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Le blog de Bernard Collot
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19 septembre 2022

1940-2021 (145) – 1990 à 1996. Les télés dans nos classes uniques

Pendant toute cette époque, les télévisions et même les grandes chaînes sont venues flanquer leurs caméras dans beaucoup de nos classes uniques. On sait très bien que ce qui intéresse les médias c’est ce qui peut surprendre leurs publics parce qu’inusité ou spectaculaire. Du coup ils ne venaient pas comme si nous étions encore des diplodocus mais plutôt des martiens ! Cependant les équipes de tournage étaient très souvent emballées : pas étonnant, la plupart d'entre eux avait des enfants ! Ces émissions étaient généralement sympathiques, un peu comme un regret, parfois elles suscitaient l'envie, malheureusement sans provoquer le grand mouvement de protestation que nous en attendions.

Chaque fois pour nous, pour les enfants, pour le village c’était un événement. Je vais vous en narrer quelques-uns qui se sont déroulés à Moussac. Personnellement, j’avais déjà fait l’expérience de leur arrivée dans l’épisode de la radio-télévision-scolaire à Lantignié que je vous ai déjà conté. À Moussac il y en a eu plusieurs, chaque fois cela a été une aventure, souvent cocasse.

 « Ça vous regarde » sur la Cinq

 télé

 Une des premières ne concernait pas directement les enfants et le village et elle s’était passée à Poitiers. André Bercoff animait sur la Cinq l’émission quotidienne « Ça vous regarde ». Ce jour c’était au Futuroscope le thème étant la ruralité. L’émission était en direct, il y avait des invités qui faisaient le public et trois ou quatre placés sur le plateau qui étaient ceux qui allaient être interviewés par Bercoff puis questionnés par le public. Yves Jean, maire de Queaux et connu pour son implication dans la défense des petites écoles avait été officiellement invité, puis avait suggéré à l’équipe de production de m’inviter aussi dans le public. Curieux de voir comment se passait une émission, j’avais accepté.

J’arrivai seulement quelques minutes avant l’émission, déclinai mon identité à ceux qui contrôlaient les invités, lorsque je m’entendis dire :

- C’est seulement maintenant que vous arrivez ! Venez vite on va vous poudrer le visage.

- C’est quoi cette histoire ? Vous poudrez tout le monde ?

- Bien sûr que non, c’est seulement pour ceux qui sont sur le plateau pour éviter les reflets. On ne vous a pas prévenu ?

Et non ! On avait oublié de me prévenir que c’était moi qui allait être parmi ceux interrogés et je n’avais pas été briefé comme les autres par Bercoff.

Je me suis donc retrouvé sur le plateau sans savoir ce qui allait m’être demandé et qui plus est le premier. Bercoff devait être aussi embarrassé puisque sur sa fiche il n’y avait pas grand-chose me concernant. Il m’a donc été facile d’embrayer sur les classes uniques et il a assez vite perdu le contrôle parce que dans le public il y avait quatre ou cinq personnes qui n’arrêtaient pas de me faire rebondir et il a eu le plus grand mal à faire arrêter les questions pour passer à l’interlocuteur suivant. Cela n’avait pas été triste et le hasard a fait qu’une bonne partie de l’émission a fait parler des petites écoles et même de la pédagogie ! Comme quoi il ne faut jamais être trop préparé. L’équipe de production qui avait oublié de me prévenir et mit Bercoff dans l’embarras a poussé un grand ouf de soulagement, l’une d’entre eux m’a accroché avant que je ne m’en aille pour me remercier et s’excuser !

Les écoles en réseau

La première avec les enfants fut à l’occasion d’un documentaire réalisé par l’université de Rennes. Jean-Jacques Morne[1], directeur du département sciences en éducation, avait répondu à un appel d’offre européen pour réaliser un document audio-visuel qui devait être diffusé en direction des formateurs européens par l’intermédiaire d’un satellite dédié à l’éducation qui devait être lancé  (il n’y avait toujours pas internet). Il devait y avoir deux parties, l’une sur les écoles en réseau, l’autre sur les réseaux dans le domaine hospitalier. Pour la première il l’avait préparée avec Christian Derrien, un instituteur du Morbihan qui faisait un doctorat en sciences de l’éducation et Christian Légo. Une journée d’abord de tournage dans la classe de Christian à Rennes, puis une autre dans celle de Moussac, les deux classes échangeant déjà dans le réseau Freinet. À Moussac, sont venus également les deux Christian, Pierrick et un ou deux autres dont Bernard Monthubert, Châtellerault n’étant pas loin. Je vous ai déjà parlé de tous. Pendant qu’eux dans le bistrot de Monique discutaient de la partie discussion qui devait être tournée l’après-midi, l’équipe vidéo était dans la classe et c’est surtout comment cela a été réalisé qui n’a pas été tout à fait ordinaire :

C’était une jeune société de production rennaise qui devait le réaliser. Mais le budget dont elle disposait était serré et pas question pour elle de faire des repérages au préalable. Le réalisateur m’avait téléphoné auparavant pour m’expliquer son problème et qu’il faudrait que l’équipe puisse tourner des séquences, si possible dans l’ordre chronologique sans avoir à les recommencer pour que tout soit fait dans les deux heures de la matinée et sans avoir ensuite à faire un montage et trop de coupures coûteuses en temps. Avec les enfants nous avons alors fait comme un synopsis en prévoyant ce que le cadreur pourrait filmer en premier (la réunion décalée au matin où était discuté des messages reçus, entre autres ceux de Rennes, puis, suivant ce qui allait se passer en vrai dans la réunion, où devrait se trouver la caméra pour filmer ce qui se passait généralement ensuite sans que l’on sache par contre ce que ce sera ce jour. Le cadre était fixé, mais pas le contenu. Le jour du tournage, en deux heures la petite équipe avait mis dans la boite une bonne demi-heure du documentaire presqu’à ne pas être retouchée. Lorsque cela a été terminé, le réalisateur, le cadreur et l’éclairagiste ont tenu à remercier et féliciter tous les enfants de ce qu’ils leur avaient permis de faire qui aurait été impossible sans ce qu’ils avaient préparés comme des professionnels. Ceux-ci n’étaient pas peu fiers ! Moi aussi d’ailleurs : lorsque l’on sait comment se passe ce que l’on voit ensuite sur les écrans, on est beaucoup moins innocent !

Au fait, le documentaire n’a jamais été diffusé nulle part parce que le fameux satellite de communication dédié à l’éducation n’a jamais été lancé ! Mais il nous avait fait avancer sur notre réflexion collective.


[1] Jean-Jacques Morne avait été nommé directeur du département science en éducation de Rennes un peu parce qu’il n’y avait pas eu de candidature de professeurs d’université. C’était un personnage atypique dans le monde universitaire, quelque peu trublion et un bon vivant, très ami avec Christian Derrien et d’autres du mouvement Freinet. Je l’ai rencontré par la suite assez souvent à Rennes où Christan Derrien, Christian Légo, Pierrick Descottes me faisaient venir. Et ils me faisaient visiter les… crêperies et bars à bière bretons !

prochain épisode : Les dessous d'une émission. épisodes précédents ou index de 1940-2021 – La lutte pour l’école rurale

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