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Le blog de Bernard Collot
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25 novembre 2015

Ecole démocratique ? Dynamique ? Sudbury ? De 3ème type ?

difference

La question m’est souvent posée : quelles différences y a-t-il entre ces dénominations ?

Je peux répondre que globalement il n’y en a pas : toutes se situent dans le même paradigme, une autre planète c’est d’ailleurs ce que veut exprimer « de 3ème type » en référence à « Rencontre du 3ème type » de Spielberg, ce que j’ai très souvent répété.

Toutes ont comme fondement d’une part le libre choix des enfants et des adolescents dans leurs projets, qu’ils soient d’apprentissage ou d’activité (pas de programme, d’évaluations, d’emplois du temps…), d’autre part l’autogestion du collectif par ces enfants et adolescents qui le constituent. Toutes incluent dans l’espace commun des enfants et ados de tous âges. Dans toutes, la position des adultes n’est plus celle de ceux qui dirigent ou imposent mais celle de ceux qui aident ou répondent à des demandes.

C’est plutôt dans leurs origines et leurs contextes d’application que se situent des différences :

- Les écoles Sudbury et les écoles démocratiques, sont nées d’une réflexion préalable, étatsunienne pour l’école Sudbury, européenne pour les écoles démocratiques, réflexion qui a débouché ensuite sur leur création.

L’école du 3ème type a été l’aboutissement d’un long tâtonnement expérimental dans quelques classes uniques publiques (avec comme points de départ les pédagogies Freinet et actives), sans qu’à l’origine il ait été prévu cet aboutissement, dont ensuite ont été tirés une théorisation et des fondements convergeant avec les fondements des écoles de Sudbury ou démocratiques.

Du fait que ce tâtonnement de plusieurs années ait eu lieu avec des groupes d’enfants de 3 à 11 ans, au lieu de nous attacher aux apprentissages formels et demandés (pédagogies), nous nous sommes attachés aux conditions permettant la construction des différents langages, considérés comme des outils neurocognitifs, s’effectuant dans l’informel (voir les nombreux billets, textes écrits à ce propos). C’est peut-être l’apport théorique un peu différent de celui de Sudbury et des écoles démocratiques mais complémentaire. Parmi ces conditions trois importantes : un environnement provocateur (en particulier de l’utilisation de tous les langages), la liberté des « être » et « faire » induisant la troisième condition, l’auto-organisation du groupe. Nous rejoignons entièrement les autres appellations.

- L’école Sudbury constitue un modèle (dans sa structure organisatrice répétée dans plusieurs écoles), peut-être à un degré moindre mais relativement semblable pour l’école démocratique. Elles peuvent se créer d’emblée à partir de ce modèle et peuvent le faire évoluer.

De par son histoire, dans ce que j’ai appelé une école du 3ème type nous avons beaucoup travaillé sur la transition qui permet de passer d’une école traditionnelle (1er type !) ou en pédagogie active (2ème type !) à une école du 3ème type en incluant les parents puis la population de son territoire. Il n’y a donc pas de modèle, l’école qui m’a servi de référence n’est qu’un exemple.

- Dans les écoles Sudbury ou démocratiques, les modalités démocratiques qui gèrent le groupe et lui permettent de fonctionner sont définies à l’avance. Dans une école du 3ème type nous privilégions plutôt la mise en place d’une structure dissipative permettant la communication, l’interaction et la réalisation des projets individuels ou collectifs parmi les autres, c’est de cette structure et de ce qui s’y fait que surgit une organisation avec des règles explicites et surtout implicites qui peuvent être différentes et surtout évoluer suivant les différents contextes, les différents vécus. D’où, au départ, un poids plus importante des adultes qui s’amenuise au fur et à mesure (cela s’explique aussi du fait que l’école du 3ème type s’est élaborée avec des enfants de 3 à 11 ans, sans adolescents).

- Dans les écoles Sudbury ou démocratiques, les parents ont fait le choix de ces écoles qui ne sont pas forcément dans leur proximité, ils sont appelés à s’impliquer mais la gestion de l’école est effectuée seulement pas les enfants, les adolescents et les permanents (ceux qui vivent dans un espace qui leur appartient).

Encore de par son histoire (classes uniques publiques), pour une école du 3ème type nous avons été amenés à étendre l’appartenance aux parents ainsi qu’au territoire de proximité (village). L’implication démocratique des parents et du village (et ses modalités) a été nécessaire pour rendre possible son existence (d’où encore les transitions indispensables tant qu’une autre culture ne s’est pas instaurée dans la communauté). Ce faisant nous incluions aussi la proximité comme condition qui ne concerne pas seulement les constructions cognitives et sociales (les dimensions de la proximité variant aussi suivant l’âge des enfants). L’espace éducatif est alors tout le territoire de vie des enfants qui devient aussi un espace démocratique dont l’école n’en est qu’une partie en osmose avec lui mais en est pratiquement l’instigatrice.(voir aussi la pédagogie sociale)

Disons que chaque fois une école du 3ème type est plus espace éducatif en devenir permanent qu’une école instaurée, une praxis dont la fin est sans cesse repoussée plus loin, mais nous nous reconnaissons parfaitement dans les écoles démocratiques, Sudbury, Dynamiques, autogérées... Il est vrai que cette praxis n’est plus possible dans l’école publique[1], ce qui fait que la plupart de ces écoles, nécessairement hors éducation nationale, peuvent difficilement inclure la proximité et étendre la culture démocratique à la collectivité territoriale. Pour cette dernière et au vu des événements qui se succèdent depuis des décennies, on peut dire que c’est dramatique.

