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Le blog de Bernard Collot
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12 juillet 2019

Rencontre de Sault Brénaz

sault-brenaz2Il y a longtemps que j’attendais de voir enfin ensemble des profs du public, des profs de l’alternatif (hors contrat), des parents déscos (unschooling), des parents, ouverts les uns aux autres.

Ils l’ont fait !

C’était la rencontre autogérée de Sault Brénaz (une quarantaine de personnes avec les enfants). C’est peut-être parce qu’il y avait cette diversité des situations qu’elle a été une des plus riches auxquelles j’ai pu assister. C’était comme s’il y avait eu trente fusées en route vers l’autre planète (rencontres du 3ème type !). Aucune n’avait besoin de faire chauffer les moteurs mais certaines venaient de décoller, d’autres avaient lâché le premier étage, d’autres en étaient au second ou au troisième, d’autres étaient déjà en orbite prêtes à l’alunissage et pas loin de la sortie dans l’apesanteur. Il y en avait même une trente et unième, celle de la dizaine d’enfants de tous âges, mais eux il y a longtemps qu’ils y étaient déjà sur cette planète et ce n’était pas les moins intéressants à observer.

Cette rencontre me faisait aussi penser à l'effervescence d'un bureau de la NASA où tous ces pilotes de fusées potassaient ensemble les diverses trajectoires prises par les uns et les autres, s’expliquaient les fonctionnements des différents engins dans lesquels ils étaient embarqués, les bricolages qu’ils effectuaient, les points délicats qu’ils avaient rectifiés… et les surprises comme les merveilles déjà rencontrées au cours des différents voyages interstellaires.

J’ai été vraiment impressionné par l’intensité et le niveau des échanges, des écoutes, des questionnements. Comme le remarquait un des participants, personne ne parlait pour s’écouter mais tous s’écoutaient.

Il est vrai que toutes les interventions décrivaient du factuel, du factuel précis, détaillé, qui n’avait pas besoin de se référer à de grands principes mais d’où surgissaient des évidences qui n’en prenaient que plus de force. Ce n’est pas de la philosophie que découlent des pratiques, mais des pratiques, de ce qu’elles permettent ou ce à quoi elles se heurtent qu’émerge de la philosophie. Socrate plutôt qu'Aristote ! D’ailleurs beaucoup d’entre eux échangeaient déjà au cours de l’année dans la liste de diffusion « pratiques ».

L’observateur que j’étais et qui n’avait qu’à se promener dans la rencontre pouvait voir physiquement sur les visages à quel point les paroles des uns résonnaient dans le factuel des autres et comment les questionnements des autres résonnaient dans le factuel de celui à qui ils étaient adressés. Même si on ne suivait pas ce qui se disait, c’était magnifique.

Mais ce qui a rendu cela possible, c’est bien sûr l’autogestion du groupe. Comment on s’organise ? C’était la troisième rencontre dans le même lieu. Comme dans une classe unique il y avait des anciens et des nouveaux, c'est-à-dire que les nouveaux rentraient déjà dans une histoire qu’ils allaient quelque peu modifier du simple fait de leur présence. Dans tout démarrage, en particulier quand la durée va être limitée (4 jours pleins), il faut un cadre sommaire qui en même temps ne soit pas contraignant. L’ébauche en avait été faite lors de la première rencontre, modifiée au cours de la suivante, c’est à partir de cette dernière dont les anciens connaissaient les avantages et les défauts que fut discuté et élaboré collectivement le lundi soir le cadre souple qui allait permettre la vie de tous (y compris manger et dormir !) dans les objectifs et les envies qui les avaient fait venir passer quelques jours ensemble. Ce qui était impératif : aucune obligation ! C’était dans la réunion matinale quotidienne que pouvait se modifier ce cadre suivant ce qu’il avait permis ou pas permis (entre autre l’intendance) mais surtout c’était là que s’exprimaient besoins et envies. Je ne m’étendrai pas sur l’organisation de cette autogestion (on pourra la retrouver lorsque le groupe aura fait le bilan) mais il y avait aussi quelques outils pratiques inventés et améliorés lors des rencontres précédentes  (comme les languettes affichées qui indiquaient ce qui était proposé par les uns ou les autres et qui allait se passer dans tel ou tel lieu… pour ceux qui voulaient (on pouvait aussi ne rien faire, faire la sieste, emmener des mômes à la piscine,…). L'art de faire se structurer l'informel. L'art aussi de faire naître et d'aider une structure à naviguer en étant invisible (les deux ou trois personnes qui chaque année préparent et cogitent sur la faisabilité de la rencontre)

