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Le blog de Bernard Collot
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7 mars 2016

De l’école à la société : petites structures hétérogènes

petites strucures et société

La résistance à l’éradication des petites écoles dans l’indifférence générale n’est qu’un exemple d’un enjeu qu’on ne veut pas voir.

La réduction de la taille de toutes les structures territoriales, étatiques, agricoles, économiques, industrielles, énergétiques, sociales… devrait être la première transformation à opérer, à mettre en avant dans les propositions politiques qui prétendent transformer ou même simplement améliorer notre société.

À propos des écoles, je n’ai pas cessé d’expliquer, de marteler depuis près de cinquante ans, pourquoi la taille des structures scolaires était une des conditions premières pour que les constructions cognitives et sociales des enfants s’effectuent au mieux. Les faits continuent de me donner raison, même s’ils continuent d’être niés par tous ceux qui ont le pouvoir d’éradiquer et de concentrer. (voir ce chapitre de « L’école de la simplexité »)

Mais ce qui est prouvé et démontré en ce qui concerne les enfants l’est aussi dans tous les domaines sociétaux. Les civilisations occidentales n’ont cessé de concentrer, concentrer les humains, concentrer l’habitat, concentrer les activités, regrouper les territoires, concentrer les pouvoirs… jusqu’à ce que tout devienne méga : mégapoles, mégafermes, mégaÉtats, mégacentrales, mégabanques… Toute l’humanité doit se plier aujourd’hui à ce que commandent des mégasystèmes sur lesquels plus personne n’a aucune prise, y compris ceux qui croient avoir un pouvoir ou à qui on a donné un pouvoir. Cela ressemble à une marche inexorable inhérente à notre espèce[1] vers l’autodestruction. Cette autodestruction n’est pas une vue de l’esprit, elle a bien été constatée par des chercheurs, des historiens, des ethnopaléontologues… Depuis des millénaires, il a existé des civilisations toutes aussi sophistiquées que la nôtre qui se sont toutes écroulées lorsqu’elles devenaient des macrostructures[2] et le climat n’y était apparemment pas pour grand-chose. Mais elles ne s’étaient établies que sur des portions de la planète, la nôtre se gargarise de mondialisation.

On se rend bien compte que tout ce que proposent les politiques, qui ne sont que ceux qui ont le pouvoir et les moyens de la parole, n’est pas crédible parce que les systèmes qu’ils veulent améliorer ne sont pas compatibles avec leurs propositions (exemple des Grecs) ou ne sont plus interchangeables (capitalisme, bolchevisme[3], mêmes effets).

Lorsque l’agriculture biologique commence à être entrevue comme la solution de plus en plus évidente pour l’environnement et la faim dans le monde, on ne pense qu’aux pratiques et techniques agricoles. Or elle est impossible dans la monoculture sur des surfaces démesurées dont en plus la vie microbienne des sols épuisés a été détruite. Elle demande que ses productions soient dans la proximité de ceux qui en ont besoin. Elle demande d’autres relations producteurs/consommateurs… Les équilibres, les écosystèmes environnementaux et sociaux ne se réalisent que dans la diversité et la complémentarité de petites structures sur un même territoire. On connaît tous la fragilité des monocultures, à la merci des moindres accrocs météorologiques, de la moindre bactérie ou insecte, dévorant de plus en plus d’énergie pour palier à leur fragilité et dont la qualité est inversement proportionnelle à sa productivité.

Je peux prendre l’autre exemple de la production énergétique. L’utilisation du nucléaire est certainement une erreur en raison du danger qu’il représente, mais le plus grave c’est la dimension des centrales qui le produisent où le moindre accroc met la planète en danger. Même lorsque la source énergétique est renouvelable et sans danger c’est presque toujours dans des structures géantes qu’elle est envisagée et distribuée par une infrastructure tout aussi géante (réseaux haute tension). Un ingénieur EDF m’expliquait qu’il suffirait de provoquer un court-circuit n’importe où sur une ligne haute tension pour mettre tout un pays dans l’obscurité. Or, avec nos progrès technologiques, nous pourrions tout aussi bien permettre (et sans plus de coût d’investissement collectif) à chaque petite communauté territoriale, voire à chaque foyer, de produire l’énergie dont elles ont besoin (micro-éoliennes, micro-turbines, panneaux solaires… voire fusion froide). Non seulement cette voie n’est pas suivie mais Etats et multinationales mettent obstacle aux initiatives. On peut prendre tous les domaines de notre société, ils sont tous de plus en plus fragilisés par l’extension de toutes les structures dont elle a besoin.

