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Le blog de Bernard Collot
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24 avril 2023

1940-2021 (209) - Épilogue - XI Le contrôle, la surveillance, les règlements...

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Jusque dans les années 1980

Dans le Bugey, en pleine occupation, nous n’avons jamais vu l’occupant, même pas la gendarmerie du gouvernement de Pétain. Nous ignorions ce que subissaient les Parisiens. Il n’y avait pas la crainte de contrôles puisqu’il n’y en avait pas. Peut-être que dans certaines familles (dont la mienne) les enfants étaient un peu surveillés, tout au moins quand ils étaient dans l’enceinte de la maison, « As-tu fait tes devoirs ? » ou « Je t’avais dit de rentrer avant la nuit ! », cela pouvait se solder par une claque, mais cela n’allait pas très loin.

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Les plus surveillés et  contrôlés étaient les nomades, dans les campagnes on les appelait les bohémiens. Je les connaissais bien puisqu’à Moussac leur stationnement était à 50 m de l’école. Ils devaient avoir un carnet anthropométrique, dans lequel figuraient leurs photos face/profil, leurs empreintes digitales, des mensurations précises de leur corps et une liste de leurs caractéristiques et signes particuliers selon la méthode Bertillon qui s’appliquait d’ordinaire aux criminels et aux récidivistes… Chaque « nomade » devait en avoir un à partir de 13 ans et le chef de famille un autre collectif qui recensait toute la famille… Ils devaient le faire signer à l’arrivée et à la sortie de chaque endroit où ils stationnaient, dans lesquels ils ne pouvaient rester plus de 48 h. Nous voyions les gendarmes venir régulièrement pour les obliger à déguerpir au moins au bout de quelques jours. Une famille qui chaque année passait à Moussac avait trouvé le moyen d’y passer l’hiver : elle prétextait qu’un membre était malade. Elle devait avoir un autre carnet que le directeur d’école devait signer attestant que leurs enfants avaient bien été à l’école. Dans beaucoup d’écoles, toute la bande d’enfants arrivait le premier jour avec leurs mères… et le carnet. Normalement ce n’était qu’à leur départ que le carnet devait être signé, mais le faisant dès le premier jour, généralement on ne revoyait plus leurs enfants ensuite, ce qui arrangeait tout le monde et évitait à leurs mômes de passer leur temps au fond d’une classe à dessiner leur caravane. Comme nous avions lié des liens avec eux et qu’à force nous nous connaissions bien, ils faisaient un peu partie de l’école et pendant parfois un ou deux mois j’avais mon effectif qui grimpait notablement !

Dans les ateliers, les ouvriers étaient bien surveillés par un contremaitre, mais celui-ci connaissait le travail à effectuer puisque généralement il avait été repéré pour son savoir-faire, extirpé du lot et promu pour cela, peut-être aussi pour son obéissance aux demandes de l’employeur.

La gendarmerie avait bien assez à faire avec les vols ou bagarres, je ne pense pas que beaucoup de personnes avaient des papiers d’identité, ma mère en tout cas n’en a jamais eu. Le seul papier nécessaire était le permis de conduire pour ceux qui avaient une voiture mais les contrôles n’étaient pas fréquents, je connaissais des personnes qui ont conduit toute leur vie sans jamais l’avoir eu ; ceux d’alcoolémie n’existaient pas. Je n’avais vu les gendarmes qu’une fois, lorsqu’ils étaient venus dans l’école pour trouver ceux qui possédaient des lance-pierres et qui cassaient les tasses des poteaux électriques (tome 2). S’ils étaient parfois qualifiés de « pandores » ou plus généralement de « flics », ce n’est qu’en ville qu’on appelait la police « les poulets » et ils étaient cependant respectés, même par les truands. La plupart des transactions ou achats étant faits en numéraire, les déclarations de revenus sur des formulaires en papier, les contrôles ne pouvaient qu’être aléatoires et demander un temps infini et pas mal de commerçants ou artisans pouvaient en profiter comme un oncle boulanger qui s’en vantait même ce qui mettait mon père hors de lui.

