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Le blog de Bernard Collot
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14 avril 2023

1940-2021 (204) - Épilogue VI - Informatique, numérique et communication

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Ce développement de l’informatique, je l’ai aussi vécu depuis les années 1980 par l’introduction du minitel et des ordinateurs dans ma classe unique (volume 5). Nous facilitions ainsi toutes les possibilités d’expression, d’écriture, de communication des enfants et créions les premiers réseaux télématiques avec les ordinateurs TO7 et les minitels. Le mouvement Freinet avait même créé une base de données pour que les enfants retrouvent facilement le document dont ils avaient besoin parmi l’immense documentation élaborée et accumulée par les classes et leurs enseignants. Mais ces machines étaient comme des couteaux suisses : il fallait savoir à peu près comment elles fonctionnaient (langages basic ou logo) pour fabriquer avec ce que nous imaginions possible ou utile. Nous en étions relativement maîtres : avec nos ateliers de circuits logiques, bricolés avec des piles, des bouts de fils soudés à des pinces crocodiles, des commutateurs sur des carrés de contreplaqué et des ampoules de lampes de poche, les enfants saisissaient l’essentiel de la mathématique booléenne et de la programmation. Ils s’amusaient avec le langage logo, manipulaient les PAO (Publications assistées par ordinateur) pour fabriquer leur journal (cela a été l’abandon des imprimeries chères à Freinet), des enseignants bricoleurs inventaient des applications pour les classes…

Les processus de lecture et d’écriture commençaient à changer : depuis des siècles la lecture était linéaire, le déchiffrage commençait en haut à gauche de la page, se poursuivait de gauche à droite jusqu’en bas à droite de la page. Avec les écrans, la lecture devenait en partie globale, les yeux pouvaient se fixer d’abord sur n’importe quelle partie de l’écran qui attirait, aller et revenir pour produire du sens. Les méthodes d’apprentissage dites globales ou semi-globales permettaient ainsi une lecture beaucoup plus rapide. Depuis 1920, vieilles machines à écrire récupérées et imprimerie étaient dans toutes les classes en pédagogie Freinet. Avec les machines à écrire, il fallait avoir fait avant et manuellement un brouillon corrigé comme avec l’imprimerie, si l’on écrivait directement à la machine il fallait avant de se mettre à la frappe savoir mentalement exactement la phrase que l’on voulait écrire parce qu’une fois le texte tapé la machine ne pouvait pas revenir en arrière pour rectifier ou corriger. La pensée précédait l'écriture. Avec les ordinateurs et les imprimantes, plus besoin d’avoir rédigé à l’avance et manuellement un brouillon. On pouvait remplacer, modifier, déplacer, supprimer, corriger à tout moment des mots, des phrases, des paragraphes, on pouvait même commencer à écrire des phrases sans savoir mentalement comment elles allaient finir, si on n’en trouvait pas la fin on l’effaçait et on recommençait. La pensée pouvait s'élaborer en même temps que l'écriture. La souris était indispensable. Avec l’arrivée des correcteurs, on pouvait écrire sans avoir la tête prise par l’orthographe. Le sens de ce que l’on écrivait pouvait même être complété par l’utilisation de couleurs, du graphisme intégré dans le texte qui ne servait plus alors seulement d’illustration mais faisait partie du sens que l’on voulait donner.   

Avec l’espèce d’ordinateur distribué gratuitement à tout le monde appelé minitel, nous étions convaincus que le numérique allait redonner du pouvoir au peuple, permettre une vraie démocratie.

Dans les années 2000, avec l’accès généralisé à internet, le développement des ordinateurs devenant portables, tout devenait bien plus facile. Nous rentrions dans le monde du clic. Lorsque mon fils essayait de m'expliquer ce que je devais faire pour trouver n'importe quoi sur internet, il m'était impossible de mémoriser la quantité de clics qu'il exécutait à toute vitesse pour refaire à mon tour la même opération. Tu n’avais plus  besoin de comprendre ce qui se passait, tu cliquais. Un Google te donnait accès à la bibliothèque, aux savoirs du monde entier comme celui des siècles précédents. Tu pouvais diffuser toi aussi tout ce que tu voulais.

« Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d'eux » de René Char étaient devenus des mots-clefs.

