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Le blog de Bernard Collot
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7 juillet 2021

Naturisme

vieux

La chaleur allant peut-être revenir, j’ai envie de vous parler de... naturisme ! Cela peut paraître hors du sujet général de ce blog, et pourtant… Il faut savoir que Élise Freinet était naturiste et faisait pratiquer une forme de naturisme aux enfants de l’école Freinet de Vence (en particulier dans la piscine). Moi-même ai été naturiste et impliqué dans un mouvement naturiste ! Vous verrez alors que je ne m’éloigne pas tellement du domaine de l’éducation.

Le naturisme a une histoire et a généré quatre mouvements naturistes à la philosophie fort différente.

Le premier mouvement naturiste est né en Allemagne dans les années 1920 et s’est développé ensuite en France sous l’instigation de Kienné de Mongeot dans les années 30. On peut dire que c’était un naturisme très aristocratique, certains ont même pu dire qu’il flirtait quelque peu avec ce qui est devenu le nazisme. Il sacralisait plus ou moins le corps, le beau corps. Il imposait des règles de vie strictes (exercices physiques, alimentation). Ses lieux privés étaient souvent des châteaux. La nudité n’était pas constante et les vêtements portés dans leurs lieux de séjour tendaient à se rapprocher des toges romaines. Beaucoup moins marqué en France, les adeptes faisaient cependant plutôt partie des classes socioculturelles supérieures. À ma connaissance ce mouvement n’existe plus.

Le premier mouvement naturiste français est né dans la foulée des idées du Front populaire sous l’instigation d’Albert Lecoq et de son épouse Christiane. Tous deux fondaient dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale le premier club du soleil suivi par beaucoup d’autresDans le contexte et les lois pudibondes de l’attentat à la pudeur (qui n’ont pas beaucoup évolués), seul le naturisme sauvage pouvait être pratiqué par de petits groupes devant se dissimuler. On en trouvait sur la côte landaise, dans les gorges de l’Ardèche avant qu’elles ne deviennent une autoroute de canoës, sur une île du Levant… À propos de cette dernière, lorsque dans les années 50 mon père a eu sa première voiture nous étions allés en vacances dans un camping des PTT à Lalonde les Maures ; il nous avait fait prendre le bateau avec sa cargaison de touristes tentant d’aller sur les parties publiques de l'île reluquer… des « femmes à poil » comme on va au zoo, au grand dam de ma mère qu’il n’avait pas prévenue de l’objectif réel de la visite ! Albert Lecoq s’est donc battu pour que le naturisme puisse se pratiquer par tous dans des lieux protégés. Il fondait la revue « La vie au soleil » en 1947 où l'on parlait même d'éducation puisque j'y avais écrit des articles, puis la Fédération française de naturisme. Ce naturisme était quasiment révolutionnaire, j’y reviendrai plus loin puisque je l’ai pratiqué.

Puis il y a eu le naturisme organisé. Beaucoup de naturistes ayant les moyens allaient passer des vacances sur les bords de la mer noire ou de la mer baltique ou la tolérance était plus grande (pour les touristes !). À partir des années 50 et la manne touristique qui s’annonçait, était entrepris l’aménagement de la côte aquitaine, puis celle du Languedoc, transformant complètement et urbanisant les paysages encore sauvages de ces côtes (par exemple la démoustication au DDT des étangs côtiers languedociens), privant d’ailleurs les autochtones des plages non nettoyées où ils avaient l’habitude d’aller librement se délasser ou pêcher dans une nature non aseptisée. C’est ainsi que sur la côte atlantique, était créé le premier et le plus grand centre héliomarin naturiste français de Montalivet, suivi par d’autres. Dans ces centres tout est aménagé, il n’y a qu’à payer, s’installer et en profiter.

Enfin il faut bien parler du naturisme sexuel de luxe et bizness. L’exemple du Cap d’Agde. Je connais un peu son histoire : proche l’est du cap il y avait à Sérignan-plage le club naturiste à la Albert Lecoq dont je vais vous parler. Au vu de son succès, l’idée vint à deux frères, les frères Oltra, de transformer les bouts de vignes qu’ils possédaient en bordure de mer au Cap en un autre lieu naturiste, beaucoup plus rentable que leurs vignes. Il fallait qu’ils trouvent les moyens ; ces moyens c’étaient les multinationales de BTP et autres ! Ces dernières s’emparèrent de leur projet, achetèrent leurs terrains, et cela a été la transformation radicale et l’urbanisation de luxe du Cap d’Agde. En privatisant le cap, on en faisait un vaste lupanar juteux.