À l’école il y avait bien de temps en temps l’école buissonnière, mais ce n’était pas une affaire d’État, l’instituteur n’avait pas à le signaler aux autorités, il réglait ça à sa façon, le signalait à la famille et c’était surtout elle qui prenait les mesures qu’elle jugeait nécessaires, souvent une bonne raclée ou la privation de quelque chose. À l’école primaire, je n’y ai jamais vu passer un inspecteur, mais je n’y suis resté qu’un an et demi à Chavanoz, après cela a été le cours complémentaire.

Dans ce cours complémentaire, je suis rentré dans le monde de la surveillance presque carcérale, mais il avait la réputation d’être un CC quasiment disciplinaire : ces enfants du petit peuple, d’ouvriers d’origine de tous pays, ne pouvaient être que de la racaille à dresser ! Nous étions sous l’œil permanent du directeur, de sa femme intendante et du surveillant. Même à la cantine, il fallait se dissimuler pour jeter le contenu de son assiette que l’on ne voulait pas manger dans du papier étalé sur les genoux et aller le jeter ensuite dans les WC… sans se faire prendre. On sait cependant que plus des enfants sont surveillés, plus certains vont tenter d’y échapper pour faire bien pire que ce que l’on avait imaginé (Tome 2).

 

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La vitesse n’a été officiellement limitée sur les routes et autoroutes que fin des années 1970, mais comme il n’y avait pas encore de radars, pas facile pour la gendarmerie de verbaliser. La vitesse comme l’alcoolémie au volant ne sont devenues un problème national que dans les années 1980 avec la création de la « Sécurité routière ». Je me souviens qu’en Bretagne, lorsque les soirées se terminaient un peu trop arrosées, il y avait un véritable réseau d’informations téléphoniques et avant de rentrer les amis qui me conduisaient ne partaient pas sans savoir où des contrôles avaient été repérés afin de les éviter. 

C’étaient surtout les vignerons du Beaujolais qui devaient faire attention à leurs déclarations de récoltes : comme ils avaient obtenu l’appellation contrôlée, la vente en AOC ne pouvait dépasser 50 hl/ha. Le « hors quantum », c’est-à-dire le même vin, ne pouvait être vendu dans le commerce que comme du vin ordinaire… ou non déclaré à leurs amis. Nous pouvions nous faire une collection de bouteilles pour pas cher ! Quant aux commerçants et artisans, comme pour les vignerons, les contrôles financiers demandaient plusieurs jours pour analyser tous les documents sur papier. Il aurait fallu une pléthore de contrôleurs aux différents ministères pour que les contrôles deviennent systématiques.

À l’école jusqu’en 1975.

 

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Enfant et au début de ma carrière d’instituteur, le seul moment que l’on peut appeler de contrôle était chaque mois la cérémonie des compositions mensuelles couchées sur un cahier spécial avec des notes allant de 0 à 10 (le 0 à 20, c’était au cours complémentaire ou au lycée). Il suffisait qu’il y ait la sacro-sainte dictée avec quelques questions de grammaire, des opérations de calcul et un problème d’arithmétique, une rédaction et cela suffisait. Ledit cahier était transmis aux familles, conservé dans l’école jusqu’à la fin de la scolarité et il n’allait pas plus loin, d’ailleurs personne ne le regardait ensuite, sauf parfois l’inspecteur pendant ses visites ou plus tard des élèves devenus adultes nostalgiques. Il était indispensable qu’il y ait le rouge réservé à l’instituteur pour montrer qu’il les corrigeait sérieusement. Enfin il y avait le carnet de notes avec indication du classement.

 

 

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Le redoublement n’était décidé que sur l’appréciation de l’instituteur s’il le jugeait nécessaire et n’était contesté par personne. Le point final était le certificat d’études primaires. On n’arrête pas de dire aujourd’hui « Ah ! Autrefois le niveau des élèves était bien plus élevé, il n’y a qu’à regarder les archives du certificat d’études, ils savaient tous écrire sans fautes et calculer ! ». Certes, on regarde et on ne brandit alors surtout que ce que faisaient les bons élèves. J’ai raconté dans le tome 3 que l’obtention du certif ne signifiait pas forcément que tous avaient acquis ce que l’école était censée leur faire acquérir.  