Je considère donc que quelles que soient leurs dénominations et leurs références, toutes ces écoles vont dans le même sens, c'est-à-dire sont des espaces de vie mis à la disposition des enfants et adolescents. C’est pour cela aussi que des échanges entre leurs praticiens, entre celles et ceux qui y vivent et les font vivre, sont importants parce que tous sont encore des défricheurs. D’ailleurs, la communication interactive à l’intérieur de ces espaces comme avec l’extérieur est un de leurs fondements communs.

Deux espaces d’échanges interactifs où se retrouvent ces défricheurs

- Réseau pour une école libérée échanges sur sa liste de diffusion (voir ICI)

- EUDEC-France (échanges sur FB)



[1] Un nombre croissant d’enseignants de l’école publique tente de la faire avancer vers une école du 3ème type. Mais du fait des contraintes de l’Education nationale auxquelles ils sont soumis, des représentations des parents qui n’ont pu faire un choix, de la disparition des classes uniques qui constituaient le terrain le plus favorable, leurs avancées sont nécessairement limitées. Par contre leurs travaux et leurs échanges sont une forte contribution à ce qu’il y a à faire sauter, à transformer, à contourner pour lever les barrières qui empêchent l’école d’être autre chose que ce qu’elle est et faire admettre la fécondité des divers écoles démocratiques, Sudbury…

Commentaires
B
Je reproduis ci-dessous le commentaire de Eva sur FB qui m'a beaucoup touché parce qu'elle a saisi l'essentiel (entre autres l'espièglerie !) qui est la légèreté que tous ces enfants, en 40 années, m'ont aidé à comprendre l'importance, malgré toutes les pesanteurs que l'ont subi ou qu'on nous impose ou qu'on se crée... ou qu'on fait subir.<br /> <br /> ---------------------------------<br /> <br /> Parfois tout ça peut tourner au dogmatisme radical et s'éloigner du moteur de départ : la libre pensée et le monde des possibles... <br /> <br /> J'aime l'idée de Moussac, un lieu ouvert, en devenir, où on se mélange, où on peut faire aussi ensemble adultes et enfants (les adultes ne sont pas toujours des intervenants dangereux :)), où ça circule, et si on essayait ça?...<br /> <br /> <br /> <br /> Quand on lit ou on regarde les expériences de Moussac, c'est le mot espièglerie qui me vient à l'esprit, du côté des enfants et du côté de l'adulte. <br /> <br /> <br /> <br /> C'est cette complicité entre tous qui fait que ça marche j'ai l'impression, le joyeux, l'expérimental, le jeu... Comme quand je joue à cache-cache avec ma fille dans les rues de la ville! Une ouverture sur le monde... Bref, aujourd'hui j'en ai marre du "c'est comme ça et c'est tout" . Bises
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C
Belle façon de le dire<br /> <br /> "lorsqu'on a longuement réfléchi et anticipé avant, on est bizarrement beaucoup moins déstabilisé par l'imprévu puisqu'on s'y attend."
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B
On souvent besoin d'anticiper sur ce qui va se passer, peut se passer. C'est une prudence, en particulier dans une mise en route. Bien sûr cela ne se passe jamais exactement comme prévu, (y compris dans la vie personnelle ;-) . Mais j'ai remarqué souvent que lorsqu'on a longuement réfléchi et anticipé avant, on est bizarrement beaucoup moins déstabilisé par l'imprévu puisqu'on s'y attend. C'est un peu comme si on avait fait chauffer le moteur des neurones avant d'enclencher la première vitesse :-)
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C
C'est clair et passionnant, merci Bernard ! Je trouve dans ce que tu analyse de l'école du 3e type une valeur que je trouve importante, le "a posteriori" qui conduit à "la recherche permanente". En apprentissage hors école, j'ai cette sensation aussi. Chacun a des envies (enfants, adultes), on en parle et des organisations en découlent.
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B
Pour les écoles Sudbury, la meilleure réponse est celle que donne presque quotidiennement Ramin Farhangi et Marie Gervais sur leurs blogs et le blog de l'école dynamique ou encore sur la page d'EUDEC. On retrouve la même culture de la communication et de la réflexion permanente à partir de ce qui se passe au quotidien qu'il y avait dans ce qui a conduit à ce que nous avons appelé "école du 3ème type". Ils répondront mieux que moi, mais il me semble que je peux dire qu'ils S'INSPIRENT d'un modèle, celui-ci s'il est issu d'une réflexion en amont, c'est aussi forgé au quotidien (une quarantaine d'années) mais dans un contexte différent.<br /> <br /> Les contextes sont pour moi très importants pour comprendre ce qui peut apparaître comme différent.<br /> <br /> Il est évident qu'il y a une sélection involontaire du public dans toute école hors Education nationale, mais elle n'est pas due à une volonté de leurs créateurs (tous le regrettent).<br /> <br /> Mais que ce soit dans le privé où on peut aller (ou tenter d'aller) jusqu'au bout de ce qu'induisent les fondements, dans l'école publique où les contraintes limitent les avancées (par exemple je n'ai pu aller jusqu'au multi-âge de 4 à 17, 18 ans !), c'est bien au même changement de paradigme et pour le même paradigme que tous contribuent.
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