On parle beaucoup de démocratie participative, de coopération, d’implication des citoyens. Faut-il encore que les acteurs d’une vie commune puissent se percevoir, percevoir leurs communautés dans lesquelles ils vivent et vont pouvoir agir avec d’autres. Quelle prise peuvent-ils avoir sur leur territoire de vie ou de travail lorsqu’ils sont dans l’entassement démentiel des habitats horizontaux ou verticaux, dans les découpages politiques qui ne cessent de s’agrandir et dans lesquels il n’est plus possible à personne de s’y identifier ou de construire une identité commune.

Au cours de notre histoire n’y aurait-il pas une corrélation entre l’extension des xénophobies et des racismes et les conflits ravageurs qu’ils provoquent avec la destruction des petits espaces territoriaux politiques et culturels dans lesquels des populations avaient construit un social-historique avec leurs propres fonctionnements ? Il n’y avait pas de génocides massifs en Afrique avant que les colonisateurs civilisateurs ne la découpent à leur guise en Etats qu’ils prétendent plus démocratiques. Dans les Balkans ou dans de petits pays comme le Liban, des populations très diversifiées vivaient en bonne entente. Il n’y a pas de construction d’Etats, d’empires qui n’ait pas été imposée aux populations et qui n’ait pas détruit toutes les petites structures sociales qu’elles avaient créées. Toutes les réformes territoriales actuelles poursuivent cette destruction comme par exemple les fusions de petites communes, la suppression des départements, la fusion de régions, les grandes métropoles… Dans ces macrostructures politiques et économiques, les citoyens ne sont plus que des objets, et même plus des sujets, que l’on peut déplacer à grande échelle ou à petite échelle (mobilité des « travailleurs » d’une multinationale à une autre), qui n’ont plus aucune prise sur leurs devenirs individuels et collectifs. Les démocraties ne sont que des trompe-l’œil, les exemples se multiplient et il n’y a pas que l’Europe avec la Grèce.

La démocratie athénienne qui reste un modèle ne concernait qu’une cité et même seulement ¼ de ses citoyens. Dès l’instant où une structure territoriale, économique, sociale ou politique dépasse la taille où chacun peut reconnaître les autres et se faire reconnaître d’eux, il n’y a plus la co-reconnaissance et les interrelations possibles pouvant permettre des propositions, des discussions et des prises de décisions communes. Les pouvoirs sont alors nécessairement pris par une minorité ou délégués à une minorité, on appelle cela une démocratie élective ou représentée. Mais celle-ci ne peut avoir une valeur que si les élus ou désignés sont mandatés pour porter un projet conçu par les citoyens eux-mêmes, c'est-à-dire dans les seules petites structures où ils sont à même de pouvoir déterminer leurs besoins, de pouvoir en discuter… structures que les mêmes détenteurs de pouvoirs font disparaître. Les députés, représentants du peuple, ne représentent plus personne en dehors d’eux-mêmes, ne représentent même plus des tranches sociales. Ceci conduit également à une uniformité de plus en plus absolue… alors qu’on commence seulement de se rendre compte de l’importance de la diversité.

Lorsque l’on parle de décentralisation, celle-ci ne résulte qu’à enlever le peu de pouvoirs dont disposaient encore les dernières petites structures territoriales pour ne donner aux structures les effaçant que celui de s’adapter aux macro-systèmes qui ne sont même plus nationaux, accentuant ainsi l’hégémonie impérialiste de ces derniers (exemple des régions, de l’Europe, de la mondialisation).

