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Le blog de Bernard Collot
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31 octobre 2018

Quand allez-vous les laisser enfin tranquilles ?

 

marelle-revolution03115

Lettre ouverte au ministre de l’Education nationale,

accessoirement à ses experts de tout poil, à ses complices politiques, à beaucoup de profs, à beaucoup de parents…

voir son actualité dans le billet récent "vacances apprenantes"

Vous rendez-vous compte, Monsieur le Ministre, que vous êtes le maître absolu de 80% du temps quotidien[1] des enfants et adolescents de tout un pays que vous transformez en élèves ?

Vous rendez-vous compte, Monsieur le Ministre, que vous leur imposez et leur programmez tous leurs faits et gestes, ce qu'ils doivent faire et ne pas faire, que vous les condamnez à rester assis, entassés dans des sortes de stabulation, à écouter et à exécuter ce que vous décidez soi disant pour leur bien pendant ces 80% ?

Vous rendez-vous compte, Monsieur le Ministre, que vous leur faites subir à jets continus des contrôles techniques aberrants (que vous appelez évaluation) que l’on refuserait pour nos voitures ?

Vous rendez-vous compte, Monsieur le Ministre, que vos Raspoutines, qui se disent scientifiques et vous inspirent ces contrôles techniques avec les réparations à effectuer, croient et font croire qu’en mettant quelques enfants dans les conditions qui les arrangent avec quelques électrodes sur le crâne ils ont lu sur des écrans comment tous les enfants fonctionnent et ce qu’il faut qu’on leur fasse faire pour être conformes à ce qu’on attend d’eux ?

Croyez-vous vraiment, Monsieur le Ministre, que, lorsque la moyenne des tableaux où les enfants sont transformés en chiffres vous fait remonter dans des échelles PISA ou autre, leur sort présent et futur va s’améliorer ?

 Avez-vous pu, Monsieur le Ministre, voir comment vos enfants ont appris à parler et à marcher ? Vous est-il arrivé de voir vivre d’autres enfants qui ne sont pas dans vos beaux quartiers ?

Vous pouvez penser, Monsieur le Ministre comme bien d’autres, que, parce que vous vous êtes docilement plié enfant à ce qu’un autre ministre vous imposait, vous êtes devenu ce que vous êtes. Mais, en dehors des beaux appartements où vous pouvez rentrer le soir, pensez-vous être si bien que ça dans votre peau ? Pensez-vous que les mêmes enfants que vous qui devenus grands dorment dans le rue, font la queue à Pôle emploi, ont été moins dociles que vous ? Moins intelligent que vous ?

Vous rendez-vous compte, Monsieur le Ministre, que vous condamnez enfants, adolescents et même parents à n’avoir comme seuls principaux objectifs et angoisses de leur vie d’éviter des sanctions, de faire des devoirs, de réussir des contrôles, d’obtenir des bouts de papier appelés diplômes ? Vous rendez-vous compte que l’école occupe toute leur vie, tout leur corps, toute leur tête ?  Pensez-vous qu’une essence supérieure que vous auriez acquise vous donne le droit et le pouvoir d’édicter les faits et gestes, les comportements, ce qu’il y a à penser, à toute une population enfantine ? Cela ne vous effraie pas de prendre cette responsabilité quasi divine d’un conducteur de troupeau qui sait où le troupeau doit aller, doit manger ?

