnelle avec des enfants est aussi important que tout son bagage. <br /> <br /> <br /> <br /> Le parent ou n'importe quel autre adulte a autant d'aptitudes pour aider les enfants à se construire que n'importe quel professionnel. La différence qui nécessite ce "bagage" dont je parlais, c'est que le professionnel a à rendre un espace institué où doit vivre un collectif d'enfant (l'école pour notre propos), vivant et fécond, ce qu'il n'est pas naturellement d'emblée.<br /> <br /> <br /> <br /> Tu me pousses dans mes retranchements ! :-)))) <br /> <br /> <br /> <br /> (1) Lorsque j'étais directeur de centres de vacances, les meilleurs moniteurs étaient souvent ceux qui n'avaient pas la BAFA ! Et pourtant les CEMEA ou les FRANCAS faisaient un travail remarquable de formation et ont eux aussi beaucoup apporté à transformer ce qu'on appelle l'acte éducatif... à ceux qui ne faisaient pas la distinction entre vacances et école ! De même j'ai trouvé des enseignants remarquables dans ceux qui, à l'époque, étaient embauchés sans passer par l'école normale : mais ce qu'ils avaient plus que beaucoup d'autres, c'était une insatiable curiosité. L'ignorance, mère des progrès... si elle propulse et fait engranger ! Les certitudes, c'est l'immobilisme !
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