Élèves !
Vous avez certainement remarqué que, chaque fois que l’on parle d’école, on ne parle pas des enfants obligés de s’y soumettre mais d’élèves. Même dans les milieux les plus militants, les plus révolutionnaires, il s’agit toujours de ces objets indéfinissables mais qui ainsi tous dénommés identiquement ne se distingue pas les uns des autres. Qu’est-ce qu’il y a dans les cases CP, CE1… et même aujourd’hui dès la case maternelle ? Des élèves ! On les distinguera un peu par seulement deux qualificatifs : bons ou mauvais élèves.
Un élève c’est quelque chose qui doit être élevé, placé à un niveau supérieur, dit le dico. Évidemment on ne peut lever plus haut sur les rayons d’une étagère que des objets.
Ce qui doit être élevé a besoin… d'éleveurs. Élever c’est aussi faire… de l’élevage dit encore le dico : élever des animaux. Pour les plantes on dira plutôt cultiver. L’élevage ou la culture sera fonction de ce que l’on veut obtenir : de la quantité, du bas prix, du conforme à la demande, aux marchés, à ce que l’on veut faire consommer, à ce dont les systèmes économiques et financiers ont besoin… (le bio trouble passablement ces systèmes comme le font les pédagogies ou écoles alternatives pour le système scolaire).
Serai-je à côté de la plaque avec ces comparaisons idiotes ? Quelle différence voyez-vous entre une stabulation de bovins, une batterie de porcs ou de poulets, entassés, triés suivant leurs stades de croissance avec distributeurs automatiques de granulés programmés …, et une école, avec ses cases et ses élèves entassés, alignés, triés par âge, avec distribution programmée de granulés qu’on fera croire qu’ils sont des savoirs ? D’accord, ces derniers « élevés » ne sont pas abattus une fois élevés… mais ils seront quand même mangés par le truc inventé qui s’appelle économie... ou jetés dans des rebuts aux appellations diverses.
Plus tard, cet élève, il sera quoi ? Un OS, un smicard, un employé, un fonctionnaire, un cadre, peut-être un énarque… un chômeur. Un autre objet rangé avec d’autres objets du même nom, rentrant dans des tableaux Excel, pouvant au gré des besoins être déplacés dans d’autres cases, voire à être renommés… chômeurs (sauf pour les objets énarques !).
Il est vrai qu’il est bien plus pratique d’avoir affaire à des élèves qu’à des enfants, des ados ou de jeunes adultes. La chaine industrielle scolaire ne peut que « manipuler » et « fabriquer » des objets comme plus tard la machine économique et ses « marchés du travail » (marchés d’esclaves).
Qui que vous soyez, enseignants, inspecteurs, politiques, ministres, pédagogues (de salon !, essayez de remplacer chaque fois dans vos propos, vos circulaires, vos décrets, vos lois… « élève » par « enfant ». Vous verrez alors ce qu’est votre école.
Par exemple, quelques extraits de circulaires :
Est-ce qu’on oserait faire un fichier qui ne s’appellerait pas « base-élèves » mais base-enfants ? - Le problème qu’est « le rythme scolaire des élèves » n’apparaitrait-il pas stupide et insoluble dans cette école si c’était le rythme des enfants ? - « Les obligations des élèves, définies par l'article L. 511-1 du code de l'éducation incluent l'assiduité » n’apparaitraient-t-elles pas comme carrément fascisantes si c’était les obligations de l’enfant ? - « Les modalités pratiques d'accueil et de remise des élèves sont rappelées par le règlement intérieur de l'école » : c’est vrai qu’il faut « rendre » l’objet élève à ses parents, il ne redeviendra qu’après enfant ! - « La radiation de l'élève… » : oui, parce que radier un enfant ça ferait plutôt génocide ! - « Favoriser un accompagnement adapté aux besoins des élèves » : si vous mettez aux besoins des enfants… l’école est fichue ! Etc., etc., etc.
Mais tout est dit là : « L'inscription à l'école maternelle implique l'engagement, pour la famille, d'une fréquentation régulière indispensable pour le développement de la personnalité de l'enfant et pour le préparer à devenir élève. ». Aujourd’hui, c’est à 3 ans que cela commence et qu’il faudra cesser d’être un enfant.