Vous est-il venu à l’idée, Monsieur le Ministre, que l’école qui occupe pratiquement seule tout le temps des enfants et adolescents sous vos ordres, est celle qui fait ce que la société est où seuls vous et quelques autres êtes confortablement installés ? Est-ce parce que vous le savez que vous accentuez sans cesse l’emprise que vous avez sur ceux qui seront dans cette société… pour qu’ils n’aient aucune capacité de la changer ?  Avez-vous peur qu’en laissant les enfants un peu moins sous votre coupe et celle de vos complices, en les laissant un peu plus librement s’adonner à leur soif de curiosité, à leurs envies, à leurs plaisirs, à leurs rires, à leurs tâtonnements, en les laissant être enfants plutôt qu’élèves, ils pourraient se construire différemment que le moule dans lequel vous voulez les couler, ils pourraient imaginer et réaliser plus tard une autre société que celle à laquelle l’école les formate et les destine ? Mais vous-même, Monsieur le Ministre qui avait été un bon élève obéissant, êtes-vous capable d’imaginer autre chose que ce qui vous a conduit à ce que vous pensez être un sommet, êtes-vous capable d’imaginer une autre école, une autre société pour le bien être de tous ? Êtes-vous capable d’imaginer quoi que ce soit ?

Vous rendez-vous compte, Monsieur le Ministre, que la mère de tous les enfants c’est vous et votre école qui les capturez ? Vous voulez même les capturer dès 3 ans, vous pourriez même le faire dès leur naissance.

Mais peut-être, puisque l’école vous aurait rendu intelligent à défaut de vous rendre humain, vous pouvez vous rendre compte de tout cela. Peut-être avez-vous un reste d’humanité qui pourrait vous déciller, un tout petit peu d’audace qui ne vous ferait même pas perdre votre situation que vous avez peut-être durement acquise (finalement, avez-vous eu, vous-même enfant, le temps de vivre ? Avez-vous été enfant ou toujours élève ?).   

Alors, Monsieur le Ministre, puisque vous avez un pouvoir que nous vous avons malencontreusement donné, LAISSEZ LES ENFANTS ET LES ADOLESCENTS QUI NE SONT PAS DES ELÈVES (des objets) UN PEU PLUS TRANQUILLES. En même temps vous laisseriez leurs parents aussi un peu plus tranquilles, malgré l’enfer du métro-boulot-dodo, les soucis de la subsistance (que vous n’avez pas) ils pourraient vivre un peu avec leurs enfants au lieu que ce maigre temps soit encore occupé par l’école, par vous.

C’est facile, Monsieur le Ministre, puisque vous avez tous les leviers entre vos mains.

Vous ne seriez même pas révolutionnaire si vous desserreriez simplement l’obligation de vos programmes qui veulent tout prévoir, tout conduire, tout imposer. Vous ne seriez même pas révolutionnaire si vous cessiez de vouloir évaluer à tout bout de champ ce que vos apprentis-sorciers scientifiques vous disent qu’il faut contrôler pour s’assurer de la conformité de tous comme ils croient l’avoir vu dans leurs éprouvettes. Vous ne seriez même pas révolutionnaire si vous admettiez qu’aucun enfant n’apprend ce que vous voulez qu’il apprenne aux mêmes moments, aux mêmes rythmes, de la même façon, comme vous croyez qu’ils apprennent, ce dont il n’est même pas besoin d’être scientifique pour le constater. Êtes-vous certain d’ailleurs de savoir ce qu’ils DOIVENT apprendre pour devenir des adultes autonomes faisant LEUR société ? Vous ne seriez même pas révolutionnaire si vous lâchiez un peu la bride à tous ces profs qui savent qu’un enfant est un être vivant qui se construit plutôt qu’on le fabrique et si vous laissiez les parents et les enfants qui le veulent choisir ces profs. Vous ne seriez même pas révolutionnaire si vous laissiez un peu plus les parents rentrer dans l’école plutôt que de leur arracher leurs enfants devant une grille et les accuser ensuite d’irresponsabilité. Vous ne seriez même pas révolutionnaire si vous diminuiez un peu le temps de l’école pour laisser du temps aux enfants (il est vrai qu’il faudrait quand même que vos collègues qui gèrent et décident le temps des adultes, qui gèrent l’espace des cités, se rendent compte à quel point ils sont aussi les maîtres tout puissants de la vie des autres). Vous ne seriez même pas révolutionnaire si dans le temps de l’école vous laissiez se développer un peu de temps à la seule initiative des enfants, même si c'est pour ce que vous appelez jouer ou ne rien faire.  Vous ne seriez même pas révolutionnaire si vous cessiez de vouloir supprimer les dernières petites écoles où les enfants ont un peu plus le temps de vivre ensemble et d’évoluer à leur rythme, si vous cessiez de vouloir les concentrer et de les entasser dans des usines à enfants. Vous ne seriez même pas révolutionnaire, simplement si vous diminuiez la pression que vous mettez en continu sur tous.

