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Le blog de Bernard Collot
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29 août 2014

Freinet, Ferrer, Freire, Montessori… vous souhaitent une rentrée... enthousiasmante !

rentrée« J'ai beaucoup aimé vos chroniques d'une école du 3ème type, mais justement, je ne vois plus cet optimisme qu'il y avait dans ces pages, dans cet article... Optimisme et espoir.. » (Jordan)

Si les Freinet, Ferrer, Freire, Montessori… se réveillaient, qu’est-ce qu’ils diraient ? Probablement la même chose que moi en ce qui concerne l’état général du système éducatif. Les uns et les autres se retrouveraient dans les luttes qu’ils ont menées, l’hostilité à laquelle ils ont dû faire face[1], les pesanteurs à renverser…

Que pourraient-ils dire ? Que la lutte continue ! Ils n’ont pas été que des semeurs d’idées, ils ont été des lutteurs mettant en œuvre leurs idées.

MAIS, ils se seraient aussi probablement réjouis. Réjouis parce que les idées qu’ils ont répandues ne sont plus confinées dans la confidentialité (mais ce n’est pas parce que des idées sont reconnues qu’elles sont mises en œuvre), réjouis parce qu’ils verraient que d’autres s’en sont emparées pour aller plus loin. Réjouis de voir qu’il y a toujours dans l’école publique des jeunes qui s’engagent sur leurs voies ou des plus vieux qui les poursuivent. Réjouis de voir se multiplier, avec des parents cette fois, des îlots qui n’ont plus la crainte de rompre avec les vieilles représentations et les vieux habitus, qui prennent des risques. Ils seraient réjouis de voir que le nombre des lutteurs, des résistants, croît et s’exprime. Ils seraient réjouis de voir enfin des parents soutenir les enseignants qui tentent de sortir et de sortir les enfants de l’espèce de condamnation scolaire à laquelle ils sont soumis, et de s’engager auprès d’eux. Ils seraient… raisonnablement optimistes ! Et je le suis aussi !

Il est vrai que l’état globalement inchangé du système éducatif pourrait vous inciter, vous enseignants, … à ne plus y rentrer ou à en sortir. Quelles que soient vos aspirations, vous ne serez pas dans le confort de la carrière… d’un fonctionnaire. Nous, les vieux ou les décédés, n’y avons jamais été.

Mais c’est cela votre chance, celle d’assumer une tâche en tant qu’humain en non pas en tant que fonction. La chance qui, si elle ne vous assurera pas en fin de carrière la retraite, la villa payée, le camping-car ou les voyages organisés, vous fera vivre avec ceux que vous devrez faire vivre. Ces enfants et ces adolescents dont vous aurez à respecter la vie, à contribuer à leur construction d’êtres vivants, vous feront justement vivre vous aussi en tant qu’êtres humains, voire vous aideront à mieux le devenir.

Vous aurez à inventer, à créer, … et à prendre des risques, parfois des coups, affronter des déceptions parce que la vie ne se plie pas aux desideratas, parce que l’institution n’est pas encore faite pour la vie, parce que la vie à laquelle vous devrez contribuer doit se frayer un chemin dans ce qui n’a pas été conçu pour elle, vous devrez bousculer les murs qui ont été bâtis pour l’empêcher.

Mais c’est la même chose pour les paysans qui s’engagent dans l’agriculture biologique, pour les ouvriers qui s’engagent dans une entreprise coopérative, pour ceux qui à leur niveau veulent instaurer une démocratie participative, pour ceux qui s’engagent dans le consommer et le vivre autrement… Toutes celles et ceux qui sont sur le fameux « terrain » du vivant dans un contexte qui n’est pas favorable. Ils sont confrontés aux mêmes difficultés que vous, au même système immobile. A contrario, les difficultés sont enthousiasmantes parce qu’elles vous redonnent votre qualité première « d’être créateur ». Comme eux, comme leurs prédécesseurs, vous jouirez d’une petite avancée, vous émerveillerez de l’inattendu qui surprend ; vous chercherez, inventerez ; vous vous tromperez, vous recommencerez autrement et humblement en acceptant que la vie a ses lois à respecter. Et comme eux vous ne serez pas les seuls à le faire, comme eux vous échangerez, aurez le plaisir et l’enthousiasme de faire partie d’une intelligence collective, d’appartenir à ce qui fait (devrait faire !) l’espèce humaine, de contribuer à ce que notre espèce devienne humaine. Rien que cela vaut la peine, pour vous-mêmes.