Il y avait bien un examen, pour les bons élèves qui le voulaient, la possibilité d’aller au cours complémentaire transformé ensuite en CES (Collège d’enseignement secondaire). Avec la mise en œuvre du collège unique en 1975, tous les élèves quittaient l’école primaire à dix ans pour aller en 6ème. Très vite les profs du collège furent confrontés à des élèves qui ne pouvaient suivre ou qui troublaient la bonne marche des cours, d’où la création de commissions d’entrée en sixième qui décidaient si tel ou tel enfant devait rester un an de plus à l’école primaire, c’étaient elles qui le notifiaient aux familles. Il fallut donc constituer un dossier pour chacun avec dans une grande enveloppe le cahier devenu cahier de contrôles et divers documents. J’ai raconté dans le tome 6 qu’in fine personne ne consultait vraiment ces documents et qu’in fine c’était la décision de l’instituteur de l’élève qui était adoptée.

 

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Ce n’est qu’à partir des années 1980 qu’il a fallu faire passer à divers stades de l’école primaire, le même jour pour toutes les écoles, des évaluations nationales, parfaitement codifiées, dont il fallait transmettre des résultats chiffrés à l’administration et aux parents. Si elles ne servaient à pas grand-chose pour améliorer les compétences des enfants, par contre cela a été un moyen de pression sur les enseignants et les établissements. Cette fois l’enseignement a surtout constitué pour beaucoup à préparer les élèves à ces évaluations. Au fur et à mesure il y a eu les bulletins mensuels obligatoires et identiques pour tous, de plus en plus compliqués, avec pour chaque ligne un A ou un B ou un C ou un D indiquant le niveau, presque aussi difficiles à comprendre pour les enseignants que pour les parents. Cela n’a pas empêché qu’une autre évaluation, internationale cette fois (PISA), indique que le système éducatif français régressait chaque fois dans le classement des meilleurs systèmes éducatifs. Parmi les meilleurs il y a toujours eu le système finlandais qui, à l’encontre des autres, était celui où la pression sur les élèves et les enseignants était la moindre. « Oui mais la Finlande ce n’est pas la France ! » Regarder ailleurs : on nous assène toujours l’exemple des pays qu’il faudrait suivre, seulement lorsque cela arrange !

 

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Pour nous les instituteurs, a commencé peu à peu l’accumulation des instructions à respecter, des contrôles chiffrés à faire exécuter et à communiquer à l’administration. Les inspecteurs commençaient toujours par vérifier si nous étions bien dans les horaires de l’emploi du temps affiché, si dans celui-ci la durée de chaque matière durait bien le nombre d’heures qui devaient lui être consacrées chaque semaine, si nous étions bien dans la progression fixée par les programmes… Il fallait que nous soyons conformes à ce qui était attendu par l’administration, pas aux besoins des enfants. On nous rappelait que nous étions d’abord des fonctionnaires. À partir des années 1980, les inspecteurs prévenaient l’école de leur arrivée quelques jours ou quelques semaines avant. Dans le mouvement Freinet courait ce conseil : « Lorsque tu es prévenu de son arrivée, tu te conformes à ses marottes. Une fois qu’il est passé, tu fais ce que tu veux ! ».

Bref, la pédagogie devait se débrouiller pour que les élèves soient conformes dans des temps déterminés à ce que des chiffres et des statistiques demandaient. Pour ma part, j’avoue sans honte que j’avais appris comment tricher !

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Aujourd’hui tout est évalué, comparé, surveillé, réglementé.

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C’est avec le numérique que nous sommes vraiment rentrés dans la société de surveillance et de contrôle. Les radars sur les routes, les caméras de vidéosurveillance, le contrôle technique de ta voiture, le contrôle des vaccinations obligatoires, chômeur le contrôle si tu cherches bien des emplois, etc., etc. Tu ne peux plus rien cacher, même si tu n’as rien à cacher. Les contrôleurs, tu ne les vois même plus : comme tu es de facto obligé d’avoir un ordinateur ou un smartphone et d’avoir une adresse sur internet et que tout devient « dématérialisé », l’État, les banques, les grands groupes de commerce, les opérateurs téléphoniques… savent tout de toi, même où tu es avec les GPS que tu trimballes dans ta voiture ou qui sont inclus dans ton smartphone. Ils n’ont même pas besoin de se fatiguer : des algorithmes leur permettent en un ou deux clics de trouver ce qu’ils cherchent à savoir.

