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Le blog de Bernard Collot
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3 août 2022

1990, notre premier colloque au Vigeant (86)

...et le système D

 

Visuel-Afpa-Vigeant

Le lendemain de cette rencontre dans la Creuse, je reçus un coup de téléphone de Michelle, la maman des Hautes-Alpes :

- Bernard, il ne faut pas que l’on en reste là, il faut faire quelque chose.

- Oui, mais quoi ?

- Quelque chose qui marque et fasse savoir que nous n’allons pas laisser faire ces suppressions.

- Un colloque par exemple ? J’avais quelque peu malencontreusement lancé cette idée parce que j’ignorais totalement ce qu’était un colloque où je n’avais jamais mis les pieds ! J’étais bien un vrai « plouc » !

- C’est ça ! Il faut que tu t’en occupes parce que vous êtes pour l’instant les seuls à avoir une association qui peut être organisatrice !

Aïe ! Je fus bien embarrassé, mais selon le principe « c’est celui qui dit qui fait » :

- Bon, ben je vais voir !

C’est comme cela que tout a commencé. J’ai bien sûr cherché ce qu’était un colloque. Une grande réunion de plusieurs jours avec des personnalités qui font une série de conférences sur un thème. Le thème c’était facile : « école rurale », mais des personnalités sur ce thème je n’en voyais aucune, d’ailleurs à l’époque il n’y en avait pas. Et puis trouver un lieu, bâtir une organisation quand on ne dispose d’aucune ressource, faire savoir qu’il allait y avoir quelque chose d’important pour qu’il y ait du monde…

Il s’en suivit de nombreuses discussions et cogitations avec les copains de l’ADPER. Il y avait bien Yves Jean, le maire universitaire qui savait, lui, très bien ce qu’était un colloque, mais rien que pour cela il ne le voyait pas trop possible. Il suffisait de dire que c’était impossible à cette bande d’instit-e-s pour qu’elle le fasse.

Visuel-Afpa-Vigeant

Le lieu fut vite trouvé : le directeur adjoint de l’AFPA du Vigeant, celui qui faisait en cachette les premiers tirages de La Fourmilière-hebdo de Moussac, nous proposa de mettre des salles du centre AFPA à notre disposition pendant les vacances de Pâques où il était vide. Mieux, le cuisinier du centre pouvait nous faire des repas.

5ede5dcfc22b9_le_vigeant

Encore mieux, à côté il y avait un ancien camp de harkis avec des baraquements qui avaient encore leurs lits et quelques vieux matelas pour héberger très très sommairement ceux qui n’auront pas les moyens de se payer l’hôtel.

 

Restait l’organisation sur place. Là nous avons reçu un formidable coup de main du GICEP, fédération départementale de la Vienne des crèches parentales de l’ACEPP (association des collectifs enfants parents professionnels). Je connaissais très bien la coordinatrice, Françoise Giret, qui elle-même connaissait très bien l’école de Moussac qui avait quelque ressemblance avec les crèches parentales. Et puis l’ACEPP était très habituée et performante dans l’organisation coopérative de nombreux événements. Elle a ensuite toujours été à nos côtés pour la défense des classes uniques, elle a d’ailleurs été la seule organisation à toujours nous soutenir et pas seulement par des paroles. Je raconterai dans un autre épisode l’histoire avec l’ACEPP.

Et enfin, comment allions-nous faire passer l’information ?

Cette fois j’avais les moyens : dans le réseau télématique du mouvement Freinet il y avait bien sûr beaucoup d’instits de classes uniques et beaucoup d’autres sympathisants pour ce que nous défendions. Le miracle du minitel : messages envoyés à tous avec la consigne de le répercuter aux parents, aux élus et à toute personne susceptible d’être intéressée. Tous les claviers ont chauffé !

D’autre part, je savais de par l’expérience des hebdos, qu’il fallait que tout ce qui se passait soit su et devienne commun. Je fis donc chaque semaine un petit bulletin d’une page recto verso résumant la situation et l’état où nous en étions, envoyé dans les écoles qui participaient à l’opération en utilisant en trichant la franchise postale (j’en ai déjà parlé), avec comme consigne de diffuser à leur tour (pas d'internet comme aujourd'hui pour faire ciculer des documents).

