Laïcité : Jupes longues, jupes courtes, puis-je venir à l’école nu ?
Fut un temps, tous les écoliers devaient porter un uniforme scolaire (blouses grises). L’obligation ne choquait personne. Ne pas avoir de blouse était considéré comme une provocation.
Fut un temps, les filles ne pouvaient aller à l’école en mini-jupe. L’interdiction ne choquait personne. Venir en mini-jupe était considéré comme une provocation… sexuelle.
Si aujourd’hui, une lycéenne vient à l’école habillée en nonne, un lycéen avec une bure de moine, coiffé d’un turban ou d’une kippa, c’est considéré comme une provocation, ni plus ni moins qu’avec un costume musulman.
Si au nom de ma liberté je me promène nu dans les rues, ce sera considéré comme une provocation, mais je peux le faire chez moi ou dans un centre naturiste. Autrement dit je peux me promener habillé dans n’importe quel costume religieux au nom de ma croyance (plus personne ne me voit… si c’est dans une grande ville), mais pas déshabillé si je crois aux bienfaits du naturisme (par beau temps !) ou si j’en fais une religion.
Les habitus et les tabous sont ce qu’ils sont, découlent du social-historique d’une société (la nôtre est devenue laïque depuis quelque temps), y déroger est toujours considéré comme une provocation, et de facto cela en est une. Tout provocateur sait donc qu’il encourt des risques, quels que soient les principes au nom desquels il les prend. A lui d’estimer si cela en vaut la peine.
Si à une époque telle ou telle attitude gêne dans la sphère publique, à une autre elle ne gêne plus (s’embrasser sur les bancs publics !), mais il y en a alors d’autres qui gênent.
Ce que nous n’aimons pas dans la société française, c’est subir un prosélytisme considéré comme une agression. Nous ne voyons pas comme aux Etats-Unis des prédicateurs dans les rues. Je résumerais pour ma part la laïcité, comme culture et non comme principe, à ceci : crois à ce que tu veux mais ne m’agresse pas de quelque façon que ce soit avec tes croyances. De quoi protège la laïcité ? De l’agression des croyances dans la sphère publique, elle n’empêche pas chacun de croire à ce qu’il veut et de le vivre dans sa sphère privée.
Penser que les enfants, dans l’école publique et même ailleurs, ont le droit d’être protégés de toute influence religieuse ou politique me paraît juste. Reste à savoir si un costume qui affiche ostensiblement et volontairement une croyance, une appartenance, peut influencer, troubler, perturber. Dans l’instant présent, dans un monde où l’affichage visuel est un moyen de pression sur les inconscients, parfaitement maîtrisé et utilisé sur les murs, sur les écrans, je le pense.
Mais le cas ahurissant de la jupe longue de cette lycéenne n’aurait jamais été un cas ni une provocation si la dissimulation du corps féminin n’était devenue le signe d’une religion et d’un prosélytisme comme, à l’inverse, la découverte d’une partie de ce corps (jupes courtes) était le signe d’une perversion. Cela me semble relever des phobies et des craintes qui traversent nos sociétés au gré des événements qui les secouent ou des dominations qu’elles instaurent. Peu importe s’il y a peut-être une certaine malignité provocatrice et pas innocente de cette jeune fille ou de sa famille, de tout temps les jeunes ont cherché par leurs vêtements à en faire des signes de reconnaissance, d’identité ou de révolte (blousons noirs, hippies, cheveux longs ou cranes rasés, tatouages, piercings…), ce sont nous, les médias, l’Institution, qui les transformons en symboles dangereux pour l’ordre public et de ce fait ils le deviennent parce que c’est une idée de crainte que nous engendrons.
Cet été, je ne me promènerai pas nu dans les rues, les tenants de la liberté pour eux-mêmes ne me le permettraient pas, bien qu’une des philosophies naturistes dit qu’en enlevant ses vêtements on se départit de son armure sociale et qu’on devient, un temps, égaux ! :-) :-) :-)
Retour à la case départ, le vêtement est bien une armure, parfois un drapeau.
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