Il y a bien eu de courtes périodes de notre histoire où des renversements ont été sciemment entrepris : exemple de la Commune de Paris avec ses quartiers avant sa destruction par l’État de Thiers, des premiers soviets avant l’emprise bolchevique, de la République espagnole avec ses fermes-villages collectives et autogestionnaires avant sa destruction par les franquistes avec l’aide des communistes… Pourtant, aujourd’hui de nombreuses initiatives ont lieu dans de petites structures de proximité où les acteurs de la vie locale reprennent leur vie en main, dans tous les domaines, y compris dans la création de monnaies locales ; il suffit d’écouter quotidiennement la remarquable émission « carnets de campagne » de Philippe Bertrand sur France-inter. Ces initiatives, si elles démontrent les capacités sociales créatrices de notre espèce en même temps que les conditions incontournables de leur exercice (petites structures !), elles ne sont évidemment pas mises en avant ni aidées par l’État pas plus qu’il ne le fait pour les petites écoles multi-âge.

L’autonomie sociale ne peut être réalisée que dans de petites structures à la dimension de ceux qui y vivent et les font vivre, mais autonomie ne signifie pas autarcie. Toutes peuvent enfin s’intégrer dans des écosystèmes dont on sait aujourd’hui qu’ils sont les seuls à même de permettre les équilibres et la pérennité des éléments qui les constituent. À la notion de dépendance se substitue celle d’interdépendance. Au lieu d’être incluses dans des grands ensembles qui les étouffent et les nient, elles peuvent constituer entre elles d’autres formes de structures que l’on connaît bien aujourd’hui, les réseaux. C’est dans ces nouvelles structures que s’effectuent les complémentarités, les mutualisations, les synergies qui respectent les caractéristiques de chacun tout en mettant leurs moyens au service des autres tout en profitant des moyens des autres[4]. C’est peut-être ce qu’auraient pu être les communautés de communes remplacées rapidement aujourd’hui par les regroupements de communes.

Une société ne devrait être qu’un puzzle de microsociétés interconnectées. Ce qui changerait ce sont évidemment les formes de gouvernances et l’impossibilité de prises de pouvoirs par quelques-uns. Les pouvoirs sur des populations ne sont possibles que lorsque celles-ci sont mises dans l’impossibilité de se constituer en groupes pouvant s’autogérer, devant autogérer leurs espaces de vie, créer leurs propres modèles de fonctionnement. Tous les totalitarismes s’établissent sur des espaces territoriaux soit déjà déstructurés, soit qu’ils s’évertuent à déstructurer puis à homogénéiser et à étendre de telle façon que leurs occupants n’aient plus aucune prise collective sur leurs espaces, leur présent et leur devenir. De vastes troupeaux qui ne peuvent plus que se faire croire qu’ils peuvent encore choisir des chefs pour les guider, jusqu’au point où le pouvoir n’appartient même plus à des personnes mais aux macro-systèmes que ces personnes ont peu à peu mis en place pour satisfaire leurs propres intérêts et qui s’appellent finances, économie de marché, PIB, monnaie unique… États… capitalisme, libéralisme…

Howard Bloom dans sa « théorie de Lucifer » explique que dans la ligne de l’évolutionnisme les super-organismes, transcendant l’identité des individus, tendent naturellement et par instinct de survie à l’expansion, Il y analyse comment la violence serait intrinsèquement liée à la nature de la société humaine puisque ces super-organismes doivent immanquablement entrer en compétition sur le mode darwinien, et, in fine, s’autodétruire[5]. Mais plutôt que de le lier à la nature humaine d’une espèce qui semble pouvoir être fondamentalement sociale, je le lierais à ce que des pans de cette espèce (sociétés) ont créé puisque, dans la nature, ce ne sont pas les super-organismes qui existent mais les écosystèmes. L’instinct de survie des super-organismes n’est pas celui des individus.