Qu’est-ce que vous risquez ? Qu’est-ce que les enfants risquent ? Qu’est-ce que le pays risque ? Cherchez bien ! Si avec votre école tout le monde est heureux, tous les enfants heureux, tous les adultes heureux, alors oui, ne prenez aucun risque. Mais prenez enfin conscience que votre école ne peut être une fabrique d’objets, une chaîne industrielle dont il suffit de programmer, même scientifiquement, ce qui va être opéré dans chaque maillon sur les objets-élèves que vous voulez fabriquer. Mais au fait, savez-vous, vous avez-nous dit ce qui doit ressortir à l’extrémité de votre chaîne ?  

Ce ne serait même pas révolutionnaire, nous le savons bien que vous n’êtes pas révolutionnaire, mais, dans l’immédiat, vous permettriez aux enfants, aux profs, aux parents de respirer un peu, de déstresser un peu, d’être moins conduits à réagir à l’étau qui les compresse… avec un pistolet jouet[2]. Avez-vous conscience que le crime qu’avait commis cet enfant qui a pété les plombs c’était d’être absent un peu de temps de la prison école ? L’autorité que vous réclamez c’est celle de geôliers, ne vous étonnez pas que des enfants veuillent s’évader et se comportent ensuite comme des fugitifs en cavale ou des brigands de grands chemins. Victor Hugo disait que lorsqu’on ouvre une école on ferme une prison, mais pas quand l’école est une autre prison.

Monsieur le Ministre, réveillez-vous enfin et laissez-les un peu vivre, à l’école, en dehors de l’école.


[1] Une journée de 24 H. Si l’école commence à 8H30, beaucoup d’enfants y sont « déposés » avant pour être « gardés » puisque les parents, eux, sont partis au travail. 16H30 pour les plus jeunes, plus tard pour les collégiens et lycéens, mais ce n’est pas pour ça qu’ils sont tous libérés, il faudra qu’ils soient encore gardés parfois jusqu’à 18 H, pour être « repris » épuisés par les parents revenus du travail eux aussi épuisés.  L’école va même se prolongé chez eux par l’intermédiaire des « devoirs » que vous laissez complaisamment donner. Repas, coucher vers 21 h, lever 7H pour recommencer. Qu’est-ce qui leur reste comme temps que vous ne dirigez pas ?

[2] Ce billet a été écrit après l'événement qui avait défrayé les médias : un adolescent avait menacé son prof avec un pistolet jouet.

