Rencontres du 3ème type… sur d’autres planètes, qu’il serait si facile de faire naître partout.
Des Cévennes à la Drôme
Alès.
C’était une des journées du "au coeur de l'enfance". Dans le cadre d’un magnifique parc ensoleillé, des stands, des ateliers pour enfants, deux grandes tentes pour des discussions toute la journée avec des conférenciers prétexte à échanger sur différents thèmes, et bien sûr des enfants, des parents partout. Il y a de plus en plus de manifestations semblables un peu partout. Je me suis toujours demandé pourquoi on n’y voyait jamais un élu. Au moindre comice agricole, à la moindre fête publique, et même dans les grands matches de foot (s’ils sont retransmis à la télé !) ils viennent s’y faire voir, surtout s’il y a un discours à faire. Là, on n’en voit jamais la queue d’un ! Et pourtant ils vous disent tous, surtout avant les élections, que l’éducation, l’école sont leurs priorités, que « les enfants sont l’avenir de la Nation », mais de là à venir voir ce que sont des enfants, à écouter tout ce monde dont ils disent qu’ils œuvrent pour son bien, ils ont bien d’autres choses plus importantes à faire.
Sous la tente où j’ai passé un certain temps, comme d’habitude nous avons beaucoup, beaucoup discuté. Je reprendrai dans un autre billet ce qui revient de façon récurrente et qui est revenu dans les deux autres points de mon parcours.
Montclus, école du Tourrihou.
Une petite merveille ! Comme d’autres petites écoles alternatives qui se sont installées dans de vieilles écoles publiques fermées (depuis 40 ans pour le Tourrihou) qui, très souvent dans ces petits villages, étaient d’anciens bâtiments d’habitation qui ne ressemblaient déjà pas à une école comme on a l’habitude de les voir avec leurs cases alignées le long de couloirs. Autrement dit des écoles qu’on peut habiter. Devant une grande terrasse ombragée avec des tables où l’on peut s’installer pour déjeuner ou faire n’importe quoi, des plantations expérimentales… En contrebas, par des escaliers de pierre une autre terrasse encore plus grande avec le poulailler, des cabanes, des coins d’outils,… des tas de choses ! Et aussi on peut y jouer au ballon ! Et derrière la verdure qui descend en cascade jusqu’à la Cèze. A tout moment on y voit des enfants.
Tout le rez-de-chaussée c’est le domaine des plus jeunes, à l’étage, transformé par les parents, c’est le domaine des plus âgés. C’est vaste, il y a plein de coins et de recoins qui ont une attribution suivant ce que les enfants ont besoin ou envie de faire. Il y a même un grand vieux tableau où l’on écrit… à la craie,… pas loin des ordinateurs.
Tranquillité (déjà une bonne trentaine d’enfants depuis l’ouverture il y a à peine deux ans), activités variées, on n’entend pas d’ordres ni injonctions, il y a des enfants partout, même les petits viennent faire des incursions chez les grands. Je me retrouve en pays de connaissance. Les deux adultes responsables du lieu (créé par quelques parents) ont la particularité d’avoir été enseignants dans l’école publique, des défroqués ! Emmanuel instit Freinet dans la banlieue parisienne, Cécile instite belge dans une école maternelle à Bruxelles. Ce qui me frappe c’est aussi leur tranquillité, manifestement ils sont bien dans leurs pompes, bien dans ce qu’ils font, bien avec les enfants.
Ce qui m’a également frappé, c’est la tranquillité des parents, peut-être plus qu’ailleurs encore. Lorsqu’ils amènent ou viennent chercher leurs enfants (tous viennent d’ailleurs sauf une famille australienne qui est venue s’installer à Montclus , en face de l’école, parce qu’il y avait cette école et une autre enfant du village ), c’est une immense famille qui se retrouve et qui anime ce minuscule village sous son vieux donjon. Nous avons passé l’après-midi à discuter avec tous les parents. Je vous en parle dans le prochain billet.
Qu’est-ce qu’il resterait à faire ? Que l’école redevienne l’école du village qu’elle a été autrefois, très différente, certes, mais depuis quarante ans le monde a changé. Pour l’instant la mairie demande une location qui grève le budget (dont deux salaires et demi), et bien sûr la participation des familles. Dans d’autres de ces anciennes écoles communales réinvesties par des écoles alternatives comme par exemple à Pérignac ou à Pouges dont je vous ai récemment parlé, les maires offrent carrément les locaux et le matériel. Il suffirait d’arriver à une quasi gratuité (au moins pour les familles des communes), non seulement dans l’intérêt des enfants, dans ce qu’ils ramènent de vie, mais aussi dans la revitalisation de ces lieux : un nombre de plus en plus grand de familles cherchent, comme la famille australienne de Montclus, un village où il y ait une école semblable pour s’y installer et engager une nouvelle vie. Tous les maires ruraux qui se plaignent de la désertification, souffrent de voir leur commune mourir à petit feu, devraient y penser. Le développement durable par les enfants, par des écoles différentes, ce n’est pas une utopie (autre exemple le maire qui a revitalisé son village en faisant de l’école publique une école Montessori). Peut-être que l’État devrait aussi y penser, mais ça, c’est de l’utopie ! Chacun sait qu’un État ça ne pense pas !
Sous le billet je vous mets quelques photos de Montclus (en réalité il y a plein d’enfants dans chacune mais j’ai évité qu’on les voie ou qu’ils soient reconnaissables)
A Crest, chez Coopcinelle.
C’était la troisième fois que j’y allais et je vous en ai déjà parlé. Mais dans le prolongement de la réflexion précédente :
Cela fait la seconde année de coopcinelle… et son troisième lieu provisoire ! Le problème de beaucoup, les locaux ! Là où ils sont actuellement, il fallait vraiment ne pas vouloir abandonner pour se résoudre à y passer quelques mois. Coopcinelle est donc à la recherche de nouveaux locaux pour enfin respirer à la rentrée prochaine.
Ces locaux, ils les avaient trouvés : un lieu tout à fait improbable. En plein milieu de la campagne drômoise, une très grande ferme dont une partie était toujours une ferme (bio évidemment !) et l’autre partie transformée en… cabaret, le cabaret des Ramières. Mais tous les parisiens ne pensez pas à vos cabarets ! Le cabaret des Ramières c’est un cabaret… improbable, où se retrouvent, seulement les WE, tous ceux qui aiment discuter de musique, de poésie, d’écologie, écouter un concert où vous ne verrez jamais un Johnny Halliday, où simplement passer un moment convivial dans un environnement délicieux. Et, derrière, une maison avec un immense jardin, des arbres… dont le propriétaire était prêt, et même enchanté de la louer pour une école. D’ailleurs tout le monde était enchanté de voir arriver des mômes, le propriétaire, le fermier, les deux frères créateurs du lieu… et probablement les poules qui picoraient partout aussi.
Qu’est-ce qui a empêché que cela se fasse ? Le maire ! Désolé pour les enseignants, mais c’est un ancien prof ! Il a cherché tous les prétextes possibles, tous récusés par le service juridique du rectorat lui-même, pour finalement arriver à interpréter un article du plan d’occupation des sols pour y mettre son véto. Son école publique, size bien loin, ne courrait aucun risque, toutes les familles de Coopcinelles venant de la région et remplissant déjà plus que largement l’école. L’alternatif, c’est effrayant, surtout s’il devient contagieux !
Rassurez-vous, un maire d’un autre petit village est lui enthousiasmé et Coopcinelle pourra enfin s’établir durablement dans une autre de ces écoles tristement abandonnées du fait d’un État aveugle.
Quelques images de Montclus