L’histoire même de l’humanité et de ses sociétés démontre que le processus d’extension des structures sociales conduit inexorablement à leur autodestruction. Des ethnopaléontologues, il y a quelques dizaines d’années, avaient observé les traces laissées par les hominidés dans les strates géologiques superposées. Ils avaient observé que la taille de leurs structures sociales augmentait régulièrement jusqu’à leur disparition, pour réapparaître dans une strate supérieure sous forme de petites structures qui augmentaient à leur tour… jusqu’à leur nouvelle disparition. Dans l’histoire plus récente, des chercheurs ont démontré qu’il a existé des civilisations aussi sophistiquées, voire plus sophistiquées que la nôtre, y compris dans leurs technologies, et qu’elles ont toutes disparu. Dans les causes, ils soulignent celles-ci : au fur et à mesure que s’agrandit la taille des structures sociales s’opère la stratification de la société entre élites (riches) et masses (pauvres). Ce phénomène aurait joué un rôle central dans la chute de tous les exemples étudiés sur les derniers 5000 ans (Source : https://www.theguardian.com/environment/earth-insight/2014/mar/14/nasa-civilisation-irreversible-collapse-study-scientists)

Penser réorienter notre société vers un mieux-être et surtout assurer sa survie, sans d’abord envisager un retour en son fractionnement en petites structures autonomes mais interdépendantes, ceci est voué à l’échec, toutes les tentatives de révolution le démontrent. La résistance à l’éradication des petites écoles dans l’indifférence générale n’est qu’un exemple d’un enjeu qu’on ne veut pas voir. (écoles casernes ! )


[1] J’ai très souvent repris l’exemple des abeilles qui, elles aussi espèce sociale, ont limité depuis des millions d’années la taille de leurs colonies à la dimension acceptable pour faire perdurer les collectifs constitués. Et l’espèce des abeilles a traversé bien des bouleversements climatiques !

[2] Voir le PS de ce billet 

http://education3.canalblog.com/archives/2016/01/16/33214194.html

[3] Vous remarquerez que volontairement je ne dis pas  communisme parce que ce que prônaient les Fourrier, Proudhon, Marx et autres n’a jamais existé.

[4] La mondialisation, qui n’a pu apparaître qu’au fur et à mesure de l’augmentation de la puissance des moyens de communication, peut très bien s’envisager comme un immense réseau de structures territoriales, sociales, économiques, politiques restant à taille humaine et autonomes, au lieu d’être une machinerie démentielle asservissant tout le monde et plus maîtrisable.

[5] Howard BLOOM, « Le principe de Lucifer » éd. Le jardin des livres.

