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Le blog de Bernard Collot
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14 janvier 2019

Ecole et société. (7) Concurrence et compétition

gilets-jaunes

Pendant longtemps, on a cru, on a voulu croire, on a voulu nous faire croire que concurrence et compétition (sélection) étaient le moteur de l’évolution du monde vivant. Tout ceci est contredit aujourd’hui par nombre de biologistes en particulier dans le livre de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle « L’entraide, l’autre loi de la jungle ».

Il n’empêche que l’école et la société continuent de les prôner ou de nous y enfermer de façon plus ou moins insidieuse, à l'accepter même dans ses conséquences les plus ravageuses : en quoi des peuples peuvent-ils être concurrents pour s'entretuer ? 

Je reprécise ce que j'ai indiqué dans le premier post de cette série : ce que j'ai mis en parallèle c'est bien l'école très traditionnelle, celle dans laquelle la plupart d'entre nous avons été formés ou formatés dont on peut duire qu'elle a bien contribué à ce qu'est la société actuelle.

 Précédents billets : (1) intro et valeur du travail(2) La domination institutionnelle (espèces sociales ou grégaires) et Le formatage à la soumission - (3) La taille des structures - (4) Les espacs vitaux - (5) Le temps découpé - (6) Evaluation, contrôles.

Société

 

École, Éducation

Concurrence, compétition

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Concurrence, compétition

   L’exemple le plus significatif de notre société de compétition, c’est l’hystérie collective quand l’équipe de France de foot gagne la coupe, le drame collectif quand la fois suivante elle n’est que seconde ou troisième, l’indignation générale quand elle est éliminée au premier tour (ce qui ne fait quand même pas diminuer les salaires des joueurs !). Pour « gagner » à tout coup, il ne suffit pas d’être talentueux : « Ils ont manqué d’agressivité ! Ils n’ont pas mouillé le maillot ! » disent les commentateurs, « il a fait une faute grave et a eu un carton rouge mais il s’est sacrifié pour empêcher le but ! » ou « bien sûr il a marqué le but avec la main mais l’arbitre ne l’a pas vu et nous avons gagné »

  La compétition, c’est cela. Il faut être compétitif nous ressassent nos dirigeants jusqu’au président. Au travail comme sur le terrain de foot il faut mouiller le maillot non pas pour gagner quelque chose (salaire) mais pour que ceux qui emploient gagnent plus. C’est tellement intégré que personne n’a osé interpréter ainsi le fameux slogan : « travailler plus pour… que multinationales, CAC 40 gagnent plus ! », pas plus que celui des « premiers de cordée » où les premiers se gardent bien de s’attacher aux autres pour ne pas être ralentis ou entraînés par leur chute.

  Concurrence et compétition sont les seules valeurs prônées et sur lesquelles est bâti l’outil appelé économie de marché, ce dernier n’étant pas celui où l’on va acheter et vendre ce dont a besoin pour le repas de midi.

  Il nous est répété que la concurrence serait ce qui augmenterait la qualité et ferait baisser les prix en permettant le choix, ce qui est déjà antinomique puisque pour faire baisser le coût (temps de travail) il faut faire baisser la qualité. Or la concurrence c’est éliminer les concurrents comme dans toute compétition où d’ailleurs les concurrents s’appellent des adversaires quand ils ne deviennent pas des ennemis. Elle aboutit logiquement à ce que l’on peut constater, les grosses entreprises éliminent les petites, s’absorbent même les unes et les autres pour ne rester plus que seules sur un « marché » devenu planétaire où elles s’entendent (OMC) et font alors absolument tout ce qu’elles veulent mettant le monde à leur merci (exemple de Monsanto + Bayers, l’interdiction aux agriculteurs de produire leurs propres semences, etc. !)

