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Le blog de Bernard Collot
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28 décembre 2023

Le leurre de la communication

IA

Nous avons l'impression aujourd'hui que, grâce aux technologies, notre pouvoir de communiquer est devenu illimité.

J’avais fait un billet à propos de l’Intelligence artificielle. Ma mésaventure avec FB (éviction + impossibilité d’y revenir sous une autre adresse) n’est que l’illustration de ce qu’est véritablement l’IA.

Le contrôle des réseaux sociaux devient peu à peu absolu (autant que stupide : j’avais simplement critiqué sous un titre provocateur la période de Noël).

Norbert Wiener, l'un des pères des théories de l'information, des communications et de l'automatique, avait pressenti « les enjeux éthiques de ce qu’il considérait comme une nouvelle révolution industrielle : la première n’avait pas seulement dévalué le travail manuel, elle avait réorganisé les modes de vie, les rapports de pouvoir, les représentations de la vie humaine, les doctrines philosophiques, etc. N’était-il pas alors urgent et nécessaire de s’interroger sur le déferlement prochain de ce qu’on allait appeler les technologies de l’information ? [1] »

De tout temps on sait qu’un marteau peut enfoncer des pointes ou fracasser un crâne. Notre problème, c’est que tous les outils que notre intelligence, le progrès, la science… ont créé au cours des millénaires nous donnent l’impression que l’on acquiert sans cesse une puissance qui se pense illimitée. Si tout le monde peut maîtriser un marteau, par contre seuls quelques-uns avec leur classe dominante maitrisent les plus sophistiqués, soit pour leurs intérêts et ceux de leur classe, soit pour que l’on s’en serve seulement comme ils entendent que l’on s’en serve. Et c’est nous qui sommes condamnés à l’impuissance absolue.

Dans les années 1980 nous avions été quelques-uns à penser que l’arrivée des TIC et du minitel allait permettre une possibilité d’exercer une vraie citoyenneté dans une société se disant démocratique. Pour ma part et avec quelques autres cela avait été dans nos classes, en détournant quelque peu la fonction initiale du minitel et en y bricolant par exemple des messageries et des listes de diffusion[2]. Il est vrai que l’intelligence collective qu’était depuis son début le mouvement Freinet (et d’autres) avait vraiment pu s’épanouir dans ce qui devenait un réseau télématique.

Et puis, au fur et à mesure qu’internet se développait, devenait gratuit, qu’on y trouvait facilement à disposition tout ce qui permettait de créer ou de participer à un réseau s’appelant dorénavant réseau social, curieusement dans la plupart des écoles l’usage de cette communication s’est amoindri, voire a disparu.

On se plait à dire que nous sommes maintenant dans la société de la communication et du savoir (il y a longtemps que la liberté n’y a plus de sens !). Pour moi c’est tout le contraire. La communication n’y est que celle surveillée, contrôlée et seulement permise par les pouvoirs en place si nous ne communiquons que ce qui leur convient. Kant écrivait : « « (…) penserions-nous beaucoup et penserions-nous bien si nous ne pensions pour ainsi dire pas en commun avec d’autres auxquels nous communiquons nos pensées, et qui nous font part des leurs ? On peut donc bien dire que cette puissance extérieure, qui enlève aux hommes la liberté de communiquer publiquement leurs pensées, leur ôte aussi la liberté de penser. » Les fameuses et mirifiques technologies n’ont fait que nous amputer des capacités naturelles que nous avions de rencontrer, d’échanger, de communiquer de personne à personne, de personne à personnes, comme la voiture a diminué en partie nos capacités de marcher (il faut aujourd’hui le faire comme un exercice que l’on s’impose ou le faire dans sa chambre sur la machinerie d’un tapis roulant !). Même notre capacité de penser comme le disait Kant s’est amoindrie.

Quant au savoir, les événements des dernières années (en particulier le covid) nous ont appris qu’il était aussi aux mains des pouvoirs qui ne le validaient et ne permettaient sa diffusion que s’il lui convenait. La production du savoir elle-même dépend de ces pouvoirs.

La programmation mondialisée des robots que nous sommes devenus sera bientôt parfaite. Il n’y a plus qu’à espérer que les quelques-un-e-s qui y ont échappé ou qui s’en sont extraits résistent encore.

NB – Canalblog semble être encore un espace de liberté et d’expression, et au moins, lorsque j’y ai un problème, se sont des personnes en chair et en os qui me répondent ! Fasse qu’il ne devienne pas lui aussi mondialisé !


[1] Une des introductions aux analyses de « Cybernétique et société - L'usage humain des êtres humains » Norbert Wiener - 1954

[2] À noter que dans les premières années nos réseaux étaient quasiment clandestins ou tout au moins que l’administration s’en désintéressait totalement.

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