Je n’ai pas besoin d’évoquer les contrôles d’identité au faciès dans les banlieues. Plus personne ne peut être « sans papier », ce qui est encore plus grave que d’être sans domicile fixe et dormir dans la rue. Tout ce qui ne semble pas conforme est suspect. En 1975 j’ai eu pendant deux ou trois ans une vieille 2 CV camionnette rouillée, il est vrai que je l’avais bêtement décorée avec des autocollants du genre « non au nucléaire » et que j’étais barbu et chevelu : au moindre képi sur les routes, j’étais bon pour me garer sur le bas-côté et présenter mes papiers.

Je n’ai pas besoin d’évoquer les caméras de surveillance, la reconnaissance faciale, etc. Ou les cartes d’identité, permis de conduire biométriques qu’une machine lit et vérifie en moins d’une seconde. Bien sûr tout cela n’est fait que pour notre sécurité, pour empêcher les cambriolages ou autres escroqueries. Pourquoi s’inquiéter si l’on n’a rien à se reprocher disent les braves gens ?

 

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En Sancerrois, tes amis vignerons ne peuvent même plus te vendre des bouteilles moins chères et non facturées comme ils le faisaient autrefois dans le Beaujolais : tout doit être déclaré, depuis le nombre de pieds de vigne plantés (ou arrachés !) par ares ou hectares, le nombre d’hectolitres récoltés,  le marc (ce qui reste de la grappe après son pressurage), la lie et la tourbe qui se déposent pendant la décantation, les hectolitres qui dépassent le maximum autorisé suivant les appellations,  tout cela ils doivent le donner à la distillerie de l’État  et cela doit correspondent à la quantité récoltée déclarée, les bouteilles qu’ils ont ouvertes pour leur propre consommation, etc., et bien sûr toutes les factures  des ventes de façon que le stock restant corresponde bien à tout cela ! L’un d’entre eux me disait que lors des contrôles il était impossible qu’un seul vigneron échappe à une ou deux amendes ! En Sancerrois, ce sont toutes de petites exploitations mais il est impossible que l’une d’entre elles n’ait pas un comptable et un secrétariat avec de l’informatique.

 

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Même dans le domaine de la santé on sait tout de toi avec ta carte vitale qui facilite pourtant tellement les remboursements. Lors de la « crise du COVID », si officiellement la vaccination anti-covid, pardon, les vaccinations n’étaient pas obligatoires, par contre il fallait avoir la preuve sur ton smartphone que tu avais bien été piqué pour rentrer boire un café dans un bar, et c’était même le barman qui devait le vérifier sous peine d’être sanctionné lui-même. Le contrôle a même atteint des sommets ubuesques puis qu’il fallait que tu t’auto-autorises toi-même à sortir en signant le papier indiquant la raison autorisée pour laquelle tu quittais ta maison.  Dès que j’ai eu dépassé la soixantaine, j’ai reçu chaque année un rappel de la sécu m’indiquant qu’il fallait absolument que je me vaccine contre la grippe. Les rares fois que je suis allé chez mon toubib (c’était pour y amener mon fils qui avait besoin d’un certificat médical pour faire du sport), il me prescrivait une analyse de sang : « Je sais bien que vous n’allez pas la faire comme les précédentes, mais je serais responsable si je ne le prescrivais pas ! »

 

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Tout est réglementé. Aujourd’hui, personne ne peut plus construire ce qu’il veut, où il veut, comme il veut. Tout doit être conforme et soumis à l’avance à un permis, l’installation électrique, les eaux usées, les matériaux utilisés, les ouvertures… bientôt la manière de se chauffer. Même installer une yourte, un hangar, voire une cabane dans les arbres sur son terrain et qui ne gênent personne sont soumis à autorisation. C’est souvent un bien, mais seules les multinationales de l’immobilier contournent la loi ou obtiennent des dérogations lorsqu’elles défigurent par exemple le littoral. Au collège où était mon dernier fils, à chaque rentrée les collégiens et leurs parents doivent signer le règlement qui indique tous les interdits à respecter.

La société des interdits.