Commentaires
D
récemment j'ai écris un texte sur mon parcours scolaire, en voici un court extrait qui illustre très bien votre lettre ouverte (cet extrait fait référence à un sentiment que je me souviens avoir eue depuis la maternelle, le seul sentiment de l'époque dont je me souvienne de cette époque d'ailleurs.). Merci beaucoup c'est exactement ce que j'ai ressentie et pensée lorsque j'étais élève-prisonnière. Je ne crois pas avoir un défaut d'intelligence et pourtant on m'a toujours dit que j'étais "nulle" à l'école; Voici l'extrait:<br /> <br /> <br /> <br /> "Au début t’étais juste lunaire<br /> <br /> Pas de ce monde<br /> <br /> En maternelle, en primaire,<br /> <br /> Les autres suivent l’adulte,<br /> <br /> Toi tu suis les pensées dans ta tète<br /> <br /> Pourquoi tant de moutons ?<br /> <br /> Que gagnent-ils ?<br /> <br /> « Fais ça, fais ci, maintenant écoute,<br /> <br /> Écris, va jouer avec les autres. »<br /> <br /> Pas envie, pas d’intérêt, enfin si…<br /> <br /> Pas d’intérêt pour ce qu’on te propose.<br /> <br /> Au début t’étais juste lunaire<br /> <br /> Pas de ce monde<br /> <br /> Tu fais jamais ce qu’on te demande<br /> <br /> En même temps tu dis pas grand-chose<br /> <br /> Dans le fond de la classe…<br /> <br /> Dans le fond de la classe t’écris, mais pas le cours,<br /> <br /> Tu lis, mais pas le cours.<br /> <br /> On te demande de parler d’Histoire ?<br /> <br /> Avec un grand H.<br /> <br /> Toi t’écris et tu rends une histoire, <br /> <br /> De celles que t’as dans ta tête.<br /> <br /> Le maître te fixe avec de grand yeux noirs.<br /> <br /> « Ce n’est pas ce que j’avais demandé. »<br /> <br /> Tu réponds<br /> <br /> « Désolé. »<br /> <br /> Tu penses<br /> <br /> « Je sais, mais je n’ai pas envie. »<br /> <br /> Toi ce n’est pas l’Histoire qui te prend au cœur,<br /> <br /> Ce sont les histoires."<br /> <br /> <br /> <br /> Diane.<br /> <br /> Au plaisir ^^
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C
Je vous dis merci, je suis atterrée de voir les enfants écœurés de ce qui pourrait être une belle aventure à travers leur curiosité naturelle. Mais on préfère éteindre toute créativité, voir leurs différences comme d’horribles erreurs à gommer. On s’etonne et puni ce qui fait un enfant: il rit, joue, parle, communique avec les autres, s’agite sur sa chaise, veut faire pipi en dehors des »horaires », n’est pas attentif (Faute d’interet!), il oublie ses affaires, est en retard, n’a pas fait un de ses devoirs! J’ai toujours été étonnée de constater que ce qui est accepté pour l’adulte, ne l’est pas pour l’enfant et que tout le monde trouve cela normal! Alors oui en effet, l’enfant n’est pas infaillible et encore moins lorsqu’il n’est pas intéressé, qu’il se sent prisonnier, privé de toute liberté, jugé, incompris, oppressé... <br /> <br /> Je me demandais s’il était possible de porter plainte en nombre contre l’EN en récupérant les témoignages de parents et d’enfants. Car je considère clairement que l’ecole aujourd’hui est coupable!<br /> <br /> Alors, si vous saviez comme j’ai lu votre lettte avec délectation. Merci!
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M
Classe (d'âge). Se mettre en rang. Les disciplines. Conseil de discipline. Respect de la hiérarchie. Demander la parole. Se taire. Réciter. Programme scolaire. Faire ses devoirs. Punitions. Respecter les horaires....<br /> <br /> C'est plutôt l'armée. <br /> <br /> Et ce n'est pas la meilleure façon d'éveiller les consciences et fabriquer de l'intelligence collective, respecter la nature, les femmes, les personnes en général, un bien commun et public.
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M
Et bien en tant qu'enseignante je suis moi tout à fait d'accord avec ce constat et j'essaie de me battre au quotidien contre mes inspecteurs, mes collègues et ma hiérarchie. Mais, malheureusement, à aucun moment nous ne pouvons évaluer notre outil de travail, les réformes se font dans les bureaux et souvent contre la réalité du terrain. Les enfants délinquants le sont car nous sommes incapables de les aider à grandir quand un enfant vole une voiture la justice l'envoie au vert (faire du ski !!!) pour l’éloigner des mauvaises influences du coup je ne suis pas certaine que dans sa t^te cela soit très clair, et l’école n'est pas mieux on ne dit rien pour ne pas faire de vagues et puis on exclut.
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D
En tant qu'ancienne enseignante, je peux vous dire que je ne suis pas d'accord du tout, mais alors, pas du tout, avec ce genre de réflexion !<br /> <br /> C'est à cause de ce laxisme , qu'on voit autant d'enfants délinquants , et de plus en plus jeunes !
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