Si bien que le jour J des vacances de Pâques, trois mois après le coup de téléphone de Michelle la maman en novembre, débarquèrent au Vigeant 150 personnes d’une vingtaine de départements !

Nous n’avions toujours pas de personnalités pour des conférences auxquelles il aurait suffi d’assister ! Mais il y avait la bande d’instits des classes uniques en pédagogie Freinet du réseau. Tous des habitués à animer les réunions des enfants et des parents de leurs écoles. Nous nous étions concertés à l’avance, toujours grâce à la liste de diffusion et le minitel, et nous avions décidé de répartir le colloque en quatre ou cinq salles et dans chacune un ou deux d’entre eux… feraient parler le public ! Pour ma part, je ne faisais presque plus rien si ce n’est d’aller d’une salle à l’autre voir s’il y avait des problèmes, il n’y en avait pas ! Le soir dans la plénière puisqu’il en fallait bien une, il suffisait que chaque atelier résume ce qui avait été dit, proposé et nous avions une vue complète de la problématique engendrée par le ministre et des raisons de l’opposition soulevée.

Et ça a marché ! Ce fut un succès. Beaucoup de participants venaient nous dire qu’ils n’avaient jamais assisté à un colloque pareil, et pour cause ! Finalement ce colloque fut le plus facile à réaliser, je dirais à s'auto-organiser à plusieurs au fur et à mesure.

Nous avions créé une dynamique, commencé à faire parler de nous au moins dans la presse locale. Avant que tout le monde ne se sépare et toujours pour ne pas en rester là, il fut décidé de constituer une fédération nationale de défense et de promotion de l’école rurale, la date fixée au début du mois de juillet suivant, le lieu étant le village de l’Aubépin dans le Rhône où était la classe unique de Jean-Michel Calvi, un de ceux qui animait un atelier du colloque (prochain épisode).

J’avais affiché dans le hall de réception du centre une exposition sur ce qui se passait dans les classes uniques. Les copains se moquaient toujours un peu de moi :

- Bernard, tes expositions qui couvrent les murs, personne ne va passer du temps à les lire !

Ils avaient raison ! Mais, le premier jour je vis un bonhomme en costume-cravate qui prenait le temps de tout lire et même prenait des notes. Très surpris et intrigué, je lui demandai ce qui l’intéressait. Il m’expliqua qu’il était le délégué de l’association des élus de montagnes et qu’à ce titre il cherchait ce qui pouvait convaincre les maires des communes isolées de montagne, inatteignables par les transports scolaires en hiver, d’avoir confiance en leur école ! L’association des élus de montagne était le plus puissant lobby d’élus français, quant à lui c’était un énarque, très habitué des cabinets ministériels. Je fus persuadé que c’était une bonne affaire d’avoir pêché un tel personnage. Innocence !

C’est à ce colloque du Vigeant que nous vîmes apparaître des collègues de classes uniques que nous ne connaissions pas encore comme Sylvette Brivet ou Christine Charles et qui furent par la suite les incontournables piliers d’une école du 3ème type. Il y a eu aussi beaucoup de parents ou d’élus de toute part qui sont devenus nos défenseurs. J’y retrouvais aussi de vieux copains du mouvement Freinet comme Michel Barrios, l’ours des Pyrénées, et je me souviens de la nuit à discuter et à plaisanter à quatre ou cinq, couchés tout habillés dans un des baraquements du camp harki. 

Pour finir, les actes du colloque furent réalisés en 15 jours, en trois ou quatre réunions avec les participants de la région. Je ne fus que leur secrétaire qui a rédigé leurs propos, certes un peu à ma sauce, et les actes d’une vingtaine de pages, photocopiés par le Crédit Agricole de Poitiers, furent envoyés à toutes celles et ceux qui avaient laissé leurs coordonnées pour le recevoir.

C’était parti pour plusieurs années !

Prochain épisode, la création de la fédération de l'école rurale -  épisodes précédents ou index de 1940-2021 – La lutte pour l’école ruraletous les épisodes  sur l’école et l’éducation

 

 

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