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Le blog de Bernard Collot
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2 septembre 2022

1940-2021 (138) – 1995 Nous nous dotons d’un serveur télématique !

Le réseau Marelle

 

marelle

L’outil principal de notre lutte comme de nos recherches avait été notre liste de diffusion installée dans le cadre du mouvement Freinet et sur le serveur qui voulait bien l’accueillir, en l’occurrence celui du rectorat de Nice, EDUCAZUR. Mais, d’une part nous étions dépendants du bon vouloir de l’organisme qui voulait bien nous accueillir (précédemment c’était la ville de Châtellerault sur son serveur ACTI) et nous ne pouvions pas faire notre propre site pour avoir plus de visibilité, d’autre part nous étions un peu gênés de squatter ainsi le mouvement Freinet alors que beaucoup de tous ceux qui nous rejoignaient n'appartenaient pas forcément au mouvement Freinet ou n’étaient même pas enseignants.

Mais l’achat d’un serveur avec sa mise en service et son maintien était hors de nos moyens. N’oublions pas qu’Internet n’était pas encore développé et d’accès gratuit. Nous avions bien pendant un temps été hébergés sur le serveur du réseau assez puissant du mouvement « Écoles et nature », mais il s’est avéré que nous ne pouvions avoir la maîtrise de ce que nous voulions aménager. J’avais bien tenté de solliciter l’ICEM (mouvement Freinet), les CEMÉA, l’OCCE pour mutualiser les moyens, avoir un serveur commun ce qui aurait eu aussi l’avantage d’avoir des actions communes, mais chacun défendait son pré carré. Il est vrai que ma proposition était perverse puisque nous étions les seuls à ne pas avoir de moyens !

Chacun d’entre nous était donc plus ou moins à l’affut de la moindre occasion. Et ce furent encore Marie-Chantal et Sylvette qui trouvèrent la solution.

À cette époque l’Ardèche était classée parmi les zones européennes à aider et bénéficiait d’une certaine manne de l’Europe. Là-bas il y avait un bonhomme qui était un homme politique, secrétaire d’État je crois au commerce, pas très net d’ailleurs puisqu’il a été vite viré du gouvernement. Je ne sais pas comment Sylvette et Marie-Chantal avait réussi à l’approcher, peut-être le draguer ( !), mais elles réussirent à ce qu’il attribue aux CREPSC pour le développement d’un serveur le reliquat d’une subvention européenne inutilisée. On pourrait presque dire qu’il avait détourné quelque peu l’objet initial de cette subvention !

C’était bien beau d’avoir les sous, mais il fallait aussi pouvoir les utiliser. L’Ardèche était un département où les initiatives pullulaient. Il y avait aussi les inforoutes de l’information, et c’est là qu’elles trouvèrent un ingénieur qui voulut bien s’occuper de l’achat, de l’installation et du maintien d’un serveur.

Le lendemain du colloque d’Autrans nous étions tous restés, d’abord pour la corvée du rangement, ensuite pour faire un grand débriefing et envisager les suites. C’est là que fut discuté comment nous allions utiliser le fameux serveur et trouver son nom. Après de joyeuses cogitations, ce fut l’idée de Roger Beaumont qui fut choisie : Marelle. Nous aimions bien le rapport avec ce vieux jeu des enfants dans les cours de récré et l’image du puzzle que nous étions.

Et le serveur devait être mis en service à la rentrée de 1995. À la rentrée il y avait un peu de retard pour sa mise en route, lorsque je reçus un coup de téléphone de… Canal+ ! La chaine était venue faire une émission à Moussac (un prochain épisode) et j’avais encore des contacts avec l’équipe de Michel Fieeld qui était venue faire les repérages et parfois ils me demandaient des tuyaux pour trouver des lieux où faire des reportages sur des écoles innovantes. Cette fois ils voulaient faire une émission sur une école qui commencerait à utiliser Internet encore à son tout début. Je n’avais rien à leur proposer, mais je reniflai un bon coup pour nous :

- Je n’en connais pas, mais j’ai aussi bien à vous proposer : le réseau des petites écoles qui utilisent leur propre serveur Marelle !

Faute de merles on mange des grives, et Canal+ marcha en me demandant de coordonner l’affaire pour réaliser une démonstration filmée entre écoles. Oui, mais ! Le serveur n’était pas encore installé ! Sylvette se débrouilla alors pour que l’ingénieur installe provisoirement la machine dans sa propre cuisine et la mette en route. De mon côté j’étais en classe de mer accompagné par l’institutrice qui faisait alors la deuxième partie de mon mi-temps obtenu grâce à Christian Drevet et Moussac ne pouvait être une des deux écoles qui devaient participer à l’opération. Je sollicitai alors Frédéric Gautreau (1) instit de la classe unique de Lapuye et Magalie Bruzac, instite de la classe unique de Millac. Tous deux et en particulier Frédéric étaient depuis le début les acteurs du réseau de la Vienne, suffisamment proches et leurs classes habituées à communiquer entre elles pour goupiller et préparer avec les enfants un scénario qui soit très proche de ce qu’ils vivaient habituellement avec le réseau. Je coordonnai alors au téléphone, pendant que les enfants étaient au bord de la mer avec ma collègue, un reportage… complètement fictif, mais paraissant absolument tourné de façon impromptue ! Et c’est ainsi que débuta Marelle.