Dans tous les cas, ce qui avait été obtenu des diverses autorités, surtout municipales, c’était que la nudité sur les morceaux de plage attenants aux lieux naturistes soit simplement indiquée par un panneau « Attention, plage naturiste » ! Les « textiles » qui la traversaient, souvent pour reluquer, savaient à quoi s’en tenir ou fermaient les yeux. Bien sûr il ne fallait surtout pas sortir nu des limites indiquées par les panneaux !

Revenons à Albert Lecoq et au camping naturiste de Sérignan-plage où j’allais régulièrement et qui représente assez bien les clubs, lieux, associations naturistes dans la ligne de Lecoq. Il avait été créé par des ouvriers, petits fonctionnaires, soignants... gens du peuple de Montpellier. Envie de pouvoir vivre autrement, au moins en dehors du boulot pendant les WE et les congés payés, pas loin de chez eux puisque la mer n’était pas éloignée. Ils créèrent alors une association, mirent tous leurs moyens en commun et achetèrent un terrain qui à l’époque ne valait pas grand-chose au bord de la mer à Sérignan. Leurs tentes installées à l’année, les emplacements de chacun fleuris, devenaient leurs résidences secondaires (sans avoir besoin d’être déclarées !). Il fallait qu’ils s’organisent pour l’aménager, le gérer. Dans la foulée du Front populaire, du Conseil national de la résistance, de l’anarcho-syndicalisme, c’est une organisation vraiment démocratique, participative, voire un peu libertaire, qui a été mis en place. Tout était décidé en commun et tout ce qu’il y avait à faire était partagé suivant les compétences de chacun. Comme il fallait quand même avoir quelques moyens pour l’entretien et l’aménagement, ils ouvrirent le camping à d’autres naturistes et il en est venu de tout l’hexagone et de l’étranger. Les habitués pouvaient participer à l’organisation collective, faire des propositions, parfois c’était participer à la surveillance nocturne, les intrusions malveillantes étant fréquentes.

Contrairement au naturisme de Kienné de Mongeot il n’y avait pas à se plier à des principes stricts d’hygiénisme, alimentaires, corporels ou autres. Les apéros, le pastis, les barbecues étaient monnaie courante. La tolérance était un des principes de base. Celles et ceux qui voulaient rester couverts le faisaient. J’y ai rencontré de vieux campeurs de l’époque du Front populaire, pas du tout naturistes, mais qui me disaient que c’était le dernier endroit où ils retrouvaient l’ambiance et la solidarité de ces années.

Je ne dirais pas que c’était un naturisme pudibond mais naturellement pudique. Le sexe, c’était dans l’intimité. Contrairement au Cap d’Agde les familles étaient en grande majorité, il y avait tous les âges, tous les physiques, toutes les situations sociales, tous les niveaux culturels. Si la nudité n’efface pas les différences sociales et culturelles, elle ôte tous les signes de ces différences et dans les relations tout le monde est au moins momentanément dans l’égalité et se moque de la situation de l’autre. Si au début on peut être gêné, ne pas oser baisser les yeux qui risqueraient de se porter sur les quiquettes, très vite on n’y fait plus attention. D’ailleurs, constater l’infinie variété des verges, des seins, la beauté des vieux, des gros, des maigres libres de leur corps, ça guérit de tous les complexes qu’une société du marketing de l’image a pu nous fourrer dans la tête.

Et les enfants ? S’il y en a pour qui la nudité ne pose aucun problème, ce sont bien eux. Plus besoin de faire attention à ne pas tacher ses habits ! D’autre part leur régulation thermique est beaucoup plus affûtée que pour nous. Parfois des adolescentes éprouvent à un moment le besoin de se couvrir, ce qui ne pose de problème à personne. Si les principes éducatifs pouvaient être fort différents suivant les familles et tolérés par tous, la liberté est contagieuse et il était rare d'entendre les crillaieries, remontrances, engueulades... monnaie courante ailleurs.

Une année j’avais constaté que dans le camping les enfants n’avaient pas beaucoup d’espace libre où vivre, jouer collectivement entre eux sans gêner les adultes. J’avais donc proposé de créer cet espace où les adultes ne mettraient pas les pieds et de m’en occuper. Les organisateurs dégagèrent plusieurs emplacements, ceux de Montpellier installèrent un grand marabout, le remplirent de tables, de pots de peinture, de feuilles de papier, de bricolages de toute sorte... J’ai eu quotidiennement une centaine d’enfants de tous âges, de toute nationalité. Je ne vous dis pas les étonnantes peintures réalisées au soleil, sur de grands morceaux de rouleaux de tapisserie retournés, quand on peut plonger ses mains dans les pots, se barbouiller sans crainte, voire d’utiliser les corps comme supports. Derrière le castelet pour des marionnettes géantes que j’avais installé au soleil, j’ai même assisté à l’étonnant spectacle d’enfants ne parlant pas la même langue créer et jouer des pièces devant un public d’autres enfants ne parlant eux aussi pas la même langue et qui suivaient attentivement en s’esclaffant alors que je ne comprenais pas pourquoi ; c’étaient les petits Français qui me le racontaient ensuite ! Les parents et les autres adultes s’étonnaient qu’il n’y ait pas de problèmes dans ce grand groupe d’enfants s’auto-organisant naturellement. Cette année-là j’ai beaucoup plus fait que dans toute ma carrière pour faire admettre les idées d’une école du 3ème type sans avoir à faire le docte ou l’illuminé pédagogue ! Et j’y ai aussi beaucoup appris.

