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Le blog de Bernard Collot
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28 juillet 2022

1940-2021 (124) – 1989. Le rapport Mauger, la révolte de St-Martial d’Albarède

Le rapport Mauger, la révolte de St-Martial d’Albarède.

 

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C’était quoi ce rapport Mauger ?

1989, Lionel Jospin était ministre de l’Éducation nationale. Comme tous les ministres de l’EN, il voulait faire des « économies d’échelle » l’expression favorite des technocrates et des politiques, la solution pour ces dites économies étant suppression et concentration, mais il faut trouver des prétextes. Il missionna Pierre Mauger pour lui faire un rapport et des propositions sur « le réseau éducatif dans les zones d'habitat dispersé », autrement dit comment rayer quelques écoles de ce qu’on appelle la carte scolaire.

Pierre Mauger avait été dans ses débuts un an dans une classe unique, puis était passé à la politique, c'était certes plus confortable. Il est probable qu’il n’avait pas gardé un excellent souvenir de cette année d’instituteur, et puis leur suppression ne devait pas poser trop de problèmes vu que ces classes uniques étaient fuies par les enseignants et apparemment par les parents. Et puis les campagnes ne sont pas réputées pour se soulever. Son rapport fut bouclé en quelques semaines et il n’a pas dû enquêter auprès de beaucoup des petites écoles rurales.  En seulement deux ou trois feuilles, il proposa leur disparition dans l’intérêt des enfants et parce qu’elles étaient archaïques[1] dans le monde de la modernité. Vous avez sûrement dû entendre souvent cette expression : « dans l’intérêt des enfants et des populations », les politiques savent toujours quel est votre intérêt sans bien sûr ne jamais vous le demander.

Mais dans un gouvernement socialiste, il faut apparaître démocratique. Il proposa alors que 7 départements soient désignés comme départements pilotes de la mise en œuvre de l’éradication, mais ceci bien sûr après consultation. C’était quoi cette consultation ? Des réunions entre le préfet, l’inspecteur d’académie, le président du Conseil général, un délégué syndical, peut-être un représentant de la FCPE et c’était tout, tous étant des urbains[2]. Pendant les vacances tout fut bouclé et mise en route prévue pour la rentrée.

Septembre 1989, rentrée des classes à St-Martial d’Albarède en Dordogne. Comme d’habitude, des parents accompagnent leurs enfants à l’école. Surprise : l’école est fermée, il n’y a plus d’instituteur, devant un car attend. Mais qu’est-ce qui se passe ? Stupéfaits, ils apprennent alors ce qui avait été décidé. La colère monte vite… et refus de faire monter les enfants dans le car, occupation de l’école.

Les jours suivants, parents et enfants continuèrent de venir dans leur école, ce sont des parents qui essayaient d’occuper les enfants, puis une institutrice à la retraite vint les aider. Il est probable que très vite des gendarmes seraient venus mettre un terme à tout cela, mais le quotidien régional et même France3 s’étaient emparés de l’histoire : école sauvage à St-Martial ! À St-Martial les parents font la classe !... Il faut dire qu’à l’époque ce n’était pas banal, une sorte de jacquerie parentale et cela faisait des grands titres. L’affaire a commencé à dépasser quelque peu le canton et même le département. Et cela a duré jusqu’à ce que l’académie remette provisoirement un instituteur pour éteindre le tapage engendré.

On peut dire que c’est à St-Martial qu’une mobilisation campagnarde s’est déclenchée.


[1] Le terme d’archaïque ne pouvait que nous rester en travers de la gorge, surtout après 1983 où en fait d’archaïsme cela avait été surtout nos classes uniques ou petites écoles qui étaient le plus rentrées dans les plans informatiques qui troublaient beaucoup plus les écoles urbaines. (voir épisodes précédents)

[2] Cela n’a pas changé. Dans les années 2010 un autre plan a été concocté mais cette fois avec une menace : la dotation en postes budgétaires d’enseignants du département était maintenue si une concentration scolaire sur les écoles des chefs-lieux de canton était opérée. Dans les concertations, les maires et les parents des petites communes n’étaient pas consultés ni ne pouvaient peser : la loi des grands nombres d’électeurs !

Prochain épisode : Novembre 1989 La bagarre démarre sur le Plateau de Millevaches - 

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