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Les réseaux que nous avions créés entre écoles dans les années 1980 avec le minitel et les listes de diffusion devenaient faciles et à la portée de tout le monde. Qui n’a pas un email (courriel ! Autrefois c'était une BAL : boite aux lettres !)[1] pour tout envoyer et tout recevoir instantanément même si cela provient de l’autre bout du monde ? Le développement des réseaux sociaux a été incroyable. Absolument tout le monde pouvait s’emparer du droit à l’expression, à la publication de sa pensée, de ses opinions, de ses questions, de ce qu’il savait (diffusion de l’information). « La liberté de penser n’est rien si elle ne peut s’exprimer publiquement » disait Kant. Ce pouvoir, tout le monde pouvait s’en emparer. Je suis quand même étonné aujourd’hui de constater que dans cette communication, les comportements sont encore pour beaucoup ceux de débutants, certes pas sur la manipulation des claviers et des clics mais sur la diffusion et la portée de ce qu’ils envoient… à tous. Lorsqu’en 1983 avec les enfants de notre réseau d’écoles nous explorions la communication télématique, d’abord nous savions ce qui se passait le long des fils pour que nos écrits arrivent sur un ou plusieurs écrans. Ensuite les premiers messages qui se trompaient de destinataires, qui s’adressaient à une seule personne mais que tout le monde recevait avec les imbroglios provoqués, étaient immédiatement signalés. Enfin, toutes les communications avaient comme intention de créer des interactions. « Il n’y a communication que lorsqu’elle provoque une interaction entre émetteurs et récepteurs pouvant modifier les perceptions des uns comme des autres tout comme l’information elle-même » nous expliquaient grosso modo les théoriciens de la communication. Sur nos listes de diffusion se construisait une véritable intelligence collective en temps presque réel. Il est significatif que lorsqu’internet a rendu désuet la plupart des listes de diffusion du temps du minitel, même dans les classes en pédagogie Freinet les réseaux d’écoles ont perdu toute dynamique, voire n’ont plus existé. Je me demande si beaucoup de réseaux sociaux sont dans cette communication qui crée l’intelligence collective. Nous sommes très loin d’être dans cette société de la communication dont on se plait à croire que c’est celle dans laquelle nous sommes. N’empêche que l’information, sa circulation et son utilisation sont devenus des produits qui procurent d’énormes profits à ceux qui t’en font bénéficier soi-disant gratuitement..

Simultanément, le monopole de la diffusion de l’information par le pouvoir en place, qui avait d’ailleurs lui aussi été démultiplié par le développement des écrans, commença à lui échapper (exemple du « non » à la Constitution européenne décortiquée par les uns et les autres dans les réseaux). Le pouvoir fustigea alors les « fake news », en utilisant un mot anglais on peut y mettre n’importe quoi, même une opinion contradictoire étayée devint une fake news ! On prétendit aussi que trop d’informations tue l’information comme si tout un chacun était incapable de faire des tris alors que notre cerveau perçoit en continu une infinité d’informations dont il sait parfaitement trier ce qui lui est utile.

 

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Simultanément aussi était entrepris ce que l’on a appelé la dématérialisation. Tout devint des codes, des séries de chiffres, y compris chacun de nous. Même les personnes auxquelles tu pouvais t’adresser dans les mairies, les administrations, sont devenues dématérialisées : « Si vous voulez… appuyez sur 1, si vous voulez… appuyez sur 2… ». Tu voudrais parler à un administrateur, c’est un robot qui te répond. Tu voudrais demander à quelqu’un comment faire telle ou telle démarche, un robot te répond : « consultez le site http… » ! Aujourd’hui, heureusement qu’à côté de moi j’ai mon épouse ou mon fils pour trouver les réponses que je cherche !

Même pour ta déclaration ou ton avis d’imposition il te faut aujourd’hui un ordinateur ou un smartphone et tu n’as même pas besoin d’apporter tes sous au percepteur (qui n’existe plus) ou d’envoyer un chèque : c’est prélevé automatiquement sur ton compte en banque (obligatoire puisque tu n’es payé que sur lui) et gare à toi s’il s’est vidé sans que tu t’en rendes compte. Tu ne peux même plus te contenter de n’avoir qu’un ordinateur ou de te servir de celui de ton copain ou de ta copine : pour presque tout tu dois confirmer le SMS qui t’est envoyé automatiquement sur ton smartphone, ce qui devient ubuesque lorsque comme chez moi les ondes ne passent pas. De fait, l’achat d’un smartphone et le coût de son abonnement sont devenus obligatoires ! Tu en avais même eu besoin pendant l’épidémie du covid pour prouver que tu étais vacciné et que tu avais le droit de rentrer dans un bar boire un café. Tout le monde est devenu contrôlable partout, les truands ont même intérêt à jeter régulièrement leur mobile pour ne pas être repérés. Les employés peuvent être sollicités par leur patron à n’importe quelle heure… La liste n’a pas de fin.

