Vous pouvez y aller, dépêchez-vous : les rayons de fournitures scolaires sont remplis !
Et c’est reparti comme depuis des dizaines d’années : faut pas laisser les familles et leurs mômes s’enfoncer dans l’insouciance (très relative) des derniers jours de vacances, faut les remettre dans l’ambiance morose du retour à la normale : préparez la rentrée scolaire !
Et tous les médias s’y mettent. C’est le rappel qu’il ne faut pas attendre le dernier jour pour se rendre dans les grandes surfaces avec la liste des fournitures scolaires obligatoires, chacuneétablie par chaque enseignant dans l’école républicaine… gratuite depuis son instauration. Et va falloir faire avec le pouvoir d’achat qui diminue et les coûts de la vie qui augmente, que ce soit pour un paquet de pâtes ou pour des cahiers à spirales ou surtout pas à spirales.
Les associations de consommateurs lançant comme d’habitude leurs alertes, leurs alarmes, leurs calculs ou leurs bons plans, mais ne s’interrogeant à aucun moment sur cette obligation… à l’encontre de la loi qui, il y a plus d’un siècle, à instauré l’école dite publique : chaque commune doit donner les moyens de l’instruction à chaque enfant, l’État a, lui, la charge de la formation et de la rétribution de chaque « maître » (fonctionnaire) devant y dispenser cette instruction dont le même État a défini ce qu’elle devait être. Faut dire que de nos jours tout est obligatoire, même l’achat d’un Smartphone et un abonnement à internet pour déclarer tes impôts, sans qu’il y ait besoin d’une loi, tu as juste le choix de la marque !
L’école c’est comme une entreprise qui demanderait à ses ouvriers ou à ses employés d’acheter les outils, le matériel dont ils ont besoin pour l’accomplissement du boulot pour lequel ils sont embauchés. Les écoliers, collégiens, lycéens, eux, n’étant même pas embauchés !
Savez-vous que dans nos classes uniques de 3ème type les familles n’avaient strictement rien à acheter à chaque rentrée ? Même pas le sacro-saint cartable, l’attribut qui transforme le jour fatidique chaque enfant en élève. D’accord, nous n’avions aucun besoin de cahiers, identiques ou différents suivant leur attribution pour être ramassés, corrigés, notés, bien empilés sur le bureau d’un maître ou d’un prof, prêts à être vaguement regardés lors de la visite de l’inspecteur.
Mais bien sûr dans une école il y a besoin d’un tas de petits outils, ne serait-ce que pour écrire. Lorsque nous ne consacrions plus le budget communal à acheter ou renouveler des manuels scolaires pour chaque enfant (je n’ai jamais compris pourquoi des bouquins s’appelaient « manuels » comme si on ne tournait pas toutes les pages d’un livre à la main !), alors nous pouvions permettre aux enfants d’utiliser les vrais outils dont se servent les écrivains pour écrire, les artistes pour dessiner, peindre, composer, les scientifiques pour expérimenter, les mathématiciens ou les ingénieurs et autres architectes pour calculer, mesurer, les bricoleurs pour bricoler, les jardiniers pour cultiver, n’importe qui pour se documenter, apprendre de l’histoire, de la géographie, etc. Ce dont tous les enfants ne pouvaient malheureusement pas disposer chez eux et qui servent à s’instruire, à découvrir, à s’essayer, à faire.
Un exemple : traditionnellement dans la trousse de chaque écolier il devait y avoir une gomme, donc dans les rayons des grandes surfaces tu avais la même gomme qui à la production n’avait pas dû coûter grand-chose mais qui ne gommait pas grand-chose non plus en dehors que très, très vaguement du crayon à papier. D’abord le crayon à papier c’est un outil intéressant, mais surtout pour dessiner si tu peux utiliser toutes les nuances de leurs différentes mines, plus tellement pour écrire si ce n’est à la rigueur pour un brouillon, mais alors tu ne t’embarrasses pas à gommer, tu ratures. D’autre part il est rarissime que tous les élèves d’une classe, même traditionnelle, aient à gommer au même moment. Que dire des doubles décimètres, des compas imprécis qui n’arrêtent pas de s’ouvrir tout seuls, des taille-crayons immanquablement perdus… Ah ! Mais c’est que dans l’école ordinaire il faut exécuter, au même moment, tous la même chose, ouvrir le même manuel, faire le même exercice… et surtout quel bordel si chacun se levait de sa chaise pour aller chercher ce dont tous ont besoin en même temps !
Chez nous, c’était suivant ce que chacun entreprenait à chaque moment qu’il pouvait trouver l’outil adéquat, une gomme d’architecte, un fusain, un crayon gras, une calculette, un mètre de menuisier ou un décamètre de géomètre, un stock de différents feutres, etc., etc. Rien besoin d’avoir à soi. Heureusement, ce n’est pas avec un cartable bien bourré qu’ils auraient dû venir à l’école mais avec une charrette !
Comme la mode et la pub en ont rajouté encore une couche tout en rajoutant quelques euros à chaque pièce de la liste en faisant croire qu’elles vont rendre ainsi l’école plus acceptable, au règlement de la note finale les parents vont devoir de surcroît affronter la déception de leurs mômes qui ne pourront pas frimer autant que d’autres.
Bernard ! Ce n’est qu’un détail, « ça a toujours été comme ça, on n’en est pas mort ! C’est pour leur bien ! Faut faire tout ce que l’on peut pour l’avenir de nos enfants ! etc. » Ben voyons, continuez braves gens, ce ne doit sûrement pas être cela qui fait brûler les forêts, baisser le pouvoir de vivre, exploser des bombes partout… Encore que… En êtes-vous certains ?