Juin 2023
L’actualité me rattrape : si l’on se rapporte aux dernières chroniques, l’entropie de notre système sociétal fermé, c’est-à-dire le désordre (qui se traduit par la violence), s’accentue encore tout en offrant de moins en moins de portes de sortie sinon l’augmentation à outrance du maintien de l’ordre, c’est-à-dire la néguentropie qui se traduit également par la violence. Le temps qui séparait chaque soubresaut social ou sociétal se raccourcit de plus en plus. Le système et ceux qui le maintiennent s’en tireront probablement encore une fois grâce à la peur du désordre, mais il est devenu impossible d’envisager de remédier à la cause des causes qui remonte bien trop loin.
Du coup la notion même de responsabilité censée ramener à la raison n’a plus beaucoup de sens et les boucs émissaires de plus en plus difficiles à trouver. Ce policier était-il responsable de ses actes lorsqu’il a été finalement recruté pour cela ? La police est-elle responsable lorsqu’elle aussi est devenue faite pour cela avec l’approbation de la majorité de la population ? Ces jeunes et moins jeunes qui brûlent et pillent sont-ils responsables lorsqu’ils ont été cantonnés et entassés pendant des années et des années dans des ghettos où même survivre est difficile, qu’ils sont dans une cocotte-minute hermétiquement close pour la majorité d’entre eux et qu’en même temps une société de la consommation et du profit leur fait miroiter tout ce que d’autres ont ou peuvent avoir ?
Cela fait aussi des années et des années que des personnalités impossibles à qualifier de débiles annoncent ce qui arrive aujourd’hui, que d’autres proposent des transitions pour passer de ce système fermé à un système ouvert, c’est à dire un système vivant, capable d’évoluer et de s’adapter dans l’intérêt de toutes celles et de tous ceux qui le composent, tout cela en pure perte. Cela fait des années et des années que de petits groupes essaient de vivre autrement à côté du système et y arrivent plus ou moins malgré lui, prouvant que ce n’est pas une utopie.
J’ai eu un espoir : nos enfants, autrement dit la jeunesse. On peut constater que de plus en plus de ces jeunes, qui pourraient profiter ou croire qu’ils pourraient profiter du système, ne rentrent plus dans ce jeu qui n’en est pas un et n’ont pas peur de ce qui est la marginalité. Mais le système et son école (souvent leurs parents eux-mêmes) ne cessent de les formater pour leur ôter toute velléité de s’écarter de la route, pour qu’ils ne pensent qu’à une chose des années avant : le bac ou n’importe quel autre diplôme, puis qu’ils se prennent la tête avec parcoursup ou pôle emploi. Et tout le monde de s’étonner que deviennent des émeutiers ceux qui ne peuvent que comprendre que ce n’est pas pour eux, que dans leur cité ils n’éveillent que la méfiance des gardiens du système.
La question est donc : est-il encore temps et possible de modifier un cap avant l’autodestruction finale en cours ? Cela est-il possible sans un soulèvement contre le système lui-même et par voie de conséquence contre tous ceux et leurs institutions qu’ils dirigent ? Le problème est que beaucoup encore en profitent ou croient qu’ils peuvent en profiter. Lorsque la prise de conscience deviendra inéluctablement générale, je crains qu’il ne soit alors trop tard si cela ne l’est pas déjà.