Quant à conserver précieusement tes documents dans un classeur au cas où tu pourrais les retrouver pour en envoyer ou en apporter une photocopie à la demande d’une administration, inutile : ce que l’on te demande maintenant c’est d’en envoyer le fichier. Tu dois donc t'acheter un scanner avec ton ordinateur et scanner jusqu’à ta carte d’identité, tout sauvegarder sur un support numérique externe en espérant que dans quelques années les avancées perpétuelles de la technologie ne l’auront pas rendu illisible. Autrefois, nous avions bien mémorisé sur des cassettes magnétiques puis sur des disquettes des moments ou des réalisations des enfants qui auraient aujourd’hui un petit intérêt historique, plus aucun appareil ne peut les lire. Tout estr destiné à se volatiliser. Heureusement qu’il y a eu le papyrus, les parchemins ou les hiéroglyphes gravés dans la pierre !  

On ne te demande plus qui tu es, où tu habites, on te demande ton email et ton numéro de portable, de toute façon tu es quelque part dans au moins un fichier où l’on sait tout de toi. Dès que j’ai eu dépassé les soixante-dix ans, je recevais presque tous les jours sur mon téléphone fixe des propositions pour bien préparer mes obsèques ! Du coup aujourd’hui je ne décroche plus le téléphone fixe s’il n’y a pas un message de quelqu’un que je connais. Il parait d’ailleurs que les téléphones fixes vont disparaître parce que tous les fils des lignes téléphoniques vont être enlevés pour récupérer le cuivre.

Nous sommes tous devenus immatérialisés. Les femmes n’ont même plus besoin de faire l’amour pour avoir un enfant, elles trouvent sur internet l’offre d’une mère porteuse ou d’un spermatozoïde congelé permettant de procréer au choix un enfant blanc, noir, jaune ou bleu-blanc-rouge. Il faut juste encore qu’elles se rendent chercher le bébé offert ou vendu, ou aller là où se fait quand même l’introduction nécessaire du spermatozoïde qui lui n’est pas encore dématérialisé... ni les mères... bien qu'on hésite encore à s'en passer pour faire les bébés dans des éprouvettes ! En somme, elles peuvent être comme les vaches qui dans les élevages ne savent même pas ce qu’est un taureau pour faire un veau ! Tous les humains vont peut-être devenir des inséminés artificiellement. Va savoir, peut-être qu’un jour une imprimante 3D reproduira directement sur place l’enfant dont tu auras envie, encore mieux que le clonage !

 

L’informatique est absolument partout, tu ne cesses de lui obéir. Les voitures en sont bourrées, quelque chose ne va pas ? Le garagiste ne travaille plus comme autrefois avec son oreille qui lui faisait déceler ce qui n’allait pas dans ton moteur, c’est un ordinateur qui doit lui dire ce qu’il faut qu’il fasse ! C’est la voiture qui te dit qu’il faut mettre ta ceinture, que tu dois aller faire la révision… Ce sont les GPS qui te disent ou tu dois aller. C’est vrai que maintenant grâce à eux le marin solitaire dans une course autour du monde dont le voilier chavire au milieu d’un océan peut être secouru parfois en moins d’une heure, mais bof ! Je ne connais personne dans mon entourage qui se soit inscrit dans le Vendée-globe !

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Le top du top, c’est d’être connecté en permanence avec tout et n’importe quoi, avec ta machine à laver, ton frigo, ta cuisinière, tes portes au cas où un voleur s’introduise chez toi quand tu n’es pas là… Les cardiaques, les diabétiques peuvent être connectés avec leur cœur et leur sang, les vieux peuvent être connectés avec les pompiers, etc. En somme nous devenons des appareillés, avec des puces greffées nous n’aurons même plus besoin de smartphones, tu verras arriver le SAMU sans même l’avoir prévenu. Les truands ne cambriolent plus les banques, ils piratent les comptes. Maintenant c’est la cybercriminalité qui fait trembler tous les États. Cela devient très rigolo lorsqu’il y a des pannes d’électricité ou de réseaux : c’est l’impuissance généralisée. Comme tout est mondialement centralisé dans des machines, des macrostructures et des macro-systèmes, il est probable que ce moment est pour bientôt pour toute la planète (j’en reparlerai).

