1940-2021 (113) – 1987 à 1996 : L’hebdo dans un réseau hypersophistiqué
Souvent lorsque l’on utilise l’expression « le réseau » il s’agit en réalité de la globalité de ce qui est constitué par les multiples réseaux de chacun qui s’ajoutent, s’imbriquent, se distinguent. Ainsi le réseau télématique déterminait un espace où l’on pouvait s’adresser à l’ensemble par sa liste de diffusion dont les membres n’étaient pas forcément tous connus mais s’étaient volontairement inscrits, simplement identifiés par leur adresse télématique, en sachant que l’information était perçue par tous, mais pas forcément intéressant tout le monde. Lorsque l’on transmet quelque chose, on se donne à connaître et on commence à être perçu, donc à éventuellement provoquer une ou des réactions ou un intérêt.
C’est ainsi que l’hebdomadaire était envoyé à un petit nombre de classes avec qui nous avions entrepris des relations plus intenses après nous être repérés dans les échanges télématiques. Beaucoup produisaient leurs propres hebdos qu’elles partageaient avec le groupe ainsi constitué. Il portait des informations beaucoup plus complexes sur notre vie quotidienne que ce que pouvait diffuser la messagerie, il portait aussi beaucoup plus d’affectif. De ce fait, il provoquait des interactions se traduisant par des activités beaucoup plus riches et surtout continues qui se prolongeaient par courriers, téléphone, fax, vidéos, ces activités, jeux, recherches devenant communes.
C’était vraiment devenu un média interactif, cette interaction étant visible dans les hebdos mêmes ce qui faisait que les visiteurs qui le lisaient avaient du mal à comprendre puisque c’était dans la continuité des numéros successifs que dans untel des pages faisaient référence à ce qui était paru dans l’hebdo précédent ou dans l’hebdo d’une autre classe. On pouvait y retrouver la reproduction de messages envoyés par d’autres parce que plusieurs hebdos poursuivaient et participaient à leur façon aux discussions, débats, recherches de ce qu’une classe avait entrepris et suggéré à tous.
Chaque hebdo avait eu l’idée de créer un petit personnage, plus facile à dessiner par tout le monde et à faire s’exprimer que dans les BD. Par l’intermédiaire de ces personnages, chacun pouvait commenter s’il le voulait le texte d’un autre, généralement avec une pointe d’humour. Avoir du recul, ce qu’on ne sait pas toujours avoir. Ils pouvaient même constituer de par eux-mêmes les petites scènes d’un regard plus ou moins ironique sur la vie. D’un hebdo à l’autre, ces petits personnages (et leurs auteurs) parfois s’interpellaient. À Moussac, le journal « La fourmilière » avait bien sûr une fourmi comme personnage commentateur et les enfants étaient devenus les fourmis de Moussac (j’avais juste demandé à leurs dessinateurs qu’elles aient 6 pattes), à Saleich dont le journal s’appelait « Les mini-crascras », c’était un cradock, à Primelin pour « La mouette bavarde » c’était une mouette, à l’Aubépin pour « Les lupins de l’Aubépin » c’était une sorte de fleur qui parlait, etc.
Il y avait surtout une très grande liberté créative et celle de s’exprimer et de s’interpeller sur tous les sujets que ce soit sur l’actualité ou sur des thèmes scientifiques, voire mathématiques.
J’ai expliqué et raconté cela dans un petit ouvrage « Un autre journal scolaire, outil et reflet de la communication ».
Pour illustrer mon propos, quelques extraits d’une course de haricotsmobiles à partir d’une idée de Mathieu de Moussac et gérée par Moussac. Par l’intermédiaire de tous les hebdos, comme dans le tour de France on pouvait en suivre toutes les péripéties. Ce qui était communiqué par messagerie était intégré dans les hebdos pour que les spectateurs-lecteurs puissent bien suivre. Comme dans le Tour, les résultats étaient calculés et communiqués à chaque étape. La course a duré trois semaines, s'est arrêtée aux vacances faute de combattants, on n'a jamais su si qualqu'un avait gagné !
Mais il y eut beaucoup d’autres aventures communes, plus surréalistes comme une vente aux enchères de maîtres et maîtresses, plus scientifiques comme une recherche sur l’ombre d’un bâton, ou plus étonnantes comme la mobilisation de toute la France pour aider un collège de Cluj après la chute de Ceausescu en Roumanie. J’en reprendrai quelques-unes dans de prochains épisodes, mais j’en ai aussi fait un petit recueil « Un autre journal scolaire, outil et reflet de la communication » (thebookedition.com)
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Prochain épisode : Étonnantes histoires de réseau, 1- Avec des enfants... de la forêt vierge !
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