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Le blog de Bernard Collot
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4 octobre 2015

De la classe unique à une école exceptionnelle : Monticello.

monticello

Monticello, en Corse : "En 1976, moins de 300 habitants, 5 enfants à l'école... aujourd'hui 2 000 habitants avec une école exceptionnelle"

Je vous avais déjà parlé de l'école de Monticello, ce village corse, où, avec la participation du professeur Hubert Montagner (que vous connaissez bien sur ce blog), a été conçue et ouverte une école publique exceptionnelle qui fait l'admiration... des étrangers !

On peut affirmer que si la classe unique d'origine avait été supprimée, il n'y aurait eu un tel dynamisme communal aboutissant à ce qui a été une oeuvre collective de toute une communauté (élus, parents, villageois... ). Il faut dire que parmi les élus de Monticello et les chevilles ouvrières du projet, il y avait aussi un ancien instituteur pratiquant la pédagogie Freinet dans le multi-âge. 

C'est la magnifique illustration de ce que nous défendons depuis longtemps et dont les classes uniques ont été le ferment : "Ecole rurale, école nouvelle". Oui, Monticello attire des parents, donc des habitants. L'école doit être avant tout une oeuvre collective de ceux à qui elle appartient et pour qui elle est faite, mais aussi lorsque l'école se fonde sur les principes qui devraient fonder l'humanité, elle influe aussi sur cette humanité. Que toute une bourgade se soit rassemblée autour de principes éducatifs qui rendent frileux tous nos politiques devrait inciter les décideurs éradicateurs à un peu plus de réflexion et d'humilité.

Partout où des boucliers se lèvent pour conserver leur classe unique ou petite école, ils le sont aussi et parfois surtout parce que leur école est justement différente et qu'ils ont constaté à quel point elle était bénéfique pour leurs enfants. Ah ! Oui mais que d'investissements ! On les fait ces investissements et sans état d'âme pour bien d'autres choses (tourisme, fermes de mille vaches, aéroports,...) dont ensuite il faut assumer les conséquences qui coûtent beaucoup plus cher et qui sont irréversibles. Des investissements, beaucoup de ces écoles rurales condamnées les ont faits dans la mesure de leurs moyens, tout cela pour être gâché et qui plus est gâcher leur avenir qui pourrait être celui de Monticello.

Monticello n'est peut-être pas tout à fait ce que j'ai appelé une école du 3ème type. Peu importe, il y a tous les ingrédients matériels et humains pour pouvoir évoluer toujours plus loin. Elle est un exemple de ce qui peut être fait, tout de suite, en faisant des choix qui sont d'abord citoyens.

Hubert Montagner précise :

Je tiens à préciser que la conception de l’école a été nourrie en permanence pendant plus de dix ans (je ne sais plus exactement... il faudrait demander à Jean PAYEN) par des échanges téléphoniques, courriels et courriers entre   Jean PAYEN, adjoint aux Affaires Scolaires et chargé du dossier, et moi-même, en interaction avec l’architecte (que j’ai rencontré à MONTICELLO), avec des informations transmises à la population.

Il y a eu notamment à la Mairie une réunion publique ouverte à tous, avec le Maire, Jean PAYEN, l’architecte et moi-même. Ancien Instituteur FREINET et directeur d’école, Jean PAYEN a présenté la philosophie et les objectifs du projet global. J’ai expliqué moi-même pourquoi et comment nous avons conçu ensemble l’organisation, le fonctionnement, les mobiliers et les aménagements d’espace au sein de l’école et en dehors, à partir des données de la recherche scientifique, des études et constats cliniques,  et des "principes FREINET" nourris par l’expérience et le vécu de Jean PAYEN. Puis, l’architecte  a projeté les images des  plans qu’il avait dessinés à partir de nos échanges et du document initial que j’avais rédigé. Une autre réunion publique a eu lieu quelques mois avant la première rentrée scolaire. Au final, chacun a pu s’exprimer, demander des explications et donner son point de vue. Le dialogue s’est poursuivi au cours de la conférence-débat que j’ai donnée le 17 septembre 2015 dans le »lieu spectacle » que nous avons  conçu au sein même de l’école.

Jean PAYEN est désormais élu municipal et chargé du dossier de l’école dont nous poursuivons l’aménagement.et l’équipement, en relation avec la directrice Stéphanie et toute l’équipe éducative (Jean PAYEN n’a pas souhaité prolonger son mandat de premier adjoint). Les améliorations et nouveautés ont été discutées avec l’équipe au cours de mon dernier passage du 16 au 19 septembre 2015.

Article à paraître dans le mensuel "Acteurs de la vie scolaire" (complément de "La gazette des communes" (1)), signé par Frédéric Jesu (2) 

Quand la commune soigne le cadre autant que les rythmes

Lorsque la commune a si bien conçu et aménagé l’école primaire et l’environnement « périscolaire » qu’il n’y a plus beaucoup de motifs de s’en plaindre, l’énergie des enseignants, des animateurs, des parents et des enfants peut se consacrer à leur créativité éducative commune.

Telle est l’une des stimulantes réflexions que suscite la rencontre avec les uns et les autres - en présence des élus[1] et de Hubert Montagner[2], leur conseiller scientifique - sur le superbe site, surplombant la commune de Monticello (Haute-Corse), où celle-ci a construit et ouvert, en 2012, sa nouvelle école. Elle y jouxte le stade et la piscine municipaux, un poney-club et, bientôt, une ferme pédagogique.