 

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Avec le numérique et sa puissance de calcul s’est instauré le royaume de la statistique qui s’est même paré de la couronne du scientifique. La réalité qui devrait induire ce que nous devrions faire n’est plus palpable, observable, d’ailleurs celle-ci ne peut pas être mise dans un calculateur. Ce qui doit tout expliquer et qui guide nos dirigeants, ce sont les données. Tout n’est devenu que données, y compris ce que chacun de nous est, fait, mange, boit, achète… et même pense. Tout est devenu expliqué et imposé par des avalanches de chiffres, de courbes, de graphiques. Imparable ! Peu importe que nous ne sachions pas comment, par qui sont produits ces chiffres et d’où ils sortent. On pouvait discuter ce qui auparavant émanait des expériences, l’opposer aux constats de la réalité, avec les chiffres tu ne peux plus rien contester, les « scientifiques » et surtout les politiques peuvent leur faire dire n’importe quoi, les calculs eux sont toujours justes quels que soient les chiffres que l’on met ou que l'on ne met pas dans le calculateur.

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Ce sont les chiffres et les courbes qui ont fait imposer la vaccination, c’est avec ces graphiques qu’on te prouvait qu’elle était utile, donc obligatoire, peu importe que tu n’aies rien vu de tout ce qu’ils étaient censés raconter et prouver. Ton médecin lui-même ne pouvait se servir de son expérience pour te soigner, il fallait qu’il obéisse aux injonctions pour ne pas dire aux ordres donnés par le ministre de la Santé, aux taux d’incidence et autre charabia, aux trois ou quatre laboratoires de la planète qui affirmaient, pourcentages à l’appui, que leurs vaccins étaient inoffensifs et bousillaient le moindre virus. Je me demande d’ailleurs pourquoi ceux qui frémissaient au moindre symptôme allaient voir leur toubib qui ne pouvait que répéter ce qu'on lui disait de  répéter : allez vous faire piquer.

Le plus stupéfiant : le chiffre avec lequel on nous dirige s’appelle PIB. Il représenterait le fromage de notre richesse : « Vous vous rendez compte, les vieux et leur retraite coûtent 2% du PIB ! » Le plus extraordinaire c’est que par exemple les catastrophes ne coûtent rien puisqu’elles font augmenter le PIB avec tout ce qui doit être réparé ou reconstruit. En tout cas, il est connu depuis longtemps que catastrophes ou guerres augmentent bien la fortune de… quelques-uns… en ruinant les autres ! Ce qui guide les politiques, ce sont les chiffres des sondages. Depuis qu’ils existent, je ne connais personne de mon entourage qui a été « sondé » ! Ce seraient des algorithmes très intelligents qui décident qui est « représentatif », je ne dois pas en faire partie. Ce sont les chiffres d’un nombre de manifestants, communiqués par… le ministère de l’Intérieur, qui indiquent au Pouvoir et qui doivent indiquer à l’opinion que, bof,  ce n’est qu’un infime pourcentage de la population qui n’est pas bien. Je me suis d’ailleurs toujours demandé comment la police « comptait » ces manifestants, essayez donc de compter les fourmis d’une fourmilière ! Sans les chiffres, on ne saurait même pas qu’il y en a qui vivent dans des logements insalubres. Les chiffres, les courbes… prédisent aujourd’hui l’avenir. On sait, parait-il, grâce à eux quand la température atteindra un seuil invivable, quand on ne pourra plus payer les pensions de retraite, à quel âge tu as des chances de mourir, etc.

Vive le numérique !

Comme avec la bagnole, j’ai eu, nous avons eu l’impression (L’IMPRESSION !) que notre puissance, nos pouvoirs étaient multipliés à l’infini. Lorsque nous nous aperçûmes qu’en réalité c’étaient les pouvoirs que ceux qui nous dominaient avaient sur nous, il était trop tard.

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Prochain chapitre : l'information, l'écrit, l'image - chapitres précédents

[1] Aujourd’hui tout ce que tu dois faire ce sont des mots anglais qui te le disent. Il n’y a pas qu’en informatique, c’est sans arrêt que ces anglicismes émaillent tous les propos que tu peux entendre ou lire dans les médias, dans toutes les conversations avec les plus jeunes. Pour moi qui ai été viscéralement allergique à la langue anglaise comme à la logique et à la vision anglo-saxonne de la vie, je suis devenu comme un étranger illettré qui a sans arrêt besoin qu’une personne (ou google !) lui traduise ce dont il s’agit.  

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