1940-2021 (54) - 1968, un conséquence inattendue du mois de mai

Conséquences immédiates de mai 68

 

Le certif (certificat d’études primaires) fut très folklorique ! L’ambiance quasi de retrouvailles des instits surveillants-correcteurs après tous les moments passés ensemble durant le mois de mai et ce n’était plus le redoutable sérieux que requerrait la solennité habituelle DU diplôme que tous les enfants devaient passer. Nous n’étions plus une minorité de plus que bienveillants. Même sa majesté Mossieu l’Inspecteur demandait de la mansuétude. Je ne pense pas que cette année il y eut beaucoup de recalés, il fallait vraiment rendre des feuilles vierges ou rester muet comme une carpe à l’oral. 1971 y mit une fin définitive pour l’école primaire et l’ancien collège d’enseignement général devint le collège pour tous sans examen.

À Lantigné la conséquence du mois de mai a été plutôt inattendue. Déjà dans le Beaujolais il y avait un curé plutôt curieux pour cette corporation. C’était le curé des Écharmaux, petit village perché dans les Monts du Beaujolais près du col du même nom. Il était réputé pour son côté libertaire, voire libertin, bon vivant et il ne cachait pas ses opinions quelque peu gauchistes, il avait fini par se défroquer et vivre en concubinage !  

La surprise est venue de celui qui officiait à Lantigné. En mai, en plein dans la grève générale, il fit au cours de sa messe un sermon retentissant et qui a fortement retenti dans le village. Il se mit à fustiger tous ses paroissiens qui critiquaient les grévistes et les a appelés ouvertement à soutenir les seuls de sa paroisse, nous les mécréants instits de l’école publique, en leur disant : « Si le Christ était de nos jours, il serait le premier à leurs côtés » ! Même l’institutrice de l’école privée, qui m’avait expliqué qu’elle n’était dans l’enseignement privé que parce qu’elle avait été refusée au concours de l’Ecole normale, disait à ses parents d’élèves qu’il était absurde de partager moyens et crédits entre deux écoles dans le même petit village. Elles'est "défroquée" elle aussi et est devenue ensuite suppléante dans l’Éducation nationale.

Si bien que pendant les vacances, grand branlebas et conciliabules chez les parents du privé et ils sabordèrent leur école. À la rentrée de cette année 68, il n’y avait plus que l’école publique, la plus grande partie des familles l’ayant rejoint.

Si nous étions contents, cela nous a, a contrario, un peu compliqué la tâche. Il avait bien fallu que l’académie ouvre une troisième classe. Par chance cela a été une amie d’un village voisin qui allait dans le même sens que nous qui a obtenu le poste. Du coup les petits de 2 à 4 ou 5 ans n’étaient plus avec les 6, 7 et 8 ans, moi-même avait deux tranches d’âge de moins et même plus que les CM1 et CM2 la dernière année lorsque tous les enfants allèrent tous en 6ème.

Mais nous perdions l’espace libre d’une salle de classe. La disposition d'espace dans nos petites écoles rurales qui du fait de l'exode rural s'étaient retrouvées avec des classes vides était un de leur principal atout pour des pédagogies actives. J'avoue aussi que dans une classe devenue presque homogène j'étais un peu embarrassé.

Et surtout les parents d’élèves n’étaient plus tous des habitués à nos façons de faire, quelques-uns même assez inquiets et soupçonneux de ce que faisaient de leurs enfants des mécréants d’instituteurs. Il a fallu de nouveaux trésors de diplomatie et d’explications. Le maire de la commune voisine dont l’école privée avait été elle maintenue m’expliquait qu’il en était ravi : « Tu comprends avec mes deux écoles, il y a un président, un secrétaire, un trésorier pour chacune, cela satisfait et occupe six égos, tous les parents n’ont rien à dire puisqu’ils n’ont qu’à aller là où ça leur convient… et moi j’ai la paix ! Et les instits aussi !»  Comme quoi 68 n’avait pas tout changé !

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