Pas toucher à l’école ! C’est quand qu’on va se réveiller ?
L’existence et la finalité de l’institution-école et du système éducatif ne sont jamais et n’ont jamais été remises en cause par tous les partis politiques, de quelque bord qu’ils soient, pas plus que par l’immense majorité des intellectuels qui ont pignon sur rue dans les médias. On commence, et en grande partie grâce aux Gilets jaunes, à remettre en cause les systèmes économiques, sociaux, financiers, politiques… du bout des lèvres le système agricole, mais le système éducatif est soigneusement ignoré.
Tous les ministres de l’Éducation nationale peuvent faire pratiquement n’importe quoi sans que l’opinion publique ne bronche en dehors un peu du monde enseignant qui renâcle parfois sans que sa contestation soit vraiment claire et jamais radicale.
Il est par exemple incroyable que l’accentuation majeure de l’emprise de l’école depuis la création de l’école publique obligatoire, l’école obligatoire à partir de 3 ans, n’ait provoqué aucune interrogation, aucune discussion, aucune critique, aucune protestation dans l’opinion publique, chez les parents ou dans le monde enseignant. On n’a même pas entendu les pédagogues patentés, les experts en psychologie, en développement de l’enfant, émettre la moindre réserve. Et pourtant depuis 1882, il n’y a jamais eu une telle transformation de l’obligation scolaire dont les conséquences n’ont été abordées par personne.
Certes, les critiques à l’égard de ce qui se passe dans l’école ne manquent pas. Mais on se contente et on dépense aussi beaucoup d’énergie à voir comment on peut pallier à ce que provoque l’école, comment on peut atténuer ses conséquences, améliorer son… efficacité, sans trop se demander « efficace en quoi ? » ! On brandit la bienveillance et le ministre Blanquer de l’asséner comme la potion magique : il est évident qu’un « bon maître » qui soigne bien ses esclaves obtient un bien meilleur rendement d’eux que celui qui les pressure, les épuise et les nourrit mal. La « bienveillance » (donner l’impression qu’on vous aime bien), et non pas la bien-veillance (bien veiller), est devenue le meilleur moyen pour faire accepter toutes les soumissions, tous les esclavages modernes, elle est de plus en plus prônée dans les grandes entreprises… pour vous licencier… avec bienveillance.
On ne peut plus compter les livres, les stages, les formations, les conseils pour « lutter contre l’échec scolaire », « comment faire réussir ses enfants à l’école », « comment faire aimer l’école », « éduquer à la bienveillance », « aide aux devoirs », « école des parents », etc., etc. Plus l’école va mal et plus les enfants y sont mal et plus on dépense de l’énergie pour que ces enfants s’y adaptent, et plus cela sécrète du bizness, plus cela fait augmenter… le PIB ! Sans parler des méthodes et de leurs chantres.
La réussite, la réussite, la réussite… une course insensée pour réussir quoi ? Sa vie avant de la vivre ? Sa position future dans la hiérarchie sociale ? Même pas, l’obtention des bouts de papier qui témoigneraient d’une réussite ne l’assure même plus. Non, c’est la réussite dans l’exécution de ce qui est demandé, dans ce qu’on attend des enfants et dans ce qu’on attendra d’eux plus tard.
Le sociologue Bernard Lahire dans son dernier livre « Enfances de classe – De l'inégalité parmi les enfants » (seuil) démontre que l’école seule ne résoudra pas les inégalités. Très bien de considérer comme il le fait l’amont de l’école, mais ce ne doit pas être une découverte pour beaucoup ! Bourdieu avait lui décortiqué l’école fabrique de la reproduction sociale en tant que simple outil institué de reproduction des inégalités existantes. Tout le monde sait (ou devrait savoir) que l’Institution-école est une machinerie qui n’a jamais été conçue pour réduire des inégalités.
C’est comme demander à Monsanto, Bayers et Cie de bien rester en place pour réduire la production des pesticides, OGM et autres babioles ! Mais ils vous disent et on les a crus que c’est pour réduire la faim dans le monde, peu importe si manifestement cela conduit à la fin du monde.
C’est quand qu’on va se réveiller ?
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