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Le blog de Bernard Collot
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6 septembre 2019

Pas toucher à l’école ! C’est quand qu’on va se réveiller ?

 

gilets-jaunes

 L’existence et la finalité de l’institution-école et du système éducatif ne sont jamais et n’ont jamais été remises en cause par tous les partis politiques, de quelque bord qu’ils soient, pas plus que par l’immense majorité des intellectuels qui ont pignon sur rue dans les médias. On commence, et en grande partie grâce aux Gilets jaunes, à remettre en cause les systèmes économiques, sociaux, financiers, politiques… du bout des lèvres le système agricole, mais le système éducatif est soigneusement ignoré.

Tous les ministres de l’Éducation nationale peuvent faire pratiquement n’importe quoi sans que l’opinion publique ne bronche en dehors un peu du monde enseignant qui renâcle parfois sans que sa contestation soit vraiment claire et jamais radicale.

Il est par exemple incroyable que l’accentuation majeure de l’emprise de l’école depuis la création de l’école publique obligatoire, l’école obligatoire à partir de 3 ans, n’ait provoqué aucune interrogation, aucune discussion, aucune critique, aucune protestation dans l’opinion publique, chez les parents ou dans le monde enseignant. On n’a même pas entendu les pédagogues patentés, les experts en psychologie, en développement de l’enfant, émettre la moindre réserve. Et pourtant depuis 1882, il n’y a jamais eu une telle transformation de l’obligation scolaire dont les conséquences n’ont été abordées par personne.

Certes, les critiques à l’égard de ce qui se passe dans l’école ne manquent pas. Mais on se contente et on dépense aussi beaucoup d’énergie à voir comment on peut pallier à ce que provoque l’école, comment on peut atténuer ses conséquences, améliorer son… efficacité, sans trop se demander « efficace en quoi ? » ! On brandit la bienveillance et le ministre Blanquer de l’asséner comme la potion magique : il est évident qu’un « bon maître » qui soigne bien ses esclaves obtient un bien meilleur rendement d’eux que celui qui les pressure, les épuise et les nourrit mal. La « bienveillance » (donner l’impression qu’on vous aime bien), et non pas la bien-veillance (bien veiller), est devenue le meilleur moyen pour faire accepter toutes les soumissions, tous les esclavages modernes, elle est de plus en plus prônée dans les grandes entreprises… pour vous licencier… avec bienveillance.

On ne peut plus compter les livres, les stages, les formations, les conseils pour « lutter contre l’échec scolaire », « comment faire réussir ses enfants à l’école », « comment faire aimer l’école », « éduquer à la bienveillance », « aide aux devoirs », « école des parents », etc., etc. Plus l’école va mal et plus les enfants y sont mal et plus on dépense de l’énergie pour que ces enfants s’y adaptent, et plus cela sécrète du bizness, plus cela fait augmenter… le PIB ! Sans parler des méthodes et de leurs chantres.

La réussite, la réussite, la réussite… une course insensée pour réussir quoi ? Sa vie avant de la vivre ? Sa position future dans la hiérarchie sociale ? Même pas, l’obtention des bouts de papier qui témoigneraient d’une réussite ne l’assure même plus. Non, c’est la réussite dans l’exécution de ce qui est demandé, dans ce qu’on attend des enfants et dans ce qu’on attendra d’eux plus tard.

Le sociologue Bernard Lahire dans son dernier livre « Enfances de classe – De l'inégalité parmi les enfants » (seuil) démontre que l’école seule ne résoudra pas les inégalités. Très bien de considérer comme il le fait l’amont de l’école, mais ce ne doit pas être une découverte pour beaucoup ! Bourdieu avait lui décortiqué l’école fabrique de la reproduction sociale en tant que simple outil institué de reproduction des inégalités existantes. Tout le monde sait (ou devrait savoir) que l’Institution-école est une machinerie qui n’a jamais été conçue pour réduire des inégalités.

C’est comme demander à Monsanto, Bayers et Cie de bien rester en place pour réduire la production des pesticides, OGM et autres babioles ! Mais ils vous disent et on les a crus que c’est pour réduire la faim dans le monde, peu importe si manifestement cela conduit à la fin du monde.

C’est quand qu’on va se réveiller ?

Voir la série de billets "école et société"

Commentaires
C
Personnellement, je ne trouve pas l'analogie avec l'agriculture biologique pertinente : les agriculteurs bio des années 70/80 avaient leurs pairs comme pression, les instituteurs ont une hiérarchie qui peut leur imposer une pédagogie et un mode de fonctionnement. Ca change tout. Et l'agriculteur/éleveur peut contrôler beaucoup plus de paramètres qu'un professeur qui devra composer avec le milieu social des enfants.<br /> <br /> Je ne jette pas la pierre à ceux qui montent des écoles alternatives, il sauvent littéralement des vies. Et comme vous dites, font passer des idées. A une échelle locale, la démarche est plus que pertinente. Reste que je m'interroge sur les conséquences des multiplications des écoles hors contrat, parfois confessionnelles (je pense aux écoles catholiques un peu extrémistes parfois), à une échelle plus globale. J'ai l'impression qu'elles favorisent les ségrégations plus qu'elles ne les transcendent. Et je n'ai jamais dit que toutes les écoles alternatives concernaient des nantis. Juste que dans les "quartiers" il n'y en avait pas beaucoup.<br /> <br /> Et toute la question est là : ok, admetttons qu'elles favorisent une évolution de l'opinion d'un certain public, mais est ce que cette opinion publique fera changer les choses???
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C
Il n'y a pas beaucoup d'écoles alternatives dans les quartiers les plus populaires. Alors certes, elles ont le mérite de montrer des alternatives à certains groupes sociaux, mais elle en laisse pas mal sur le carreau.<br /> <br /> Et je trouve que si l'État encadre de plus en plus les écoles hors contrat, c'est aussi pour entériner une sorte de privatisation de l'éducation nationale par les usagers eux mêmes. Certaines écoles hors contrats sont même remboursées en partir par les aides de l'État, sans que le modèle ne soit reproduit gratuitement pour les plus démunis (voir le Cerene, école hors contrat spécialisée pour les enfants avec des troubles des apprentissages, remboursée à 75% par la MDPH... "seulement" 4000 euros encore à charge pour les parents) . Si l'État s'inspirait et democratisait ces modèles, ils auraient peut être un intérêt autre que le seul bien être des enfants qui en bénéficient. Au lieu de ça, elles participent à la course du chacun pour soi dans un monde qui va mal, le tout favorisé par l'Etat qui y voit un moyen de se dédouaner de ses obligations. Puisque les gens s'organisent bien tout seuls (et tant pis pour ceux qui n'en ont pas les moyens), encadrons pour ne pas que ce soit trop subversif, et basta.
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C
Ok, l'école est inégalitaire et ségrégative, mais quelle autre source d'émancipation pour les enfants? Autant l'école me parait sclérosante et abrutissante, un outil formidable pour transformer nos enfants en petits soldats du capitalisme, autant je ne sais pas proposer autre chose pour favoriser l'émancipation des jeunes de leur milieu familial/social. <br /> <br /> Parce que voir fleurir les écoles hors contrat alternatives ne me rassure pas : elles renforcent la ségrégation et c'est tout. <br /> <br /> Et l'IEF à ses limites en terme d'émancipation sociale et familiale, et par ailleurs le repli du chacun pour soi, à un degré encore accru par rapport aux écoles alternatives, me gêne.<br /> <br /> Transformer l'école? je n'y crois plus...<br /> <br /> Bref, je suis réveillée, mais le cauchemar continu, parce que je me sens bien impuissante...
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