gilets-jaunes

Je reviens sur l’idée des cahiers de doléances que j’ai lancée sur FB, à partir de l’exemple d’une histoire et d’un domaine que je connais bien, l’école.

- La goutte, le prix de l’essence, a débouché très vite sur les conditions de vie, de survie pour beaucoup, qui obligent justement à ne pouvoir se passer de bagnole, à ne pas pouvoir en changer, etc.

- D’où l’expression de revendications multiples, disparates, parfois contradictoires.

- Les revendications, tous les gouvernements savent comment les gérer, les noyer. Lorsque le gouvernement actuel dit « désignez des délégués pour qu’ils présentent les revendications d’un mouvement » il sait bien leur embarras pour synthétiser ce qui ne date d’à peine deux ou trois semaines, leur manque d’habitude à ce jeu, les divisions immédiates que cela ne manquera pas de susciter. Il sait bien que les délégués, pour l’instant, n’ont que du flou à représenter, cela l’arrange.

- Or dans l’effervescence des discussions dans les multiples rassemblements, les citoyens en jaune se mettent à considérer ce qui provoque leurs difficultés de vivre, et c’est bien au-delà du prix de l’essence. C’est bien ce qui est dangereux pour tout gouvernement en place.

- Lorsqu’on ne se contente pas de revendiquer pour un immédiat simple (une taxe), alors on remonte aux causes des causes. Mais, ça demande du temps et ça ne peut pas se faire à dix mille ou cent mille. Le gilet jaune n’est finalement qu’un signe de reconnaissance entre les uns et les autres. D’où l’idée d’élaborer dans tous les lieux où il y a gilets jaunes des « cahiers de doléances ». En 1789 c’était dans chaque village, chaque quartier. Là, on peut désigner des délégués qui ont quelque chose de concret à représenter (c’était le cas pour les députés de la Constituante).

- Or, à partir de la simple goutte qui a fait déborder le vase c’est le pan de toute l’organisation sociétale qui se déroule. Je vais prendre un exemple pour le domaine que je crois bien connaître, l’école.

* Lorsque le gouvernement supprime toutes les petites écoles, il oblige bien sûr à consommer de l’essence, à augmenter les coûts aussi bien pour chaque budget que pour celui des collectivités locales. Mais tous les gouvernements prennent des décisions « pour votre bien » ou le « bien des enfants » dans ce cas, il faut surtout les croire.

Lorsqu’en 1989 (pas en 1789 !) le premier gouvernement a lancé l’éradication des classes uniques, il a fait sortir les loups des bois (nous n’avions pas de gilets jaunes !) alors qu'il pensait que personne n'allait broncher. Nous avons bien sûr manifesté en cherchant les façons les plus originales vu notre petit nombre, mais il a fallu nous pencher ensemble à la fois sur ce que le gouvernement voulait faire croire en même temps que sur la perspective nouvelle qu’étaient les classes uniques pour l’école du XXIème siècle.

La falsification gouvernementale, c’est lui-même qui la démontrait : pour nous faire taire  il fit faire des travaux à son département de l’évaluation et de la prospective qui révélèrent que les « résultats » des classes uniques étaient supérieurs à la moyenne nationale. Nous savions bien que le but du ministère était entre autre ce qu’on appelle des économies d’échelle (pour lui, pas pour les collectivités locales et les familles). Un autre organisme, l’Institut de la recherche en économie de l’éducation, démontra qu’effectivement ces éradications revenaient plus chères à l’ensemble de la collectivité nationale.

Mais, dans la bagarre, nous avons beaucoup discuté, enseignants, familles, élus, partout où il y avait des classes uniques. Et c’est toute la finalité de l’école qui nous est apparue (je l’évoque dans le billet précédent), toute la conception de l’école qui ne satisfaisait pas les besoins des enfants, y compris celui d’apprendre, conception que peu voyaient avant que ne se déclenche l’événement provocateur. À partir de l’école mais au-delà, c’est toute la vie des villages qui s’est trouvée concernée, aussi bien sa démocratie que sa vie économique. Peut-être que si partout, dans tous les villages, nous avions élaboré des « cahiers de doléances », rassemblé des cahiers de doléances, avoir eu des députés se prévalant de ces cahiers de doléance, ce qui n’était pour tout le monde que notre petit problème (comme la taxe sur l’essence !) était en réalité celui de tout le monde et aurait pu changer la face de l’école et bien au-delà.

- Il me semble qu’à propos de la goutte d’essence c’est bien tout ce qu’il y a derrière sur lequel il faudrait que tous les groupes locaux de gilets jaunes se penchent, élaborent et fassent porter par des délégués dans toutes les instances. Il ne s’agira plus alors d’une jacquerie facile à juguler. Le terme « politique » prend un autre sens lorsque c’est toute une population qui s’en empare et qui prend conscience qu’elle peut s’en emparer sans violence.

 

PS : les historien rectifieront  si je me trompe:

En 1789, il n'y avait ni internet ni téléphone !

Dans chaque village, quartier, la population se réunissait pour expriemr leurs doléances. La plupart ne savaient ni lire, ni écrire, c'étaient des plus lettrés qui les aidaient et à exprimer et à rédiger (ils le faisaient honnêtement)

Ils envoyaient ensuite leurs délégués porteurs de leurs cahiers à la Provine, ville... qui rédigeaient un cahier  les  synthétisant.

Ceux-ci élisaient alors ceux qui allaient les porter aux Etats Généraux (Tiers-état, noblesse, clergé).

à noter que les Etats-Généraux avaient été promulgués par Louis XVI qui pensait se sortir ainsi d'une situation qu'il ne pouvait plus gérer.

Je rajouterais encore une chose : en 1789, ce sont les femmes qui ont enclenché la révolution en réclamant du pain à ceux qui se baffraient.