1940-2021 (56) - Débuts des années 70 - Gardarem lo Larzac

L’écologie, les grandes manifestations, le Larzac…

Pour moi la découverte de l’écologie a été la prestation à la télé de René Dumont lors de sa candidature à l’élection présidentielle de 1974. À vrai dire je ne m’étais encore jamais intéressé à l’agriculture en dehors de la viticulture puisque celle-ci était mon environnement pendant cette époque et seules les conditions sociales du monde paysan m’avaient interpelé puisque ma famille en était issue et que j’avais vécu dans le monde rural du Bugey et de la Bresse de mes grands-parents petits paysans. Pas plus d’ailleurs que l’alimentation, l’environnement ou la démographie, je faisais d’ailleurs partie de par ma date de naissance des années creuses de 1940. En pleine trente glorieuses très peu de monde s’intéressait à tout cela.

Le choc dans la succession des prestations stéréotypées et constipées des autres candidats

avait été l’apparition de ce bonhomme de 70 ans, décontracté, en pull, assis carrément sur une table, un verre d’eau et une pomme à la main qui se mit à parler tout simplement du pillage de la planète, de la démographie galopante, de la destruction des sols, de l’empoisonnement alimentaire, etc. René Dumont. Et il était peut-être bien le seul qui manifestement et de par son parcours de vie savait de quoi il parlait. J’ai voté pour lui, mais beaucoup plus pour le bon sens qui se dégageait de sa personne, la proximité avec nous que je ressentais, que par une conscience réelle et palpable de l’impasse dans laquelle la société était engagée. Honnêtement je ne changeai quand même pas mon mode vie bien trop facile, tout au moins jusqu’à 1976, mais ce sera pour d’autres épisodes.

Il y a eu l’incroyable rassemblement du Larzac contre l’extension du camp militaire qui fut pour moi un moment fantastique. Le mois d’août 1973 où je ne faisais plus de colonies de vacances, nous nous étions retrouvés à près de 100 000 sur le plateau, des jeunes, des vieux, des gens de tout poil et de tout bord, à dormir à la belle étoile, partager des casse-croûte, écouter des groupes de musique, écouter des discours enflammés… L’extraordinaire sensation d’être une humanité, voire toute l’humanité. Pour moi c’était surtout l’antimilitarisme né de la guerre d’Algérie et l’autoritarisme aveugle du pouvoir qui m’avait motivé.

En 1974 cela a été un nouveau rassemblement encore plus important, « La fête des moissons » que je n’ai vécu que par la radio. Jusqu’en 1981 il y a eu de nombreuses autres actions toutes plus originales que les traditionnelles manifestations de rues, les coordinations avec d’autres associations, communes…que je suivais avec passion, toujours grâce aux radios périphériques et la presse alternative,  Lorsque la poignée de paysans du Larzac a gagné et qu’en 1981 le projet militaire fut abandonné, cela avait été un formidable espoir que les luttes payaient. Du Larzac est née la Confédération paysanne, c'était la première fois qu'une partie du monde paysan portait les idées d'une autre agriculture qui ressurgit aujourd'hui. 

Et puis il y avait le mouvement anti-nucléaire. C’était peut-être plus ce qui avait été fait du nucléaire avec Hiroshima et Nagasaki ou avec les essais nucléaires français dans le Sahara et le Pacifique que le danger des centrales qui m’avaient fait adhérer au mouvement. Et puis il y avait la même humanité que pour la lutte contre le camp du Larzac. Je crois que c’est aussi l’humanité fraternelle retrouvée qui faisait adhérer à tous ces mouvements, aujourd’hui les Gilets jaunes, Notre-Dame des Landes,… en sont un bon exemple. Le coup d’arrêt brutal fut le rassemblement de Creys-Malleville devant le réacteur super-phénix en construction. Alors que sur le Larzac la répression ne s’était pas réellement fait sentir, à Creys elle fut féroce et se solda par un mort. Je n’y étais pas mais pendu encore au transistor. Par la suite la lutte continua mais devint une cause quasi désespérée. 

Comme quoi on ne peut pas transformer et stopper un seul pan de la fuite en avant vers l’effondrement si en même temps ce n’est pas l’ensemble du système politique, économique, social, financier qui n’est pas radicalement remis en cause.  

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