Dans l’état actuel de notre monde, cela ne sera pas facile. Mais, entre nous, si cela était facile, les enfants auraient-ils besoin de vous ?

Bien sûr vous voudriez que cela soit déjà idyllique (il n’y aurait plus rien à faire, qu’à vivre tranquillement, enfants, profs et parents !) et mon état des lieux peut sembler décourageant (il est le même pour tous les autres domaines de la société). Vous allez être confrontés à un immédiat qui n'est pas drôle, et l’immédiat est encore plus important pour le devenir des enfants que pour vous. Il vous faudra, là où vous êtes, changer un peu cet immédiat… Mais vous serez plus nombreux encore qu’au temps des Freinet et autres… si vous êtes portés par l’enthousiasme, si vous croyez à l’importance et aux forces de la vie. Vous serez, autant que vos prédécesseurs, encore des pionniers, des défricheurs (en tâchant de ne pas être des martyrs). Et vous aurez la chance que les enfants vous aideront à vous… élever.

Non, je ne suis pas pessimiste : si le système ne bouge pas, il se fissure de plus en plus (c’est la loi de l’entropie de la thermodynamique !), les grains de sable ou les graines qui germent et se développent (vous !) se multiplient. C’est encore une loi de la nature : la végétation reconquiert toujours les décombres des bâtiments qui l’en ont empêchée, et les bâtiments disparaissent.

Je suis optimiste parce que je ne peux croire que chacun d’entre vous se complaise dans l’immobilisme qui est celui de la mort, dans son acceptation. Et la société, c’est vous, c’est nous… ce seront les enfants. Il suffit d’en prendre conscience et cette conscience, je la vois de plus en plus s’exprimer, s’étendre, se mettre en action. Il y a une autre loi, celle de l’accélération des processus une fois enclenchés : nous sommes dans cette accélération.

Bonne rentrée… enthousiasmante et riche pour les enfants et pour vous (restez vivants, laissez-les vivants !).

PS : au fait, il y a plus de 14 500 enseignants et parents qui ont déjà signé l’appel. Vous êtes bien plus nombreux, faite arriver à plusieurs dizaines de milliers de signatures, accélérez encore le processus pour changer les choses et les conditions dans lesquelles sont les enfants comme vous-mêmes : http://appelecolesdifferentes.blogspot.fr/

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[1] Voir, « Enseigner en milieu hostile » : http://www.questionsdeclasses.org/?La-transformation-de-l-ecole-en

 

Commentaires
J
Merci pour cette belle réponse que vous me faites (indirectement), merci de l'attention que vous avez porté à mon (petit) message...<br /> <br /> Pour un étudiant en formation comme moi, lire ce genre de discours est vivifiant.<br /> <br /> Je suis pour l'instant quelque peu déçu de ce qu'on me propose à l'ESPE (quel drôle de nom), je doute de beaucoup de choses, j'espère être sur la bonne voie, j'aimerai avoir pour formateurs des personnes plus clairvoyantes, optimistes, inventives...mais apparemment, ils ne sont pas formateurs - ils sont dans la vraie vie !<br /> <br /> Je reste cependant "enthousiaste" comme vous dites. <br /> <br /> Je crois qu'il faut savoir se montrer patient.<br /> <br /> En attendant, je vais continuer de lire vos livres, et ceux des autres passionnés, qui m'offriront, je l'espère, de nouvelles raisons d'avoir envie, de désirer être enseignant, de rêver à de beaux lendemains..à l'école ou peut-être ailleurs (qui sait ?)<br /> <br /> <br /> <br /> . . .
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M
Même en Corée, cela bouge ! environ 200 écoles y existent sans directeur, ni compétition ni examen, où les élèves choisissent leurs cours et travaillent à leur<br /> <br /> rythme.<br /> <br /> mardi 16 septembre à 18h, Ana Shin Eun-Sook présentera ces écoles<br /> <br /> alternatives au CIRA (Centre International de Recherche sur l'Anarchisme), 50 rue consolat, 13001 Marseille
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