  On a aussi inventé le « marché de l’emploi » qui a peu de différence avec le marché aux esclaves. Les salariés n’offrent pas des compétences ils doivent quémander du travail ! La concurrence est alors rude  d’abord pour ne pas rester sur la touche,  ensuite pour ne pas se retrouver sur la touche ou pour prendre la place plus rémunératrice d’un autre. Cette concurrence entre travailleurs est bien utile, non pas pour l’amélioration d’une production ou d’un service mais pour mieux les maintenir dans ce que notre président appelle l’effort et empêcher que se créent des solidarités qui nuiraient à leur exploitation. Les syndicats qui devaient créer la solidarité du monde du travail se sont vidés au fur et à mesure que cette concurrence est devenue une obsession quasi vitale. Elle fait tout accepter comme les délocalisations qui seraient dues à une concurrence entre très grandes entreprises… appartenant à la même sphère mondialisée !  Ces dernières par l’intermédiaire des dirigeants qu’elles mettent au pouvoir politique ont d’ailleurs inventé la concurrence déloyale, la concurrence monopolistique (la publicité) dont elles ont établi elles-mêmes les règles (OMC) pour auto-protéger leurs dominations dans ce qui est justement une fausse concurrence.  

  À tous les niveaux la concurrence est intégrée comme le sont les habitus et elle devient le chacun pour soi jusque dans le chacun pour soi dans la pauvreté ou le malheur. Chaque fois que l’on parle de solidarité il s’agit en réalité de charité. « L’aide sociale » qu’il faut quémander, qui coûte un pognon de dingue, n’est que pour maintenir en l’état ceux qui pourraient être des concurrents dans le partage des richesses (profits) dont ils sont pourtant les premiers producteurs. Il est évident que s’ils bénéficiaient du juste retour pour leur apport à la société les autres en auraient moins. La société de consommation dont tout le monde s’accorde pour dire qu’elle conduit à l’effondrement n’est pas due à ceux qui ne peuvent consommer l’essentiel pour survivre mais à tous ceux qui dans la compétition sans fin ont plus que le nécessaire et passent leur vie à vouloir obtenir encore plus.

  Le plus dramatique de la concurrence c’est qu’elle empêche tout ce que pourraient apporter les complémentarités et les mutualisations, qu’elles soient dans le travail, dans la vie sociale, dans l’économie… entre personnes ou entre structures. Les immenses gâchis qui mettent en danger la planète en sont une des conséquences.

  Il n’y a que lors de catastrophes que la concurrence cesse momentanément pour faire place à la vraie solidarité, ce qui devrait faire comprendre que c’est l’essence même de l’espèce humaine si elle veut perdurer.

  Peut-être que lorsque cette concurrence effrénée aboutit comme actuellement à une masse broyée par les vainqueurs permanents, alors dans cette masse apparait une solidarité qui refuse instinctivement la concurrence de leadeurs et même la concurrence des idéologies pour retrouver le premier sens de concurrence, concourir au bien commun (voir citation colonne de droite).

  Le mouvement des gilets jaunes, s’il ne se laisse pas pervertir à nouveau par la concurrence, est peut-être le signe d’une humanité retrouvée. Malheureusement il va falloir… qu’il gagne ! Notre société s’écroule de la lutte permanente instituée entre ses humains et ses groupes d’humains.

 

  La suppression des classements est loin  de faire l’unanimité et même lorsqu’ils ne sont plus officiellement affichés sur les bulletins, dans le secondaire il est toujours indiqué les meilleures notes obtenues par une classe pour que les parents puissent comparer les résultats de leurs rejetons. La comparaison ne se fait pas uniquement avec la norme (enfants et parents ignorent ou se moquent de la norme), elle se fait surtout avec les autres.

  Être parmi les meilleurs c’est depuis l’école maternelle ce qui est demandé aux enfants. Cela se comprend puisque ce sont les meilleurs qui auront le plus de chance d’avoir les meilleures places sociales (encore que cela devienne moins certain !), d’ailleurs, heureusement parce que si tous étaient les meilleurs qui ramasserait les poubelles ou balaierait les bureaux et les palaces pour les autres ?! C’est la lutte instaurée, ouverte ou insidieuse, pour être devant. L'entraide est même prohibée : pas question de laisser le voisin copier sur son contrôle, le copié se sent léser par le copieur, c’est un concurrent (voir : pour supprimer la triche supprimer les raisons de tricher)

  Cette compétition, même quand on veut la transformer en une compétition avec soi-même (fais mieux que la dernière fois) ou qu’on veut l’appeler émulation reste la principale motivation, parfois la seule, pour essayer d’impliquer les enfants dans ce que l’on veut qu’ils fassent. L’évaluation (voir billet précédent) mesure les écarts avec les lignes d’arrivée successives à franchir, on dira il est en retard.