 

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S’il n’y avait que les sens interdits ! Pour le moindre acte ordinaire, il faut vérifier s’il n’est pas interdit. Nous sommes considérés comme des citoyens incapables de vivre ensemble sans que cela soit précisé comment nous devons vivre ensemble. Il est vrai qu’à force d’avoir démoli toutes les petites structures, qu’elles soient scolaires, sociales, économiques et autres il n’y a plus tellement d’endroits où le vivre ensemble est naturellement possible, où son fonctionnement ce soit instauré et conforté dans la longue expérience d’un social-historique. Il n’y a bien que dans les dernières microsociétés étudiées par les ethnologues qu’existent encore des vivre ensemble naturels. Nous ne vivons plus ensemble que comme un État nous indique comment le faire et surtout ce que nous ne pouvons pas faire. D’ailleurs il y a effectivement des choses le plus banales que nous ne pouvons plus faire.

106313-5f84aa70da498-5f84a9efdaaab-20200829_181639_1Déjà, en 1964, lorsque j’avais emmené pour la première fois ma classe à Paris, j’avais été obligé d’expliquer aux garçons « Lorsque vous serez à Paris, surtout n’allez pas pisser contre un arbre, c’est interdit, il faut que vous trouviez une pissotière ! »  ce qui avait entrainé d’ailleurs une drôle d’aventure (tome 3).

Le problème, c’est que lorsque l’on veut tout régenter par des droits et des non-droits, leur liste n’arrive pas à être exhaustive. C’est ainsi que mon fils et un de ses copains se régalaient à exaspérer les surveillants et la direction en rétorquant pour pas mal d’incartades « Ce n’est pas interdit dans le règlement ! »

 

Dans absolument tous les domaines, nous devons passer notre temps à rendre des comptes, à solliciter des autorisations, à prouver, à déclarer, déclarer, déclarer ! Il n’y plus que pour la déclaration d’impôts que les salariés n’ont plus rien à faire : l’État sait maintenant le moindre sou qui t’a été versé. Il n’empêche que tu as intérêt à bien conserver toutes tes fiches de paye parce que pour pouvoir toucher ta retraite il va bien falloir que tu prouves que tu as bien fait tes 43 annuités (et pas années !) de travail. Si tu es un féru d’informatique, pour ne pas avoir des tonnes de documents qui s’entassent et dans lesquelles tu vas avoir du mal à retrouver celui qui un jour devient indispensable de fournir, tu peux tout mettre dans un ordinateur, à condition de savoir comment les classer et surtout de les sauvegarder, en espérant que le disque ou la clef sur lesquels tu l’as fait pourront toujours être lus quelques années plus tard par des ordinateurs dont la technologie aura totalement changée.

Nous sommes dans le contrôle continu. Les lycéens en savent quelque chose. C’était pour leur bien. « C’est pour votre bien ! » l’expression récurrente qui doit tout faire accepter. Bien sûr, il pouvait paraître juste que c’était ainsi que les bons élèves ne risquaient plus de louper leur bac parce que ce jour ils n’auraient pas été en forme. Mais, de ce fait, la pression sur ces jeunes est devenue constante. Le possible plaisir d’apprendre pour apprendre a été remplacé, pour eux comme pour leurs profs, par la préparation toute l’année à des contrôles successifs. Les années d’études dans les universités qui devraient être les plus belles années de la jeunesse et qui l’ont été, sont maintenant consacrées à préparer sans cesse des partiels. 

 

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Le maître mot est devenu évaluation. Fixer la valeur de quelque chose, synonymes : apprécier, coter, déterminer, estimer, expertiser, jauger, juger, mesurer, noter, supputer. Il faut même s’autoévaluer. Pour que cela apparaisse comme bon enfant, au travail on appelle cela l’entretien annuel avec les salariés, comme s’il n’y avait aucun risque pour eux. À l’école on passe beaucoup plus de temps à évaluer qu’à apprendre. L’État lui évalue tout : les résultats chiffrés de l’école, de l’économie, du commerce, de l’agriculture, de l’industrie, de l’émigration, de la vaccination… tout cela devant rentrer dans des statistiques. Ce sont à partir de ces chiffres qu’il prend et impose ses décisions.

Le problème, c’est que nous ne nous en rendons plus compte.

Autrement dit, l’humain n’a plus strictement aucune importance, lui aussi est dans les chiffres, mais existe-t-il encore ?

Prochian chapitre: sécurité, responsabilité - chapitres précédents

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Commentaires
S
Comme on nous prend vraiment pour des idiots, on a même transformé le mot "surveillance" en " protection". Ainsi, il y a quelques semaines mon village a installé des caméras de vidéo-protection. C'est même pas une blague.
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