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Le blog de Bernard Collot
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13 avril 2023

1940-2021 (203) - Épilogue V, Du téléphone au smartphone

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Comme fils de postier, j’ai particulièrement vécu ce bouleversement. Enfant, les rares qui avaient un téléphone avaient un appareil dont il fallait tourner la manivelle du magnéto pour appeler le premier opérateur d’une série qui était le bureau de poste de mon père (je l’ai raconté dans le tome 2). Il n’y avait pas grand monde qui avait besoin de téléphoner ou quelqu’un à qui téléphoner, et puis pour appeler le médecin il suffisait d’aller au bureau de poste, même la nuit mon père se levait lorsqu'il y avait urgence puisque nous étions logés à côté du bureau, cela a dû arriver deux ou trois fois en une dizaine d'années. 

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Ce n’est que dans les années 60-70 que le téléphone s’est répandu, la numérotation automatique à 10 chiffres et les appareils à cadran se généralisant. On pouvait appeler directement son correspondant, fini le « Je voudrais le 22 à Asnières » de Fernand Raynaud.

Les « Postes Télégraphe et Téléphone » (PTT) étaient un vrai service public[1] et tout le monde pouvait demander à être relié aux lignes téléphoniques, même dans les lieux isolés, sans que cela coûte plus cher aux uns qu’aux autres. Il fallait quand même l’utiliser à bon escient : le coût mensuel était calculé par rapport à la durée des communications et à la distance qui séparait les interlocuteurs. J’ai connu des familles recevant une facture pharaonique lorsqu’un ou une de leurs adolescents avait passé des heures au téléphone avec son copain ou sa copine. Si vous aviez beaucoup à raconter, il valait mieux écrire une lettre parce que la distribution du courrier était le fleuron et la fierté de la poste (mon père était facteur-receveur et moi-même j’avais fait des remplacements de facteurs !). Si vous ne l’aviez pas ce téléphone, partout il y avait des cabines téléphoniques, il suffisait d’avoir la provision de pièces pour mettre dans la fente.

Années 1980, apparition du minitel. Pas facile d’imaginer aujourd’hui que le service public des postes avait distribué gratuitement ce qui était presque un petit ordinateur à chaque foyer ! En 1984, nous avions fait à l’école un premier voyage-échange avec une école bretonne en étant reliés aux familles par la messagerie du minitel. Il avait fallu auparavant plusieurs réunions avec les parents à qui j’avais ouvert une BAL pour chacun (boite aux lettres électronique) pour leur expliquer comment cela marchait. Pendant la durée des huit jours du voyage, chaque soirée ils se réunissaient chez les plus dégourdis pour lire les messages que j’envoyais à tous et que les enfants écrivaient à chacun. Par la suite, chaque voyage-échange était fait ainsi, nous évitions les inquiétudes provoquées par l’absence lorsqu’au téléphone cette émotion se percevait dans la voix d’une maman ou de son enfant. Lors d’une classe de neige avec d’autres classes de plus grands, nous étions la seule classe avec des petits, à l’étonnement des autres enseignants il n’y avait eu aucun pleur parmi les enfants de chez nous.

Années 1990, on pouvait aussi avoir de nouveaux téléphones classiques dont on pouvait prendre le combiné et se balader dans l’appartement, discuter tout en remuant la sauce dans la casserole sur la gazinière sans arracher de fil.  

Années 2000, les téléphones mobiles se répandent. Ils sont liés au développement du numérique. Il n’y avait plus de prises à brancher, tout passait par les ondes au lieu de circuler dans des fils, ondes qui restaient d’ailleurs toujours un peu mystérieuses. Avant, on pouvait comprendre comment marchait un téléphone ordinaire : avec deux boites de conserve vides et une ficelle tendue entre elles, tu pigeais. On se régalait de faire faire l’expérience aux enfants de l’école. Va comprendre ce qui se passe quand on te dit que les paroles de ton correspondant vont se balader dans l’air, rebondir sur un satellite, revenir jusqu’à tes oreilles collées à un écouteur. Mais ces fameuses ondes ne passaient pas partout. En plus ces premiers mobiles étaient assez lourds avec une antenne. Mais voilà, l’excitation du progrès : ces mobiles se répandirent comme une trainée de poudre. Particularité : il suffisait de s’abonner à un « opérateur » et, suivant le forfait que tu payais, le nombre et la durée des communications pouvaient être sans limites. Les bavards n’avaient plus à écrire.

C’est arrivé à la retraite, en 1996, que j’ai succombé : il pouvait m’être utile lorsqu’en déplacement je ne me souvenais plus du lieu où j’avais rendez-vous et je ne m’en suis jamais servi pour autre chose. Ce premier téléphone portable ne servait… qu'à téléphoner. Fidèle au service public, je m’étais abonné à France Télécom, les PTT s’étant scindés en deux, la poste d’un côté, la téléphonie de l’autre. Je me demandais bien pourquoi cette scission, lorsque très vite la téléphonie fut privatisée : pardi ! C’était ce qui devenait rentable !

Et les téléphones portables devinrent les smartphones qui tenaient dans une poche. Un truc avec un écran sur lequel tu pouvais tout faire simplement en le touchant. Écrire, envoyer des messages sur les messageries internet, envoyer et recevoir la nouvelle forme d’écriture appelée SMS, chercher un bon restaurant, te faire guider pour trouver ta route, lire des bouquins, photographier et envoyer tes photos au monde entier… et même t’éclairer la nuit pour trouver la serrure de ta voiture. Il pouvait éventuellement servir… à téléphoner ! Quand je dis tout faire, c’est tout faire avec tes deux pouces, rien d’autre ! J’avoue que lorsque j’ai dû changer mon premier mobile qui ne marchait plus, j’ai eu et ai toujours du mal à me servir de cet engin même pour simplement téléphoner. D’abord les jeunes s’y sont rués et sont devenus les experts du nouveau langage écrit que sont les SMS, puis absolument tout le monde.

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Nous étions dans un Nouveau Monde, ce que n’avaient pas tout à fait réussi à transformer radicalement les seuls ordinateurs. Chacun se voyait relié en permanence, non seulement avec ses amis mais avec le monde entier et dans les rues, sur les plages, dans les transports partout on ne vit que des nez sur les minuscules écrans. Même la drague devenait difficile, à moins d’interpeler sa voisine par SMS. Aujourd’hui tu peux même voir sur ton écran la personne à qui tu téléphones, il faut alors éviter de laisser voir sur ton visage que l’autre t’ennuie ! Tu peux même, en les voyant sur l’écran, communiquer avec plusieurs personnes ensemble, sauf que tu ne peux pas trinquer avec elles ou les embrasser. D’ailleurs on ne dit plus « Téléphone-moi ! » mais « Appelle-moi ! » ou « Envoie-moi un SMS ! »

Aucun film de fiction n’avait imaginé cela.

Cela aurait pu n’être qu’une mode passagère. Mais il est pratiquement devenu impossible de s’en passer, à moins de devenir ermite dans une île inaccessible. C’est même une quasi-obligation. Tout cela est bien sûr dû au développement du numérique.

 Prochain chapitre : Le numérique - chapitres précédents

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