Commentaires
B
A la différence de ce qu'ont développé les anglo-saxons, ce que j'ai appelé "école du 3èlme type" est née profondément ancrée dans les petits "territoires géographiques" avec la notion d'appartenance aux communautés de ces territoires. En ce sens elle est (involontairement) beaucoup plus politique (au bon sens du terme) que les alternatives qui par la force des choses se réalisent pour l'instant en dehors et sans l'appartenance aux communautés de vie des territoires. <br /> <br /> <br /> <br /> Ce qu'on constate alors comme tu le constates dans le Haut Ségala, c'est l'aspiration à la socialité qui se révèle alors pour au moins une partie de ces communautés. C'est cette aspiration qui est subversive, elle entraîne une volonté de réappropriation de ses pouvoirs, d'où la résistance des pouvoirs en place, d'où aussi la résistance d'une partie de la population parce qu'il y a alors prise de risques et nécessité d'implication. Il me semble qu'on tourne autour de cela.<br /> <br /> <br /> <br /> Mais je suis plus optimiste que toi : oui les macrostructures vont imploser un jour ou l'autre (si le changement climatique peut y aider, et bien tant mieux !), alors c'est sur tout ce qui se passe disséminé et peu visible un peu partout, que se sauvegardera notre espèce !
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B
Reçu de Jean Pauly (un vieux copain plus jeune, en pleine bagarre dans le Haut Ségala pour sauver les dernières petites écoles)<br /> <br /> Bernard, je relis ce matin ton article - après l'avoir imprimé... moi je suis comme ça... de la vieille école...<br /> <br /> <br /> <br /> C'est un article très important. <br /> <br /> Je sais bien que ce sont des idées que tu développes depuis longtemps (que je... aussi d'une certaine manière) mais je ne t'avais jamais lu aussi clairement et de façon aussi synthétique.<br /> <br /> <br /> <br /> Il me semble qu'il faut partir de là. Je pense à des points à développer qui me viennent à la lecture :<br /> <br /> <br /> <br /> *les petites communautés sur des territoires de vie ou de travail". Pendant tout un temps, je pensais que tu n'étais pas forcément attaché aux territoires (géographiques, j'entends) et que tu pouvais privilégier les communautés d'affinités ou déconnectés d'un "terroir"... <br /> <br /> <br /> <br /> Parce que les difficultés viennent souvent de là : vivre une communauté pas vraiment choisie - un village, un quartier - où tout le monde n'avance pas à la même vitesse. <br /> <br /> <br /> <br /> Ce qui est très intéressant dans le Haut Ségala, c'est que leur bagarre a mouillé beaucoup de gens, socialement et culturellement différents... et que dans ce contexte, c'est vraiment étonnant de voir comment les idées brassent et progressent.<br /> <br /> <br /> <br /> Est-ce qu'on peut aller dans ce sens là, celui des communautés ancrées? <br /> <br /> Y a-t-il une alternative dans des communautés hors sol ?<br /> <br /> <br /> <br /> Une question politique importante est celle des rapports de force pendant la transition. Ceux qui veulent changer le monde buttent toujours là dessus... <br /> <br /> Les puissants au pouvoir ne lâchent pas le morceau. D'où la tentation bolchevique du Parti d'avant-garde, fer de lance militaire de la révolution. Comme beaucoup, j'ai été nourri à cela dans les années 70 - au travers de l'exemple du Chili par exemple : le fait qu'il faudrait à un moment ou à un autre assumer l'affrontement. On sait les catastrophes que ça peut donner.<br /> <br /> <br /> <br /> D'où l'intérêt de ces micros révolutions de micros structures.<br /> <br /> <br /> <br /> On peut imaginer qu'elles pourront se nicher dans des espaces libres, plus ou moins autorisées...<br /> <br /> <br /> <br /> Mais on peut aussi penser qu'elles seront étouffées, asséchées... par le poids des médias et la désinformation, par le blocus financier, par le dévoiement de la récupération... (la société 1984 ne laisse pas aucun espace de respiration). A moins qu'on assiste à un lent dépérissement des systèmes de concentration ou à l'explosion en vol des macro-structures.<br /> <br /> <br /> <br /> Tout cela, Bernard, ce sont des questions. Je n'ai pas de réponse. Là, on navigue à courte vue, je crois...<br /> <br /> <br /> <br /> Et puis le rapport à la décroissance. On pourrait imaginer un nouveau titre "La décroissance des structures" (pas folichon mais c'est pour dire). Lier notre affaire au mouvement de la décroissance n'est pas qu'une question de mots... (je m'intéresse à ça depuis Base Elèves... et notamment à la critique de la société numérique... je m'intéresse sans être vraiment impliqué, mais ce me semble être le truc le plus projecteur d'avenir - et donc "moderne"...)... pas qu'une question de mots, disais-je, mais aussi de mots. En essayant de traiter l'école sous l'angle écologique, de "revoir nos classiques", je m'essaie à parler autrement. On crève sur les questions d'école de ce vocabulaire professionnel ou syndical, ampoulé, figé... qui ne veut plus rien dire...<br /> <br /> <br /> <br /> Voilà trois trucs qui me sont venus à l'esprit en te lisant.