  La compétition est aussi ouvertement un « moyen pédagogique » dans les différents « défis », concours, prix, que l’on veut ludiques et innocents et mis en place par l’Institution elle-même. Le sport lui-même que l’on proclame éducatif n’est fait que de compétition (pourtant l’USEP  à son origine luttait pour en ôter le caractère compétitif). Voir : Le foot est-il naturel ? ou la coupe du monde éducatrice   

  C’est beaucoup moins ludique quand il s’agit des concours pour obtenir une bourse ou l’entrée dans certaines écoles, cette compétition est impitoyable, pour arriver à ses fins c’est la totalité de sa vie d’adolescent ou de jeune adulte qu’il faut qu’il y consacre. Il y a ceux qui réussissent à grimper sur le podium et les éliminés parce qu’in fine il s’agit bien d’éliminer les autres. Pas étonnant que les « gagnants » dits « méritants », plus tard élite dirigeante, élèveront la compétition en valeur puisqu’eux-mêmes devront rester compétitifs pour grimper plus haut ou rester au plus haut ou empêcher d’autres de les déloger.

  La concurrence n’est pas seulement pour l’obtention de récompenses, des places mises en jeu dans les différents cursus. Elle pourrait découler du sens premier de concourir, courir avec, se présenter en même temps au même endroit, tendre à un même effet; contribuer à un résultat commun, concurre « se rencontrer », puis concurrer « s'accorder » (Centre nationale de ressources textuelles et lexicales).

Mais dans l’école traditionnelle il n’y a pas de projets communs émanant des enfants eux-mêmes, aucune nécessité d’avoir à s’accorder pour construire un bien vivre ensemble puisque tout leur est édicté. Reste alors la concurrence (cette fois dans son sens courant) entre enfants du même âge pour obtenir dans les interstices (cours de récré) une position de leader qu’ils ne peuvent avoir comme exécutants des tâches scolaires. La concurrence de l’image pour un pouvoir sur les autres. Cette concurrence est plus visible chez les garçons (les mâles !) et on peut lui imputer en partie les violences, voire le harcèlement dont on ne cesse de se plaindre. Elle débouche naturellement sur la structure sociale qu’est la bande (concurrence pour la place de leadeur), structure qui est bien celle de nos dirigeants politiques.

Dans une école du 3ème type multi-âge où l’activité est fondée sur tous les projets des enfants, à la concurrence se substituent la complémentarité et la mutualisation. La re-connaissance de chacun, des uns par les autres, s’y effectue naturellement, il n’y a pas besoin de lutte pour asseoir son image. (voir docs en annexe)

  Bien sûr il y a la concurrence entre établissements. Officiellement, au nom de l’égalité et de l’uniformité républicaine on n’en veut pas avec les cartes scolaires qui ne peuvent être détournées que par ceux qui en ont les moyens. Mais on proclame les résultats de chacun ! La culture des résultats à tous les niveaux y compris dans le nombre des arrestations dans les manifs ! On veut bien la concurrence des résultats mais pas celle d’une autre approche de l’école et de sa finalité qui risquerait de provoquer d’autres choix de société, d’où l’élimination de tout ce qu’on appelle l’alternatif qui devient alors un concurrent… dangereux.

  Une société solidaire ? Mais l’école est « l’élevage » d’enfants où la seule solidarité qui pourrait quand même apparaître si elle n’était pas si fortement réprimée est celle contre l’oppression institutionnelle.   

 

 Pour aller plus loin  Concurrence à l’école, entre écoles, partout …  - Transmettre des valeurs ? -  Multi-âge (extrait de "l'école de la simplexité") - Entreprendre, réussir. Quoi ?

 Billet suivant : (8) Communication, informations

 

 

 

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