Le promeneur que j’étais pouvait ainsi observer et écouter une dizaine dans une salle, un cercle de cinq ou six à l’ombre d’un arbre, deux par ci sur un banc, deux par là au bord du Rhône, un ou une seul(e) lisant un des ouvrages apportés par les autres ou écrivant (il y avait beaucoup de cahiers d’écoliers dont les pages se noircissaient et bien sûr les portables sur lesquels ça pianotait dur !), ou rêvant, ou dans la position du lotus… Il y avait aussi, en particulier en soirée, les fans de jeux de société... ou comment on détourne un jeu !

Et il y avait les enfants et un ou deux adultes qui, comme disait Robin, ne surveillaient pas, n’animaient pas mais bien veillaient ! Ces enfants, de 3 mois à 8 ans, libres, étaient étonnants individuellement bien sûr mais surtout collectivement et j’ai ainsi pu assister stupéfait à l’autogestion naturelle d’un petit groupe de 5 à 8 ans à partir d’un  livre jeu proposé par Colombe, une jeune maman, livre qui demandait sans cesse de faire des choix pour aller à une page, choix collectifs puisqu’ils étaient plusieurs. Je ne pouvais m’empêcher de penser à nous adultes qui n’avons pas encore trouvé de procédés vraiment simples quand il s’agit de prendre une décision qui satisfasse tout le monde. Quand ils n’étaient pas d’accord, ces enfants inventaient des procédés pour se mettre d'accordt… jusqu’à « pierre, feuille, ciseaux »… et personne ne se vexait !!!

S’il est certain que tous ont beaucoup emmagasiné pendant ces jours (ils l’ont dit), il serait dommage que ce qui a émergé de tous les thèmes abordés ne soit pas mémorisé quelque part, communiqué. Ce que Michel AUTHIER (créateur et concepteur avec Pierre LEVY des « arbres de connaissance ») appelait la « capitalisation des ressources et richesses humaines (celles qui n’ont pas pour but le profit !) au profit d’une communauté et de chacun de la communauté ». On peut alors s’appuyer sur ce qui a émergé dans un moment collectif et quelque part pour en faire émerger encore d’autres choses à d’autres moments, en d’autres lieux, avec d’autres… et les communautés s’étendent.

Dans le bilan fait par chacun en fin de rencontre devinez quel est le mot qui a été le plus prononcé ? Enfin LIBRES ! Parfois la surprise de la découverte de la fécondité qu’avait été la liberté.

PS : la rencontre a lieu chaque année dans un gite de l’espace « eau vive » dans l’île de La Serre entre deux bras du Rhône. Il y a, entre autre, une réputée et impressionnante rivière artificielle créée avec l’eau du barrage de Sault Brénaz où l’on peut faire du canoé, du kayak, du raft, de l’hydrospeed… C’est avec ces espèces de planches qu’une dizaine de participants à la rencontre, bien casqués et palmés, ont fait un homérique parcours bouillonnant !

sault-brenaz3

petit résumé en vidéo de 3 mn https://youtu.be/DajcPwPMiAc

 

Commentaires
C
Bonjour Bernard, quel régal de te lire. En même temps, lorsqu'on s'est détaché des chaines, on n'a plus besoin d'évoquer la liberté ou de la revendiquer ou de faire des choses en réaction, elle devient un fondement sous-jacent et on passe à la vraie vie.<br /> <br /> Bien à toi<br /> <br /> Claudia
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R
Autrement dit : lorsque les instits vivent librement, ils adorent ça, et imaginent de permettre la même chose à leurs enfants. <br /> <br /> Quelle idée... simplexe !
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R
En expérimentant eux-même une grande liberté, les adultes se défont petit à petit de leur programme "Je dois", et reviennent à l'équilibre qu'incarnent les jeunes enfants, présents.<br /> <br /> <br /> <br /> Dans ce qui est à prendre,<br /> <br /> C'est ce qu'on prend,<br /> <br /> Qui un porte.
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