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A
« La réduction de la taille de toutes les structures territoriales, étatiques, agricoles, économiques, industrielles, énergétiques, sociales… devrait être la première transformation à opérer, à mettre en avant dans les propositions politiques qui prétendent transformer ou même simplement améliorer notre société. »<br /> <br /> <br /> <br /> Vous rejoignez là une affirmation que le journaliste Eric Dupin avait placée à la fin de son livre Voyages en France, affirmation empruntée à Simone et Jean Lacouture qui prophétisaient au début des années 80 : « il n'y a de chances de bonheur que dans les modules modestes ».<br /> <br /> <br /> <br /> Les propositions politiques (comprendre : aux ordres des décideurs économiques) ne veulent en rien améliorer la société : elles veulent l'asservir encore plus. Et tout ce qui est petit, marginal, échappe plus facilement à leurs radars : pas de ça lisette !<br /> <br /> <br /> <br /> (Demain, chez moi, un article contre Todd-la-science)
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P
C'est Ivan Illich (La perte des sens) qui lui rend hommage en 1994 (La sagesse de Leopold Kohr). Illich dit de lui :"Sa vision d'une vie commune digne était fondée non pas sur l'abondance, mais sur la retenue. Kohr demeure aujourd'hui un prophète parce que même les théoriciens du small is beautiful n'ont pas encore découvert que la vérité du beau et du bon n'est pas une affaire de taille, ni même de dimension ou d'intensité, mais de proportion."<br /> <br /> Ce idée de "proportion" , proportionnalité, "ce qui est approprié", "une certaine adéquation"...est à considérer si je comprends bien, avec du "bon sens", à l'instinct, quelque chose en nous, profondément enseveli, qui ressent l'harmonie.<br /> <br /> Mais nous sommes drogués d'abondance - toutes ces belles écoles ripolinées, ces professeurs sympas et surdiplômés, qui prennent tout en charge- et s'il faut cultiver la "retenue", c'est une ascèse dont nous avons perdu le goût même ! Ce n'est pas le faute de nos élus et décideurs.
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B
Effectivement Pierre, ce Kohr est à découvrir. Voilà ce que j’ai trouvé sur Wiki (https://fr.wikipedia.org/wiki/Leopold_Kohr) <br /> <br /> <br /> <br /> • "Chaque fois qu'un être humain ou un groupe humain a le pouvoir de "se faire plaisir" sans encourir de "punition" il le fait, quelles que soient la moralité de ces actes ou les conséquences pour d'autres être humains ou groupes humains,<br /> <br /> <br /> <br /> • Quand un problème se pose séparément à plusieurs groupes humains, tenter de le résoudre par une structure supérieure ne fera que le complexifier. Cette complexification n'est jamais linéaire, mais la plupart du temps exponentielle.<br /> <br /> <br /> <br /> • Chaque fois que quelque chose va mal, quelque chose est trop gros"<br /> <br /> <br /> <br /> À partir de ces principes généraux Kohr identifie la taille d'une population comme étant l'élément décisif des misères dont elle souffre. La taille intervient pour une société à la manière dont elle intervient pour un gratte-ciel : au fur et à mesure qu'on leur rajoute des étages il faut ajouter des ascenseurs, jusqu'à ce que les étages inférieurs soient entièrement occupés par les cages d'ascenseurs.<br /> <br /> <br /> <br /> La vitesse est le second élément qui module le premier. Plus la vitesse d'une population est élevée plus l'effet de sa taille se fait sentir en raison de l'augmentation des interactions effectives entre individus.<br /> <br /> <br /> <br /> Kohr vérifie ces hypothèses sur de nombreux cas réels, anciens ou très récents, et se risque à des pronostics, susceptibles de réfuter sa théorie, qui le feront entrer dans le cercle très restreint des théoriciens en sciences sociales dont des prévisions à long terme se sont réalisées. Dès 1950 il prévoit l'effondrement inéluctable de l'URSS en raison de sa taille et de sa centralisation excessives. Il prévoit également que la conséquence en sera la transformation des États-Unis d'Amérique en un empire mondial dictant ses exigences à l'ensemble des gouvernements de la planète, et ceci quel que soit son niveau de démocratie interne.<br /> <br /> <br /> <br /> « Un monde de petits États résoudrait non seulement les problèmes de la brutalité sociale et de la guerre ; il résoudrait les problèmes de l'oppression et de la tyrannie. Il résoudrait tous les problèmes qui viennent du pouvoir ».
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