Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Bernard Collot
Le blog de Bernard Collot
Derniers commentaires
17 octobre 2015

La domination adulte, un réquisitoire féroce

domination

S’il existe un ouvrage politique sur l’enfance, sans concession, cruel, voire effrayant, en explorant toutes les facettes, c’est bien celui-ci « La domination adulte, l’oppression des mineurs » Yves Bonnardel, éd. Myriadis

L’ouvrage est tellement dense que je ne peux qu’en extirper quelques impressions.

Vous êtes probablement de celles et ceux qui considérez l’enfant comme une personne, le respectez en tant que telle, pensez le laisser s’épanouir le plus librement possible dans les choix qu’il fait. Et bien, attendez-vous quand même à recevoir une claque à cette lecture !

On pourrait croire que Yves Bonnardel l’a écrit en 1968 ! En réalité dans un ouvrage quasiment exhaustif il balaie toutes les faces et toute l’histoire d’une domination qu’il met en parallèle avec toutes les dominations qui réduisent nos sociétés en dominants et dominés, dont en particulier celle des femmes. En ce qui concerne ces dernières il a peut-être fait l’impasse de leur situation aussi dominante dans leur statut particulier de mère. Parce qu’il s’agit essentiellement de la domination masculine subie par ceux placés dans le statut de mineurs.

Mais les dominateurs que sont en premier les parents, les éducateurs, même involontairement, ne sont en réalité que les relais d’une société avec ses institutions qui a besoin que s’intègrent comme naturels les rapports dominés-dominants pour perdurer en l’état, et il faut reconnaître que tout le livre en fait une démonstration éclatante.

Dans l’histoire particulièrement intéressante de cette domination, l’enfance n’a pas toujours été considérée comme une nature particulière et contingentée dans les âges d’un statut. Dans l’antiquité jusqu’au Moyen-âge le pouvoir paternel absolu s’étendait sur sa famille jusqu’à sa disparition. Yves Bonnardel décrit très bien comment l’Etat, monarchique ou républicain, a réduit peu à peu ce pouvoir en créant le statut de mineur encadré arbitrairement par une date appelée majorité, en légiférant le pouvoir parental et comment il devait s’appliquer. L’enfance devenait un statut. Le vrai parent des enfants est bien l’État (« les enfants appartiennent à la République avant que d’appartenir à leurs parents » Danton, séance du 2 fructose, an II)). A l’appropriation des enfants par les pères (j’ai un enfant, j’ai une femme, j’ai un esclave, j’ai un chien, j’ai une voiture), s’est substituée l’appropriation par l’État, en particulier à partir du XIXème siècle ; aujourd’hui peut-être encore plus qu’avant en capturant les enfants dès le plus jeune âge dans son école.

C’est bien sûr de par leur « nature » nécessairement « immature » que les enfants ne pouvaient avoir aucun pouvoir, devaient être sous l’autorité (puissance parentale), dans la dépendance permanente et totale, puis sous la protection des adultes et des États et devaient être « éduqués ». Même Rousseau, Kant le disaient ! La protection de l’enfance (celle comprise dans les âges décrétés) semblait bien avoir été un progrès, du moins nous devons être nombreux à le penser. Yves Bonnardel va certainement faire hurler les défenseurs des droits de l’enfant en décortiquant une convention qui finalement ne donne que peu de « droits » aux mineurs si ce n’est de les enfermer encore plus dans un statut. Il souligne d’ailleurs le sort particulier que l’on fait inconsciemment à ces dominés : on parle bien des droits DES femmes, des droits DES handicapés, mais on insiste pour parler des droits DE L'enfant ! Les enfants sont ainsi dépersonnalisés, déshumanisés, ne sont plus qu'une catégorie

Ce qui est très surprenant, c’est d’apprendre que, dans notre histoire, des mineurs se sont organisés pour protester contre la domination adulte. Si on connait bien les contestations de 68, on connait moins les révoltes lycéennes dès le début du XIXème siècle, le congrès de leur lutte en 1882, la grève des écoliers en Ecosse, Irlande et Angleterre en 1911 ou le mouvement de jeunesse allemand s’étendant jusqu’en Scandinavie et ayant compté jusqu’à 45 000 membres en 1914 et dont les manifestes en feraient frémir plus d’un aujourd’hui (« Camarades ! Nous sommes un dans la haine des institutions de cette vie et de ce temps. Nous demandons : qui est responsable de cette vie, de ces institutions, de cette culture ? (…) Les adultes ! »).

