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Le blog de Bernard Collot
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5 décembre 2021

1940-2021 (31) - 1956-1959 l'internat de l'EN

Les années d’École normale : l’internat

réfectoire

L’internat n’avait pas beaucoup de mal pour être beaucoup mieux que celui du cours complémentaire. Il est vrai que lorsqu’on a affaire à des adolescents qui seront un jour vos collègues de la famille Éducation nationale il faut être un peu plus bienveillant. Il y avait toujours des pions (surveillants) mais la plupart étaient déjà comme aujourd’hui des étudiants à peine plus âgés qui venaient se faire un peu d’argent pour finir leurs études.

Dans les dortoirs il y avait des box alignés séparant les lits par une cloison en bois qui permettaient une très relative intimité et s’il y avait toujours l’extinction des feux il était facile de s’y retrouver, d’y faire des parties de cartes sur le lit avec les lampes de poche. Bien sûr Mickey, l’intendant bourru, passait de temps en temps pour vérifier l’ordre des box, si les lits étaient bien faits et j’ai parfois retrouvé mon matelas, draps et couvertures jetés dans la cour par la fenêtre parce que l’ordre et moi... ! J’avais toujours deux ou trois copains pour m’aider à remonter le tout avant les cours en rigolant.

Les douches c'était au gymnase après l'éducation physique.

Dans le grand réfectoire où l’on mangeait bien ça discutait, et même ça chantait de temps en temps des chansons paillardes pour énerver l’intendant ou les pions. C’est à l’EN que j’ai parfait mon répertoire et j’y ai aussi découvert Brassens qui offusquait les braves gens avec son « Gare au gorille » ou Django Reynard, le jazz… que nous pouvions écouter sur le tourne-disque du foyer avec les 45 ou 33 tours qu’amenait un élève plus argenté que les autres.

le poteau pour fair le mur (2)

Nous avions des heures pour sortir après les cours à condition d’être rentrés avant l’heure où le concierge fermait les grilles. Mais, en particulier la nuit ou lorsque nous rentrions longtemps après la fermeture pour éviter de nous faire ouvrir par le concierge avec une « colle » à la clef, il y avait dans le jardin le mur donnant sur une ruelle et un poteau électrique bien placé pour l’escalade au retour. Faire le mur avait tout son sens. Nous ne faisions pas grand-chose au cours de ces escapades, le plus souvent c’était pour le plaisir de l’avoir fait.

Le soir c’était l’étude obligatoire avant de pouvoir monter dans les dortoirs mais c’était très cool, on pouvait même s’en échapper pour aller au gymnase ou faire semblant d’aller au gymnase. Avec le « Coyotte » et « Raton », j’étais un de ces « fumistes » peu porté sur les études, préférant faire des farces et rigoler. J’ai beaucoup rigolé à l’école normale.

La quatrième année année après le bac nous avions droit dans l’internat à des sortes de petites chambres mais sans porte, à deux ou trois, avec un bureau pour écrire et un lavabo, sans extinction des feux et puis des horaires de sortie prolongés et très élastiques, sans « colle » s’il fallait que le concierge nous ouvre la porte. Avoir eu le bac nous conférait le statut de jeunes adultes, comme quoi le bac était bien une sorte de rituel pour commencer à avoir des droits d’adultes en attendant le service militaire dont on ressortait avec le droit de vote (21 ans).

055-lyon-lyon-croix-rousse-ecole-normale-institutrices (1)

L’école normale des filles était un peu plus haut dans le boulevard de la Croix-Rousse. C’étaient les « nonottes », nous les « nonos ». Seule la cinquième année dans l’école des garçons était mixte et elle concernait seulement celles et ceux faisant une année supplémentaire pour être profs de collège. Nous voyions seulement des nonottes passer de temps en temps soigneusement encadrées dans le couloir quand elles avaient un cours d’agronomie dans le jardin de l’EN. Mais nous avions la possibilité d’aller dans l’école des filles si nous nous inscrivions dans la chorale mixte, nous étions assez nombreux à devenir adeptes du chant choral, mais pas tellement pour chanter ! Il m’en est resté un souvenir pas très glorieux : en fin d’année la chorale de l’EN donnait une prestation dans la prestigieuse salle Rameau. Sur la scène les chanteurs étaient devant un immense décor dans lequel il y avait la porte dissimulée par laquelle nous rentrions. Avec le Coyotte et Raton nous avions eu assez de faire semblant de chanter et avions décidé de voir ce qui se passait dans les coulisses en croyant passer inaperçus. Très stupidement nous n’avions pas saisi qu’en plein tour de chant le trou béant qui s’ouvrait dans le décor allait être perçu par tout le monde. Nous avons bien sûr été éjectés de la chorale avec perte et fracas et… privés d’aller voir les nonottes !

Il y avait bien le bizutage de la première rentrée, le rituel des écoles qui se croient être celles de futures élites. À l’EN la conscience d’être de futures élites ne devait pas être bien forte parce que ce bizutage qui se passait dans un bistrot de la place des Terreaux un jeudi n’était pas bien méchant, il fallait juste passer l’épreuve de faire rire la promotion d’avant nous. Nous ne devions pas être si drôle que cela puisque ensuite ma promotion n’a pas voulu s’embêter à en organiser.

On dit que l’école est émancipatrice, en tout cas à l’EN je me suis beaucoup émancipé, mais je ne pense pas que ce soit dans le sens où on l’entend. Il est vrai que l’EN nous infantilisait plus qu’elle nous élevait au niveau d’adultes responsables et pensant.

Prochain épisode : les cours et les profs à l’EN - épisodes précédents

Commentaires
D
Oh la la! Je comprends pourquoi on a fait MAI 68,les étudiants en tête.<br /> <br /> "Ils ne visent pas moins que la réforme totale de l' Université, de ses structures, de son esprit, de sa finalité, ...et la transformation de la société bourgeoise."<br /> <br /> <br /> <br /> Propos d' Hervé BOURGES recueillis dans un livre.
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