 Je n’ai pas besoin de souligner le plaisir, le bien-être physique, le développement des sens qu’apporte la nudité. Le corps devenant réceptif à tout son environnement, air, eau, soleil, sable. En cette période où l’on parle beaucoup d’immunité, faites donc un stock de vitamine D qu’il n’y a pas besoin d’acheter en pharmacie, devenez naturistes !

PS : il y avait bien un peu partout d'autres lieux naturistes autogérés du même genre. Je me souviens de l'étonnant Ran du Chabrier situé au fond de la vallée de la Cèze, accessible par un chemin assez vertigineux à peine carrossable. Je ne sais pas ce que sont devenus tous ces lieux. Je crains un peu qu'ils n'aient pas trop résisté à la société de consommation et de la facilité... payante. 

 

Commentaires
T
je trouve ton article très intéressant, je suis pour le naturisme cela ne me dérange pas car on est venu au monde comment ??? nu donc ce n'est que l'expression corporelle qui s'exprime en toute liberté et non pour faire du voyeurisme.<br /> <br /> <br /> <br /> et pour répondre à MOMO : ben non je ne sais pas je pense que ton amertume elle le sait, ta remarque est totalement déplacée..
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M
Quand vous n'êtes même pas capables de défendre les femmes aux seins nus sur les plages qui se font agresser par qui vous savez, vous me faites marrer !
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B
Possible leçon en cette période de psychose épidémique et pharmaceutique : parmi mes amis naturistes il y avait un médecin qui dirigeait un sanatorium. A l'époque la tuberculose, c'était le corps qui devait s'en guérir seul avec l'aide de la lumière, de l'air moins pollué, de la respiration dans des activités physiques douces, d'une alimentation saine. La plupart étaient situé dans des zones montagneuses. On en guérissait mais les séjours en sana pouvaient être très longs. <br /> <br /> <br /> <br /> Ce médecin avait considérablement réduit la longueur des séjours en demandant à ses malades de prendre quotidiennement un bain de soleil nus sur les balcons de leurs chambres. <br /> <br /> <br /> <br /> Il n'y a ni secret, ni miracle : vitamines D, C... repos, moins de stress...
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I
Tu décris exactement ce que j'ai vécu jusqu'à la fin de mon adolescence avec mes parents, le dimanche au club naturiste de la région où les aménagements étaient décidés et faits collectivement, le camping l'été où nous enfants étions libres, où les adultes se parlaient, liaient connaissance, le magazine "La vie au soleil" auquel mes parents étaient abonnés. Je me souviens de cette anecdote mille fois racontée et qui reste un vague souvenir, ce petit garçon allemand avec qui je jouais sur la plage et à qui j'ai demandé s'il était un garçon ou une fille, alors que nous étions nus, nous ne parlions pas la même langue mais nous nous comprenions. Ces amis de tous pays que je me suis fait. C'était un monde de tolérance, de liberté, d'égalité. Ados, la drague c'était le soir, lorsque nous étions habillés, pas la journée nus, c'était une règle implicite. Je me souviens de mes amis qui ne comprenaient pas quand je leur racontai mes vacances nues, qui y voyaient quelque chose de sexualisé, de pervers alors que ce que je vivais était tout l'inverse de cela. Ce mal-être de me retrouver en camping textile, le corps reprenait une valeur quasi marchande, alors que chez les naturistes, le corps devient secondaire, il ne s'agissait pas d'esthétique, de rentrer sans marque de maillot mais de vivre en harmonie avec la nature, avec son corps et avec les autres. Merci pour cet article. Souvent je me dis que j''aimerais retrouver cet univers et ces valeurs (qui intrinsèquement sont inscrites en moi et font aussi qui que je suis notamment une enseignante avec des valeurs de l'éducation populaire ) mais j'ai bien peur d'être déçue ......
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B
Début des années 70, deux ou trois instites du mouvement Freinet ont fait des ateliers peinture où les enfants pouvaient peindre nus. C'était extraordinaire. Evidemment l'expérience a été très très vite interrompue !
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