Encore plus étonnant, dans les années 1975 et dans une trentaine de pays du tiers-monde, en particulier en Amérique latine et en Afrique, se constituent des organisations d’enfants et d’adolescents travailleurs qui se prononcent explicitement contre la Convention Internationale des Droits de l’Enfant et pour le droit au travail mais contre leur exploitation. Leurs revendications sont parfaitement et implacablement argumentées. En somme, les adultes ont décidé le bien de ceux qu’ils maintenaient dans un statut de mineur en se gardant bien de les consulter.

Cette catégorisation systématique par âges apparaît surtout à partir de la naissance de l’ordre industriel. Les rapports entre un statut et l’ordre économique et politique sont évidents, on parle même aujourd’hui d’une prolongation de l’obligation scolaire jusqu’à 18 ans, le marché du travail ne pouvant les absorber avant.

L’auteur passe en revue la scientifisation de l’enfant qui peut alors justifier l’infantilisation : du juridique à la psychologie qui déterminent des normativités, élaborent la théorie des stades… en passant évidemment par la passion de l’éducation à partir surtout du XIXème siècle. L’éducationisme, dès Erasme, Rousseau ou Kant, qui résulte surtout à isoler l’enfant de la vie commune, pour pouvoir mieux en faire l’adulte que l’on suppose qu’il doit être. Depuis une cinquantaine d’années, Yves Bonnardel parle même de l’idéologie de l’éducation. Il s’agit bien de faire intégrer - internaliser - au jeune humain les obligations sociales de façon qu’il les actualise et reproduise lui-même. A propos de l’école, qui s’évertue à rogner toutes les potentialités de l’enfant, Yves Bonnardel apporte évidemment de l’eau à notre moulin. Il va même jusqu’à titiller l’éducation moderniste, humaniste « Laissez les contraintes informulées et faites que la liberté au contraire soit sans cesse proclamée, et vous obtiendrez de façon étonnante tout ce que vous voudrez ayant rendu votre victime réellement sans défense ». Ce n’est pas aussi politiquement incorrect qu’il y paraît quand on constate que les pédagogies modernes consistent aussi à obtenir des enfants ce que l’on veut d’eux avec une autorité devenant paternaliste,… et même qu’elles peuvent être utilisées par des sectes.

Ces capacités rognées, cette protection exacerbée, a bien sûr des conséquences que l’on connait bien ensuite sur l’état adulte : peur du jugement, de l’initiative, du risque, soumission aux chefs, etc. Je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec le livre de Michel Odent (« l’amour scientifié[1] ») qui n’étudie que le stade primal (gestation, naissance, première année) mais qui montre aussi comment les habitus et les comportements plus ou moins imposés par une société déterminent ensuite le type de société qu’ils font perdurer, même quand ladite société ne satisfait plus personne.

Le titre aurait pu être « La domination d’une société par la domination des enfants » !

Bien sûr il ne faut pas conclure de ce réquisitoire implacable mais salutaire sur la domination adulte dans laquelle nous avons tous une part de complicité qu’il ne faudrait plus s’occuper des enfants ! Il y a bien les interdépendances naturelles et propres à toute espèce animale, interdépendances un peu plus complexes dans les espèces sociales. Individuellement on peut aider le petit humain (je n’ose plus dire enfant !!) à devenir de plus en plus autonome, partie prenante et co-auteur de ces interdépendances. Le pouvoir sur les autres à transformer en pouvoir pour les autres, la liberté à permettre dans laquelle seule on peut construire et affirmer son identité…

Mais surtout, ce qu'il y a à retenir du livre, c'est que la domination adulte est un système social d'oppression qui reste à visibiliser en tant que tel pour qu'il puisse être combattu, qu'il faut attaquer politiquement, et pas seulement tenter d'amender dans notre sphère privée ou professionnelle.

Ce livre fait référence et cite de nombreux ouvrages et auteurs, dont en particulier Christiane Rochefort, John Holt, Christine Delphy, Catherine Baker, René Shérer, Alice Miller, Laurent Ott….


