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Le blog de Bernard Collot
Le blog de Bernard Collot
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26 novembre 2022

1 996 à 2 021

1940-2021 : De 1996 à 2021

Dernière tranche de ma rétrospective. Fin de ma carrière d’instituteur.

Cette tranche sera divisée en deux parties. J’aborderai d’abord un peu plus mon parcours personnel parce qu’il éclairera quelque peu la seconde partie qui se situera plus dans le prolongement du thème général des précédents épisodes des luttes pour une autre école et une autre société.

J’ai beaucoup hésité parce que ma vie personnelle n’a en soi que peu d’intérêt, n’est que banale et j’y fais apparaître mon dernier fils et un peu sa mère, ce qui peut être gênant pour eux du fait de la publication sur mon blog. J’ai toujours craint l’exhibitionnisme. Je leur ai fait lire chaque chapitre les concernant afin d’avoir leur accord. Cependant beaucoup d’événements de cette vie ont alimenté ma réflexion sur l’éducation et la société. La vie ne cesse de vous apprendre.

Sur la société où l’on vit aujourd’hui, je n’apprendrai rien aux éventuels lecteurs puisqu’ils la vivent aussi. Je pense quand même que l’adjonction de regards avec un peu de recul peut être utile.

 

Trois ruptures et changement de décor

retraite2

Janvier 1996. Coup de téléphone de l’académie de Poitiers. C’est la direction du personnel.

- Monsieur Collot, vous êtes admissible pour prétendre à la retraite et vous ne nous avez pas encore indiqué ce que vous comptez faire.

La retraite ? Déjà ! Je n’y avais pas encore pensé. Il faut dire que je ne m’étais jamais trop situé sur l’échelle du temps de ma vie personnelle. J’ai largement été aidé par ma date de naissance : né un 25 décembre, j’ai échappé aux habituelles cérémonies d’anniversaire qui indiquent que tu dois faire une encoche de plus sur la crosse du temps passé : face au père Noël, tu ne fais pas le poids ! L’avantage : tu n’es pas préoccupé par ton âge lorsque tu n’as jamais attendu l’événement qui le marque.

Me voilà donc amené à prendre une décision imprévue… donc à cogiter ! Dans la classe c’était devenu un peu la routine. La routine, c’est confortable, mais je sentais plus ou moins confusément que je n’étais plus suffisamment attentif aux détails qui font qu’une dynamique s’étiole sans que tu t’en aperçoives. Et puis, si la demi-décharge me permettait de beaucoup plus me consacrer à la réalisation de la revue « École rurale, école nouvelle », de me déplacer dans de multiples endroits pour la défense de nos idées ce qui était je l’avoue assez excitant, par contre d’une part cela me prenait un peu trop la tête, d’autre part et surtout cela faisait subir hebdomadairement aux enfants une collègue qui avait du mal à s’inscrire dans le paradigme d’une classe unique de 3ème type.

Et puis mon couple venait de se rompre. Alors, pourquoi ne pas profiter de ce droit qui faisait des enseignants des privilégiés ? En une nuit ma décision fut prise. Le lendemain, je téléphonai au service du personnel pour lancer la procédure de fin de carrière. Dans l’administration il y a parfois des responsables qui se préoccupent de tes dossiers :

- Monsieur Collot, savez-vous que si vous prolongez de deux ans votre carrière vous atteindrez automatiquement le dernier échelon du nouveau statut des professeurs des écoles et le montant de votre retraite sera très fortement augmenté ?

J’étais effectivement encore officiellement un instituteur arrivé en bout des échelons à l’ancienneté, en restant encore je devenais professeur des écoles et franchissais les deux derniers échelons. Bof ! Vu que jusque là je m’étais toujours débrouillé avec ce que je percevais et vivais naturellement dans la « sobriété » devenue l’incantation d’aujourd’hui, je ne voyais pas pourquoi ne pas continuer. J’avais fini le service militaire comme deuxième classe, je finirai insit de deuxième classe ! Si l’obligation des salariés de descendre tous les matins à l’école ne m’avait jamais gêné, par contre j’imaginais que de ne plus en avoir d’autres que celle de s’alimenter devait être jouissif. Ma décision est facilement devenue définitive.

À cette rupture s’ajoutait celle de mon couple qui elle n’avait pas été brutale : j’avais simplement attendu que mes enfants devenus adolescents soient internes au lycée et que leur mère ait été réintégrée dans l’Éducation nationale. N’étant pas marié, pas besoin de divorce et la maison ayant été achetée à son nom, je partis donc une seconde fois les mains dans les poches comme on dit.

Et j’ai eu beaucoup de chances. À Moussac s’était établie une vieille institutrice, Léone Germano, retraitée qui avait été en poste au Maroc, sympathisante du mouvement Freinet, chez qui j’allais souvent boire le café. Lorsqu’elle apprit que je cherchais un logement, elle me mit en relation avec un autre couple de retraités qui possédaient une maison à Moussac où ils venaient rarement et qui, pour faire plaisir à Léone me la louèrent, quasiment symboliquement pour une bouchée de pain.

rupture

Il était impossible d’apercevoir de la route cette maison perchée au sommet du coteau bordant la rive gauche de la Vienne et située au fond d’une grande cour des bâtiments d’exploitation d’une ferme. Au rez-de-chaussée, refait à neuf et tout propre, deux chambres, une salle de bains, un vaste séjour-cuisine avec une cheminée, des radiateurs électriques… Je n’avais plus qu’à acheter un sommier et un matelas, une grande table de jardin en plastique qui devenait royale recouverte d’une nappe, des fauteuils de jardin en plastique avec quelques coussins, un petit frigo… et j’étais comme un prince ! Rajoutons une grande grange, des dépendances autrefois bâtiment d’élevage de cochons, un immense grenier sous une magnifique charpente où l’on pouvait imaginer aménager facilement plusieurs chambres ou pièces. Et ce n’était pas tout : sur l’autre façade de la maison une immense terrasse herbeuse où l’on pouvait facilement faire des matches de foot ou un grand jardin, dominant toute la vallée de la Vienne tout en restant invisible, avec un figuier produisant des fruits qui murissaient… Le rêve ! Si les circonstances l’avaient voulu, je serais probablement encore là-bas !

C’était bien la troisième rupture : je n’avais plus de corvée de bois à faire, de poêle à allumer, il suffisait de régler des radiateurs. Cela me faisait même bizarre, mais j’avoue que je me suis vite habitué à ce nouveau confort, comme quoi on s’habitue beaucoup plus vite à la facilité qu’à la fameuse sobriété à laquelle nous sommes, parait-il, condamnés aujourd’hui.

Tout cela aurait dû normalement me conduire à vivre autre chose que… l’école. Je ne dois pas trop savoir ce qui est normal !

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