Un serveur c’est comme une bagnole : s’il faut un garagiste pour l’entretenir, il faut des pilotes qui puissent la piloter et s’en servir suivant les usages que l’on veut en faire. Depuis les débuts de l’informatique et de la télématique dans le mouvement Freinet, ce furent des instituteurs qui aménageaient quotidiennement les serveurs pour qu’ils puissent répondre aux besoins nouveaux que demandaient ou découvraient les classes usagères, et ils y passaient un temps fou. Pour Marelle ce furent Roger Beaumont (2), Sylvette et Claude Crozet (3) ses pilotes infatigables.

Paradoxalement Marelle a fortement déplu aux instances dirigeantes du mouvement Freinet. Nous avons été accusés d’avoir fait une sorte d’OPA sur le mouvement ! Il est vrai que bon nombre d’instits du mouvement rejoignirent alors la liste de diffusion de Marelle où les échanges étaient très variés et la dynamique très forte.

Cela a duré deux ou trois ans jusqu’aux alentours de 1998, et puis l’aspiration d’Internet a été trop forte, Marelle fut abandonnée. D’autre part, ainsi que je l’ai déjà raconté, l’événement du pédophile nous avait très fortement perturbés et les CREPSC tombèrent peu à peu dans une léthargie.

Mais, rien ne se perd, tout se transforme ou ressurgit, et plus tard dans les années 2 000… à suivre !

(1)     Frédéric Gautreau. (voir l’épisode « création de la FNDPER)

(2) Roger Beaumont

roger beaumont_1

Je connaissais Roger depuis les années 70. Il était à l’époque instituteur dans une école de Lyon qui était partagée en deux : une partie était en pédagogie Freinet, l’autre en pédagogie classique. L’idée pour l’EN, dans ces années d’après 68 où ont fleuri pendant quelque temps pas mal d’expériences dont par exemple les écoles ouvertes de St-Fons et Vitruve, était de comparer l’efficacité des deux pédagogies. Cela fut très éphémère, la comparaison se transformant en une sorte de compétition basée sur les seuls résultats purement scolaires devint vite insupportable pour les uns et les autres. Et Roger devint directeur de l’école de Pollionnay au pied des monts du Lyonnais.

Dès le début avec les CREPSC et très actif bien que n’étant pas en classe unique, il fut celui qui réussit à implanter les Arbres de Connaissances pour quelques écoles du Rhône dans le centre informatique de St-Laurent de Chamousset (j’en ai déjà parlé). Dans le mouvement Freinet, Roger avait été celui qui avait instigué dans les débuts de la télématique, le réseau TRAFIC sur le serveur du CNRS de Lisle d’Abeau pendant que nous nous squattions de notre côté celui du Conseil Général de la Vienne et tous deux avions œuvré pour que les deux réseaux se rejoignent sur le serveur ACTI de Châtellerault. Roger a été pendant toute cette période l’homme à la clef à mollette informatique auquel nous faisions sans cesse appel.

Avant de partir à la retraite dans le sud de la France il avait très fortement participé à la conception de la nouvelle école qui devait remplacer les vieux bâtiments et à son nom : école Michel Serre.

 

(3) Claude Crozet

Claude était instituteur dans un IMP de Saône-et-Loire. Son apport sur les relations avec des enfants très difficiles a été aussi très important. Je me souviens comment il avait réussi à instaurer l’écrit par les enfants d’un journal interne à tout l’établissement. Il n’arrivait pas à les intéresser à ce type de communication. Un jour il fit lui-même comme un dazibao très coloré sur une grande feuille intitulée « mon journal » et demanda à des enfants d’aller l’afficher sur les portes des classes. Surprise ! Tout le monde allait voir et livre son œuvre. Au bout d’une ou deux publications, les enfants qu’il chargeait de l’affichage lui dirent alors « Tu n’as qu’à aller l’afficher toi-même, nous on va faire le nôtre ! » Et c’est ainsi que, sans qu’il n’ait eu à les pousser, les enfants de sa classe puis d’autres classes se sont mis à écrire leur journal et à lire celui des autres, dynamisant tout l’établissement. Cet épisode résume comment, sans les y contraindre, on peut dans une école du 3ème type induire l’utilisation des langages dont on attend que ce soit le rôle de l’école.

Lorsque les CREPSC sont tombés en sommeil, Claude qui en était le trésorier a maintenu à jour les documents financiers, de mon côté j’ai continué à me référer à eux lorsque j’écrivais ou intervenais, ceci dans le cas où un jour l’outil puisse resservir et que éventuellement les CREPSC ressurgissent… ce qui a fini par arriver.

Prochain épisode : Le Portugal et Rui D'Espiney -  épisodes précédents ou index de 1940-2021 – La lutte pour l’école ruraletous les épisodes  sur l’école et l’éducation

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