[1] Editions Myriadis

domination1

Commentaires
S
Bonjour je suis parent d'une petite fille de 6 ans inscrite au CP, son père est très souvent absent, la dernière fois elle ne l'a pas vu depuis 5 mois , et ce di mois de mai à début novembre , au retour de son père elle est devenue indisciplinée à l'école, n'écoute pas, et bavarde beaucoup , le jour de la photo d'école elle était absente , elle était malade, le jour de la remise de la photo ,les autres enfants ont eu leurs photos et le porte-clés qui va avec, mais pas elle alors elle s'est servie et elle a pris le beau porte-clés du maître qui était sur son bureau , avant la fin du cours le maître a repris ses clés à ma fille , et m'a mis un mot dans le cahier de correspondance , j'ai eu une discussion avec ma fille et son père et je l'ai reprise en main , le lendemain j'en ai reparlé au maître qu'il en a discuté aussi avec ma fille et que le sujet était clos , sauf que depuis elle est punie pratiquement 1 jour sur 2 , il l'a traité de menteuse, quand elle est embêtée dans la cour il be la croit plus et elle se fait punir même quand elle ne fait rien et le pire c'est qu'il y a 3 jours de ça il lui a remis son livret et lui a dit qu'il a mis dans livret que c'est une fille irrespectueuse et une voleuse en dépit de ses bons résultats , entre temps son père est reparti et malgré les efforts qu'elle fait ça ne change rien. Elle ne répond pas ne bavarde pas ne joue plus avec les autres enfants dans la cour de peur qu'ils ne lui mettent leurs bêtises sur le dos elle est devenue effacée pleur tout le temps , j'ai pris rendez-vous avec lui mais j'ai besoin de conseils, surtout s'il n'est pas réceptif et qu'il m'envoie balader. Merci à vous.
Répondre
M
Je me nomme Fabienne MUNIER grande est ma joie de partager avec vous mon expérience en effet mon mari a quitté le domicile conjugal depuis plusieurs mois suite à une petite dispute que nous avions eu en laissant à ma charge nos 2 enfants.Ma situation se dégradait de jour en jour puisque dans le même temps j'ai perdu mon boulot.Etant toujours amoureuse de lui et voulant qu'il soit aux côtés de nos adorables enfants j'ai pris contact avec le Marabout MOUSSA dont j'ai trouvé les contacts sur les Forums.J'ai été agréblement surpris du retour de mon mari 3 jour après les rituels qu'a effectué pour moi le Grand Maître MOUSSA, et ce n'est pas tout ma situation financière a changé positivement , j'ai trouvé un autre emploi et je suis bien rénuméré.Vous qui avez des problèmes sentimentaux , financiers, de santé, psychologique etc.................., je vous demande de contacter le Marabout MOUSSA pour etre satisfait.Voici ces contacts:<br /> <br /> E-mail: marabout.moussa@outlook.fr ou maraboutmoussa@outlook.fr<br /> <br /> Tél: 00229 98 92 87 19<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne chance à vous
Répondre
E
On entend en fait très souvent "le droit de la femme", "la liberté de la femme", notamment pour dénoncer les cultures non européennes... ça fait hérisser les poils.. mais aucun journaliste n'y prête attention.<br /> <br /> Ces propos sur un un système de domination me semblent extrêmement justes et on peut le voir tous les jours à l'oeuvre. Comme pour les femmes du Sud, main d'oeuvre à bas prix des multinationales et leur droit au travail, le fait de rester un enfant jusqu'à 18 voire 25 ans (c'est-à-dire non autonome et irresponsable et donc contrôlé) du fait de la scolarisation est énoncé comme une liberté et un progrès comparé aux sociétés où l'enfant souvent dès 7 ans est considéré comme un être responsable. Cela dit, ne tombons pas non plus dans le travers de certains auteurs des années 70 qui nie les besoins spécifiques des enfants qui ne sont pas tous ceux des adultes et la spécificité du petit d'homme comparé aux autres espèces qui a besoin de beaucoup plus de temps pour être autonome et qui a besoin d'un capitaine de navire avec un bon gouvernail avant de pouvoir prendre son propre bateau.
Répondre