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Le blog de Bernard Collot
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26 novembre 2021

1940-2021 (27) - Fin du CC.

1956

Fin au cours complémentaire des « Petits choses »

petit chose

J’avais obtenu mon brevet. Je n’ai strictement aucun souvenir qui remonte de cet examen, sauf qu’il fallait aller le passer à Bourgoin-Jallieu. Après le brevet normalement ce devait en être fini de l’école, mais quelques-uns pouvaient avoir été sélectionnés pour rester une année supplémentaire au CC pour préparer le concours d’entrée à l’École normale d’instituteurs. J’avais fait partie du lot. Personne ne m’avait demandé mon avis et mon père qui devait avoir rêver de la fonction m’y inscrit d’office.

Nous étions donc cinq à nous farcir cette année supplémentaire. Mes quatre compères étaient eux internes et ils étaient toujours sous le même régime que les autres mais le supportaient de plus en plus mal. Plus un régime carcéral est dur, plus on a envie de s’évader.

Malgré la surveillance, la petite bande de mes quatre copains faisait régulièrement « le mur » pendant la nuit. C’était bien faire le mur, parce qu’il fallait sortir du dortoir, se glisser dans les couloirs et escaliers avec des ruses de sioux puis escalader les murs qui enfermaient les moines autrefois.

cc2 (2)

Pendant ces virées nocturnes il fallait bien faire quelque chose. L’un d’entre eux en profitait pour parfois emmener la troupe à six ou sept kilomètres,… pour qu’il puisse caresser son chien dans le jardin de sa maison sans réveiller sa mère veuve de guerre et sans qu’elle ne l’ait jamais su. Et puis leur but était surtout de « faire ripaille » en buvant un coup et en fumant en se planquant dans les vieilles halles romaines désertes.

Et moi, le demi-pensionnaire, là-dedans ? J’étais leur agent de liaison ! Avant de reprendre le camion j’allais leur acheter cigarettes, gâteaux, boissons… que je planquais dans un trou de mur où ils pouvaient le retrouver une fois leur évasion provisoire réussie (1).

Le premier jour du troisième trimestre, ils se sont fait prendre. Scandale ! Réputation du CC ternie ! Pour la première fois dans l’établissement, conseil de discipline ! Ce tribunal n’a pas tellement changé, sauf qu’aujourd’hui il y a une procédure à suivre et les accusés peuvent avoir un avocat. Verdict : exclusion définitive pour ceux qui étaient internes et, puisqu’il fallait différencier la sanction suivant le méfait, le conseil avait inventé la mise en quarantaine totale pendant les trois mois restant pour « l’agent de liaison » malencontreusement dénoncé. Finalement ce n’était que l’extension du "au piquet" ou "au coin" des écoles primaires.

Les profs ne m’adressaient plus la parole ni ne corrigeaient mes devoirs tout en m’obligeant à les faire et si les élèves me parlaient, même dans les WC, ils étaient punis. Finalement ma condamnation était pire puisqu’il fallait que j’expie en restant dans le CC tout en n’y existant plus. Très vite, même en dehors du CC ou dans le camion qui me ramenait à la maison, c’était le silence avec ce que je croyais être mes copains. En quelque sorte j'étais devenu pestiféré. Quant à la maison, c’était plus que le profil bas. Pus tard j’ai compris que tout un peuple pouvait détourner les yeux de n’importe quel génocide !

Le piment de cette histoire, c’est que nous avons tous passé le concours de l’école normale d’instituteurs en candidats libres… et l’avons tous réussi, deux à Lyon, trois à Grenoble ! Probablement pour narguer nos juges. Pourquoi sommes-nous quand même devenus instits alors que tout ce qui ressemblait à une école aurait dû nous faire fuir ? Serions-nous devenus gardiens de prison ? Peut-être s’il y avait eu les mêmes vacances !

Cette anecdote a probablement eu de l’influence sur moi. Même dans mes débuts d’instituteur je n’ai jamais pu exclure momentanément un élève de ma classe sachant ce que cela signifiait. D’autre part c’est là que j’ai dû apprendre que plus on enfermait des enfants (et même des adultes) plus une partie de ceux-ci ne se consacrerait qu’à une chose, nous échapper… et y arriverait. Mais mes quatre collègues ex-chenapans sont restés, à ma connaissance, très conformes dans leurs carrières. Le rapport de cause à effet ne peut être établi.

 Je suis retourné faire voir les lieux à mon fils il y a trois ans. Incroyable : le trou dans le mur avec la pierre qui le bouchait était toujours là ! mais il était vide !!!

Prochain épisode : la cigarette - épisodes précédents

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