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Le blog de Bernard Collot
Le blog de Bernard Collot
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20 septembre 2013

Si l’on voulait définir l’école du troisième type.

L'école du 1er type est celle avec ses niveaux homogènes, ses rangées d'élèves, un maître maîtrisant emploi du temps et progressions, des élèves exécutant le plus exactement possible des consignes. Le 1er type, on sait ce que c’est, ne serait-ce ce que parce qu'il y a de grandes chances que nous l'ayons vécu nous mêmes enfants (d'où la tendance à la reproduction et les difficultés pour nous en défaire). C'est aussi facile à filmer, il suffit d’aller voir « Etre et Avoir » par exemple.

Ça n’a pas l’air de marcher si bien que ça si on en croit les analyses et les statistiques des chercheurs, universitaires et même politiques ! Il suffit aussi de regarder vivre les enfants là-dedans et d’être un tant soit peu préoccupé par leur bien être pour s’en rendre compte.

Et ça a l’air d’être de plus en plus difficile à faire : les conséquences du 1er type en sont des résistances, sans doute saines, et des rapports de force de moins en moins à l’avantage des adultes. En plus de la violence, de l’illettrisme, de l’échec scolaire, de l’exclusion, ce sont aussi des personnes (les enfants) à qui on ne permet pas de se construire une identité, une idée de vie, une envie de vie, d’où drogues, suicides, dépendances à des gourous ou à des bandes...

Les profs non plus n’ont pas l’air très heureux là dedans.

L'école du second type est celle des méthodes dites actives. Les élèves y sont moins passifs, le maître fait appel à leur motivation, cherche par tous les moyens à rattacher son enseignement à la réalité. Mais l'enseignant en reste le véritable acteur. Ce sont aussi des folies de préparation pour inventer des « situations problèmes » (parce que c’est sans doute efficace), créer des « projets » (parce que c’est une démarche formatrice... à condition qu'elle soit à l'initiative de la personne qui la vit) qui deviennent si vite impossibles à mettre en oeuvre pour un humain normalement constitué que beaucoup retournent vite dans le « confort » du 1er type, en faisant semblant d’être dans le 2ème, et que tout va très bien comme ça. Les chercheurs ne trouvent toujours pas de méthodes miracles, ne serait ce que pour apprendre à lire, et j'ai l'impression que pas mal se masturbent le cerveau et compliquent tout pour essayer de se donner un peu de contenance et de bonne conscience en même temps qu’une notoriété.

Dans l'école du 3ème type, c'est la présence des enfants dans un groupe et dans un environnement réels qui entraîne les processus d'apprentissages et la construction des langages [1]. Ce groupe et cet environnement tendent à constituer un système vivant. Ce n'est plus l'enseignant qui déclenche les processus. Il tend plutôt à mettre au centre du système les projets personnels des enfants, c’est-à-dire tout ce qu’ils entreprennent.

De chacun de ces projets, émanant donc des enfants, découle de l'activité (pouvant être également proposée par l'enseignant ou les équipes d'enseignants pour aider chacun à mener à terme son projet, à le maîtriser et à aller plus loin), de cette activité découlent des interactions, de l'auto-organisation, l'ensemble nécessitant, produisant et faisant évoluer les différents langages, en particulier ceux dévolus à l'école.

L’objectif primordial de l’école du 3ème type est de permettre et développer la capacité à entreprendre par soi-même, à gérer ses activités au sein d’un collectif, à créer et à ajuster ses langages. Il ne s’agit pas seulement d’instruire, mais surtout d’amener les enfants à se construire, cognitivement, psychologiquement, socialement. Tous les apprentissages ne sont qu’une conséquence et une nécessité de la vie, et la vie de chacun est faite de ses « faire ».

Pour cela, les enseignants de l’école du 3ème type tentent de mettre en place un environnement le plus stimulant et le plus riche possible, ils s’attachent à faciliter la circulation de l'information (par un embryon de structure permettant l'entrée des événements, les interrelations, la visibilité des réalisations, des réussites, donnant les moyen de s’organiser, de se déplacer librement, d'aller vers l'information, de recevoir de l'information…) ; cette circulation engendrant des situations de communication et favorisant l’enclenchement des processus d’apprentissages. Au fil des évolutions, ils tendent à permettre aux enfants de s'engager par eux-mêmes dans leurs propres activités et à aider le groupe à réorganiser la classe ou l'école : auto-organisation du temps, auto-organisation des activités, organisation de l'espace...