Depuis 40 ans, une politique volontariste globale a réussi à enrayer le déclin démographique de Monticello : moins de 300 habitants (et une classe de 5 enfants) en 1976, et près de 2.000 aujourd’hui (et, à la rentrée 2015, 200 enfants répartis sur 3 classes pré-élémentaires et 5 classes élémentaires). Plusieurs décisions bienveillantes à l’égard des familles y ont sans doute contribué : signature d’un Contrat éducatif local (intercommunal), création d’une crèche collective, il y a 15 ans, puis de la nouvelle école ; et, dès 2013, mise en œuvre, mûrement réfléchie par Jean Payen et Hubert Montagner, d’une réforme des rythmes éducatifs soucieuse avant tout du bien-être et de l’intérêt des enfants.

Tous les aménagements de l’école reflètent ce souci. Longue esplanade d’accueil où parents et enfants peuvent se déployer devant un potager et une volière de tourterelles, larges coursives ouvertes facilitant les circulations entre les classes, cour de récréation en atrium et à plusieurs niveaux dotée d’aires de jeux collectifs, salle des maîtres accessible aux parents (avec un coin aménagé pour des échanges entre eux), éclairages modulables et plafonds insonorisants, etc. : voici pour l’architecture physique, qu’agrémentent les pierres de pays finement taillées, le bois, les baies vitrées, les fresques …

La bientraitance pédagogique se manifeste aussi à travers d’autres partis pris  : lieux d’accueil calmes dont certains collectifs (dotés d’une piscine à boules, d’aquariums) pour la première demi-heure du matin et les autres temps de transition, et permettant aux enfants de monter doucement en vigilance ou de restaurer leur disponibilité ; tables et chaises adaptées à la taille de chaque enfant, tableau numérique et imprimante dans chaque classe ; mini-amphitéâtre en bois dans les classes pré-élémentaires (cf. photo 1) ; structure en bois polyvalente dans la médiathèque (cf. photo 2). Et, communes à des binômes de classes élémentaires (CP et CE1, CM1 et CM2), des toilettes intérieures, respectueuses des besoins d’intimité, ainsi qu’une « salle d’expression », équipée de gradins latéraux et d’un podium en bois, et réservée aux enfants qui souhaitent se réunir entre eux et, le cas échéant, y inviter les enseignants et les animateurs. La livraison, en 2016, d’un nouveau restaurant scolaire logé sous les bâtiments scolaires, viendra compléter l’ensemble.

Les lundi, mardi et jeudi, à 15h30, il ne faut que 5 minutes aux enfants pour rejoindre les ateliers « périscolaires » de 55 minutes qui leur sont proposés, par rotations dans la semaine et dans l’année : culturels à l’intérieur de l’école, et sportifs dans les équipements tout proches. Des ateliers gratuits, pour lesquels la commune dépense 100 € par enfant.

Si le récent PEdT intègre toutes les possibilités ainsi mises à la disposition des enfants par la commune, la « balle » est maintenant dans le camp de l’équipe enseignante et, à leurs côtés, des parents. Cette équipe, qui se fidélise peu à peu, s’ouvre d’ailleurs à d’intéressantes initiatives pédagogiques. Déjà, des dispositifs de tutorat sont testés entre les enfants de CP et de CE2. Et, si les « salles d’expression » restent encore peu utilisées spontanément par les enfants, nul doute que le climat de respect mutuel qui s’installe entre tous, adultes et enfants, ne vienne bientôt encourager à compléter, à Monticello ou ailleurs, l’évaluation des apprentissages scolaires par celle du bien-être et de l’exercice précoce de la citoyenneté.

Frédéric Jésu

(1) Frédéric Jesu, pédopsychiatre, Vice-Président de DEI (Défense Enfants International), et acteur très engagé dans les projets éducatifs territoriaux, dans le développement de l'enfant, dans son soutien aux pédagogies nouvelles...
(2) "Acteurs de la vie scolaire"et "La gazette des communes" relatent avec honnêteté et sans parti pris la vie, les informations, les problèmes, les solutions des collectivités locales. 
Un article dans la presse : monticello3

monticello2

Légende - Le « meuble » de la médiathèque-bibliothèque, ouverte à toutes les classes. Chaque enfant peut s’y « réfugier », seul ou avec des pairs, pour lire, écrire, dessiner, faire des mots croisés ou reconstituer un puzzle… Les enfants peuvent s’asseoir, se mettre à genoux, s’allonger, se blottir, entrer et sortir en empruntant le « créneau » situé à droite des gradins en escalier. L’adulte en situation pédagogique peut s’adresser aux enfants de la classe ou d’une autre classe réunis sur la structure, leur raconter une légende, un conte, un événement, échanger sur le contenu de l’ouvrage choisi par un ou plusieurs élèves… La fresque murale représente le site naturel et le promontoire sur lequel l‘école a été construite.



[1] Le maire, Joseph Mattei,  son prédécesseur, Hyacinthe Mattei, et leur adjoint à l’éducation (jusqu’en 2014) Jean Payen.

[2] Universitaire bien connu pour ses recherches sur les liens entre le développement global des enfants et leurs rythmes bio-psycho-sociologiques.

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