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Le blog de Bernard Collot
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15 décembre 2021

1940-2021 (35) 1955-1959 Les futurs instits : des adolescents.

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Les années d’École normale - Les normaliens, des adolescents !

Vous avez dû saisir que pendant ces années d’École normale nous n’étions bien encore que des adolescents, tout au moins moi. Des adolescents vivant dans le vase presque clos d’un internat. C’est à peine sortis de cette adolescence à 19-20 ans que nous allions avoir la responsabilité d’éduquer tous les enfants de France. Ce n’est pas d’aujourd’hui que le monde marche sur la tête.

La politique. Nous aurions dû être interpellés par les événements qui ont émaillés ces années, en particulier la guerre d’Algérie ou la prise de pouvoir de De Gaule. Mais à part pour « Duduche », l’un d’entre nous dont le père était un militant communiste, les informations du monde extérieur passaient peu, les transistors n’en étaient qu’à leurs débuts. La guerre d’Algérie n’était pas appelée guerre et pouvait être perçue comme une simple opération de police. Pourtant dès 1956 commençaient à y partir les premiers contingents d’« appelés », c’est à dire ceux qui à 20 ans étaient normalement « appelés sous les drapeaux ». L’Algérie était loin, nous pouvions supposer et on disait qu’elle ne pourrait durer des années et qu’on n’en parlerait plus le jour de notre incorporation au service militaire encore lointain ; l’Algérie ne nous concernait pas. Lorsqu’il y a eu les manifestations contre l’arrivée de De Gaule au pouvoir et la constitution de 58 et auxquelles des lycéens et étudiants avaient aussi participé, seul Duduche avait manqué les cours pour s’y rendre. Il n’y a avait que le prof d’italien pour nous dire qu’il se passait des choses hors de nos murs. La plongée dans la réalité a été pour moi brutale (lire dans un prochain épisode sur la guerre d’Algérie).

Rock

Adolescents nous l’étions autant à l’extérieur. Fumer, boire des bières, du rhum était plus pour paraître libérés que pour vraiment s’enivrer. Dès la 3ème et la 4ème année il y avait les « surboums » qu’organisaient les plus aisés chez eux ou dans des salles de café. Pour ceux qui aimaient la danse c’était le rock and roll qui faisait fureur, c’était presque acrobatique ! Pour les autres on pouvait toujours faire un peu les malins avec un paso doble ou un cha-cha-cha, mais ce que nous attendions tous c’étaient les tangos ou les slow, on devine pourquoi. La fonction des surboums comme des bals populaires n’était pas vraiment la danse !

Les bals populaires j’y allais lorsque je rentrais les WE à la maison. Eux étaient beaucoup plus hard. J’étais assez mat de peau, probablement un lointain ancêtre maghrébin. Parmi toutes les variétés de couleurs qui identifiaient les origines des uns et des autres j’étais assez indéfinissable. C’est cet indéfinissable involontaire qui me permettait de naviguer dans ces bals de la banlieue lyonnaise sans être trop inquiété dans les rixes qui concluaient régulièrement les soirées entre les bandes des arméniens de Décines, des polonais de Pont-de-Chéruy ou des algériens de Crémieux. La non appartenance à un clan apporte certains avantages, on peut dire une certaine liberté dans les relations, je m’en apercevrai plus tard.

Cependant cette période adolescente à l’EN a quand même été l’entrée dans une certaine culture beaucoup moins orthodoxe que celle que nous aurions dû sagement intégrer et qui n’était pas celle de la philosophie ou de la grande littérature. Il y avait les bandes dessinées : Spirou avec son Gaston La Gaffe, Astérix, Lucky Luke... passaient de mains en mains. Le ciné avec le ciné-club organisé par le prof d’italien ou dans la salle d’arts et d’essais avec « riz amer », « i vitelloni », « le voleur de bicyclette »… la nouvelle vague, j’ai même eu la chance de découvrir un des premiers dessins animés de McLaren, une explosion de graphismes et de couleurs qui changeait des stéréotypes de Disney. Il y avait eu aussi le choc de « nuit et brouillard ». Et puis la musique avec le jazz, Django Reinhardt ... la poésie avec les débuts de Brassens, Brel… et même la peinture avec Picasso ou ceux ayant peint… des nus osés !

Plus on vous « éduque » dans un intérieur, et plus vous allez chercher ailleurs dans l’extérieur ce qui paraît futile, inutile aux bien pensant, inutile pour votre sacro-saint avenir ou votre Culture. Cela a toujours été ainsi même si une fois cette adolescence passée il va falloir rentrer dans le rang de la normalité, du sérieux, de la Responsabilité.

Avec beaucoup de recul, nous n’avons été que des adolescents pendant cette période qui devait faire de nous des instituteurs (tout au moins je n’ai été qu’un adolescent !).

Prochain épisode : Les années 60, 1959, premier jour instit, minute par minute.

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