Ils ne décident plus à la place des enfants du bien-fondé d’un projet, mais aident à une auto-organisation de la structure de vie de la classe permettant la réalisation de ces projets. Ils tendent à laisser de plus en plus à l'enfant et au groupe l'autonomie du choix et de la décision (emploi du temps, organisation des activités, affichage…), ce qui ne les empêche pas de rester dans leur rôle d'adultes et d'enseignants qui doivent piloter un système, un ensemble dont la finalité est, pour eux, l'évolution des langages de chacun.

La finalité n'est pas forcément la même pour l'enfant (qui, par exemple, peut être de faire voler son cerf-volant) que pour l'enseignant (pour qui se sera par exemple la maîtrise des mesures). Cette distinction des finalités est importante, même si parfois elle peut être confondue, un enfant pouvant bien avoir « apprendre » comme finalité de son activité, son projet est alors « apprendre » même si en général c'est plutôt « apprendre pour ... ».

Dans la finalité de l'enfant, il y a toujours l'immédiateté et la concrétisation : si j'apprends l'anglais, c'est pour parler à des anglais... dans le quasi immédiat !

Il y a aussi le plaisir, voire la jouissance : il n’y a rien d’autre quand on les voit s’engager dans des inventions mathématiques, la création d’hypothèses scientifiques, la découverte dans n’importe quelle recherche… La curiosité est toujours jouissive quand on peut l’assouvir.

Il y a enfin l’expression de soi. Se reconnaître, être reconnu par les autres, appartenir à un groupe (je remplace souvent ce terme par « système vivant »), y avoir une place mais aussi un pouvoir dans l’interdépendance avec les autres.

Autrement dit, l’école du 3ème type est l’école du faire de chacun et non pas celle du « faire faire » de l’adulte.

Pour arriver à cet objectif, ces enseignants ont des cheminements différents. Les contextes sont différents ainsi que les difficultés rencontrées par rapport aux représentations et croyances d’un environnement social et hiérarchique hostile ou dans l’incompréhension. Chaque classe est le lieu de recherche de chacun. Chacun est un centre de recherches. Mais ils ne le font pas isolément. Depuis l’arrivée de la communication électronique (1983 !), c’est quotidiennement qu’ils échangent[2]. C’est ainsi qu’ils s’entraident, mutualisent, qu’ils sécurisent leurs actions sans prendre les enfants comme des cobayes, et qu’ils constituent une intelligence collective.

Mais l’école du 3ème type, en fait, on ne sait pas encore vraiment ce que c’est… sauf que c’est dans une praxis qu’elle se réalisera. Peut-être, un jour, le terme de cette praxis sera la société sans école de Yvan Illich ! Nous sommes quelques-uns à l’avoir parfois approché.

 « L’école de la simplexité »

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[1] J’ai par ailleurs préciser ce que j’entendais par langageS, systèmes neuronaux qui créent, interprètent différents mondes (langage oral, langage écrit, langage mathématique, scientifique…)

[2] J’ai déjà signalé la liste pratiques

Commentaires
J
Merci Bernard pour ta contribution...moi qui vogue de classe en classe (comme brigade ! Faut le faire !) à travers des rangs d'oignons que c'est à pleurer ! Oui comment cette école du 1er type peut encore exister ?<br /> <br /> Et il fallait oser aussi critiquer celle du 2e type, celle souvent portée par les animateurs pédagogiques "progressistes" ? Avec au fond cette même idée de "civiliser" les individus. L'année dernière à notre stage (tu sais celui de SUD éducation Limousin pour lequel tu es notre intervenant en novembre prochain ) on a déjà commencé la réflexion sur ces innovations qui ne visent qu'à sauver le système de la sélection (voir l'intervention de Philippe Geneste sur notre site).<br /> <br /> Et tu as raison de dire que celle du 3e type elle est toujours à inventer...Mais ne le sera t' elle pas indéfiniment puisque si PRAXIS il y a n'est ce pas une continuelle invitation à la Liberté ? L'exact opposé de cette école utilitariste ( Nul doute que nous n'avons pas tous les mêmes "fins"comme tu dis...ni "faims") qui nous mine aujourd'hui. Et surtout mine les enfants.<br /> <br /> Alors est ce une ouverture vers la société sans école ? Pour ma part je pense (j'ai eu la chance de rencontrer Francis Imbert comme prof de pédagogie dans le 93) que la pédagogie institutionnelle recèle encore tant de trésors inconnus !<br /> <br /> Mais c'est un débat et je pense que ton texte ferait une bonne introduction à celui de notre stage, avec toi. Mais pê as tu d'autres idées (car ton texte d'hier est super aussi)...<br /> <br /> Donc toujours partant pour venir discuter avec nous ?<br /> <br /> Jean-Paul <br /> <br /> de sud éducation Limousin
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P
C'est clair et simple :-)<br /> <br /> Je transfère à quelques contacts personnels !
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