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Le blog de Bernard Collot
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6 août 2022

Les « ploucs ». L’extension de la bande d’instits des classes uniques

ploucs4 (2)

 Nous pouvions dire un grand merci à Lionnel Jospin et Pierre Mauger : auparavant seuls les instits de classes uniques du réseau Freinet se connaissaient, échangeaient et se soutenaient, la plupart des autres étaient isolés dans leurs coins et se débrouillaient comme ils pouvaient. Après le colloque du Vigeant, d’autres ADPER départementales s’étaient constituées et partout les instits de classes uniques et petites écoles formaient la majorité des adhérents. Pour maintenir le contact, nous avions créé sur le serveur du réseau du mouvement Freinet une liste de diffusion spécifique pour la défense des petites écoles rurales, elle a été un élément clef pour développer une multitude d’actions aussi inattendues les unes que les autres pour les pouvoirs. S’y sont retrouvés alors bon nombre de collègues qui n’appartenaient pas forcément au mouvement Freinet.

Nous découvrîmes alors que rarissimes étaient les enseignants de classes uniques et des classes rurales multiâges qui étaient restés traditionnels. Ceci apportait de l’eau à mon moulin lorsque je prétendais et défendais que les classes uniques, simplement du fait de ce qu’elles étaient, engageaient forcément l’école dans un autre paradigme. Je me souviens de Jean-Claude Lobre, rugueux instituteur dans un petit village du Jura qui me disait :

- Ça alors Bernard ! Tu me fais marrer ! Je me croyais un instit traditionnel de la vieille école ! Voilà que je me découvre quasiment révolutionnaire sans le savoir !

Parallèlement à la lutte pour empêcher notre éradication, s’engagèrent alors des échanges continus sur ce que faisaient les uns et les autres, les solutions trouvées face aux difficultés, les idées, les expériences, etc. L’idée d’une école complètement différente (école du 3ème type ) prenait alors de plus en plus de consistance. C’est surtout après la création des CREPSC (un prochain épisode) que pris consistance ce mouvement des écoles du 3ème type, certes très minoritaire mais très particulier dans le paysage des idées et de la militance pédagogique.

Ceci provoqua alors le besoin de rencontres. Et il y en eut beaucoup. Nos petites vacances étaient particulièrement occupées, mais c’était bien loin d’être une corvée, quoi de mieux que de se retrouver entre amis dans une ambiance conviviale et familiale avec beaucoup de rigolades. Elles étaient aussi colorées par tous les accents de France, entre le rocailleux du Jura, le chantant du Sud, le roulement des r de la Bourgogne…

Sans moyens, il fallut se débrouiller, profiter de la moindre opportunité pour squatter un coin d’un événement organisé par d’autres, faire d’un terrain de camping une vaste salle de réunion, s’installer dans un centre de vacances inoccupé, etc. Nous avons souvent été en Ardèche où les reines de la débrouille, Marie-Chantal D’Affroux et Sylvette Brivet trouvaient des lieux géniaux où nous ne serions jamais allés. En plus c’était beaucoup mieux pour toute découverte que ce qui est réservé et envahi par les touristes. Il y en eut de mémorables comme lorsque « les ploucs » se retrouvaient pour une raison ou une autre à Paris se réunissant dans les locaux de l’ACEPP et s’hébergeant dans l’immense auberge de jeunesse de D’Artagnan. Nous nous sommes retrouvés dans beaucoup de lieux insolites comme Aubeterre avec son étonnante mare d’observation et sa caverne, cathédrale monolithe, ou en plein Marais Poitevin.

Grâce aussi au plan d’éradication concocté par Jospin nous avons été rejoints par des parents et cela n’a pas été le moindre intérêt, pour eux comme pour nous et surtout pour nos écoles.

Cette bagarre n’a certainement pas été triste malgré les enjeux, ce fut a contrario une période joyeuse et chaleureuse. Ce qu’on attend finalement de la vie. 

Entre nous nous nous appelions les ploucs  ! Dans l'esprit nous étions tous plus ou moins les paysans qui s'ent'aidaient pour les récoltes ou pour faire face aux intempéries et finalement nous cultivions bien des jardins écoles pour y faire bien pousser des mômes !

Prochain épisode : Il fallait tenter un grand coup. Crozon. épisodes précédents ou index de 1940-2021 – La lutte pour l’école ruraletous les épisodes  sur l’école et l’éducation

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