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Le blog de Bernard Collot
Le blog de Bernard Collot
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27 septembre 2011

Parents... mains liées !

Grève des profs. Je suis très souvent embarrassé quand je m’interroge sur les motifs d’une grève des profs et l’intérêt ou le désintérêt qu’il faudrait leur accorder. Par exemple lorsqu’ils s’élèvent contre la suppression des RASED, je les comprends tout en me disant que les dits RASED ne sont que la conséquence d’un système qui produit les maux qu’il essaie ensuite de réparer. Leurs revendications sont toujours justifiées dans l’instant mais sont rarement porteuses d’un autre avenir. Mais je me dis qu’ils n’y sont pour rien, tout au moins pas plus que tout le monde.

Bon, aujourd’hui c’est clair, il s’agit de protester contre la disparition massive de profs. Dans le système actuel comme d’ailleurs dans un autre système, cette suppression n’est certainement pas le bon moyen de l’améliorer quand en plus il n’y a aucune autre disposition crédible qui puisse laisser espérer une amélioration.

Donc, hier matin je me décide, je vais soutenir cette grève en tant que parent conscient et citoyen assumé. Je décide de ne pas envoyer mon garçon au collège en indiquant publiquement le motif de son absence.

Aïe ! Pas un prof de la classe de mon fils ne fait grève ! Qu’à cela ne tienne, au contraire mon refus d’envoyer mon rejeton en classe, ma grève de parent n’aura que plus de sens. Et puis c’est une belle journée que la météo annonce, on ira à la pêche !

Surprise ! Mon fils n’est pas du tout d’accord : « Il va falloir que je passe des heures mercredi à recopier ce que les autres auront écrit sur leurs cahiers (et il y en a !) au lieu d’aller au tennis. Je vais être repéré par les profs qui ne vont pas être contents. Je vais être tout seul à ne pas y aller. J’aime mieux… que tu t’écrases ! » Il n’a pas tout à fait tort. Il a déjà subi les « C’est pas parce que ton père pense que… Je me fiche de ce que pense ton père… Tu es bien le fils à ton père… Pas étonnant avec un père comme ça… ». J’en passe et des meilleures.

Et voilà ! Otage des profs en grève ? Otage des profs pas en grève ? Otage des parents qui veulent faire grève ?

Nous avons discuté avec sa mère. Les mères ont toujours l’avantage de faire passer l’enfant avant la politique, même si la politique va à l’encontre de l’enfant. Elles ne l’instrumentalisent jamais. J’ai cédé, raisonnablement pensais-je, aujourd’hui il est allé au collège. Toujours des choix à faire.

Mais ce qui n’est qu’une anecdote qui ne porte pas à grande conséquence, reflète un état de fait bien réel. Il est très difficile à un parent de réagir et de le manifester même tranquillement. De faire une observation, une remarque, d’exprimer un désaccord, pire, de justifier un désaccord. On se demande toujours comment cela va être pris et on subodore toujours les conséquences que va subir l’enfant. Et ce n’est pas une vue de l’esprit. Il n’est pas évident ni facile pour les enseignants pris dans les pressions multiples, fragilisés pour beaucoup, de ne pas prendre la moindre divergence pour une attaque, de ne pas inclure l’enfant dans une hypothétique complicité avec le parent. Il n’est pas évident ni facile pour l’enfant non plus d’apparaître aux yeux des profs et de ses copains comme le fils ou la fille de « l’emmerdeur » ou de « l’emmerdeuse ». D’assumer ses parents ou d’être confondu avec eux.

Alors, le plus souvent nous nous taisons et personne ne peut nous en vouloir.

Mais ce faisant nous cautionnons même le pire.

Un autre de mes fils revint un jour du lycée avec son bulletin. L’appréciation du prof de physique l’était dans des termes carrément injurieux, même si on pouvait penser qu’il voulait faire de l’humour : « Branleur qui ferait mieux de faire autre chose que de la physique, n’a aucune chance de comprendre quoi que ce soit, etc. ». Vous imaginez mon coup de sang. L’école est un espace où s’applique aussi le droit commun. Même dans l’armée il est reconnu aujourd’hui qu’elle ne peut plus échapper à cela. Propos injurieux, émanant d’une personne en position d’autorité, propos écrits dans une pièce officielle… c’était bien au-delà d’une faute professionnelle elle aussi patente. J’indiquais à mon fils presque majeur que j’allais porter plainte. « Ne fais surtout pas cela ! Tout le monde le connaît, il va me le faire payer cher ! Et cela va me mettre à dos les autres profs. Laisse-moi finir mon année tranquille ! Depuis le temps qu’il m’a en grippe cela ne me fait plus ni chaud ni froid ! »

Et je suis resté silencieux… et ai été très mal pendant quelques temps. Et il n’y a pas beaucoup de recours ou de possibilité avec les personnes morales que devraient être les associations de parents dont le souci principal est instinctivement de rester en bons termes avec l’institution… pour leurs propres enfants.

 Nous, parents, avons le plus souvent les mains liées, même si nous nous les lions nous-mêmes avec des raisons incertaines. Parce que nous sommes avant tout affectivement parent avant d’être politiquement parent. Il ne nous reste que les pieds à traîner. Ou à aller exploser dans une cour de récré et faire la une des médias. L’école est devenue un Etat dans l’Etat qui ne peut tolérer que la soumission de tous ou provoquer la révolte de quelques-uns.

 Une école du 3ème type est bien évidemment fondée sur d’autres rapports entre les différents acteurs qui constituent la communauté éducative parce que la conception différente de l’acte éducatif, la construction des personnes cognitives et sociales, les finalités d’un espace scolaire, le nécessitent.

 Au fait, je souhaite dans l’immédiat que la grève des enseignants ait un succès massif ! Mais l’immédiat occulte souvent le reste et en particulier l’avenir.

Tous les billets à propos des parents : http://education3.canalblog.com/tag/parents

L'appel pour le choix d'une "autre école" : http://appelecolesdifferentes.blogspot.fr/

Commentaires
L
Je ne pensais pas qu'il était possible d'avoir de tels commentaires sur un bulletin. Jamais je n'ai été confrontée à cela, ni pour moi ni pour mes enfants. Je peux comprendre qu'un état d'énervement passager puisse conduire un enseignant à un dérapage verbal mais sur un bulletin, la réflexion est faite "à froid". De plus, je trouve étonnant que l'équipe éducative laisse passer ce genre de choses, je pense que le rôle d'un professeur principal est de tempérer. Sans doute, aucun collègue n'a fait attention à ce qui avait été écrit sur le bulletin. Je pense que ce sujet peut être abordé en conseil de classe par le parent délégué, surtout s'il y a d'autres cas avérés. Il n'est bien sur pas question de porter plainte mais de bien faire comprendre que le vocabulaire employé est intolérable, en effet rien que le terme "branleur" qui fait partie du registre grossier n'a pas sa place dans ce contexte. Je pense être patiente et diplomate à mes heures mais je crois que dans certains cas, il faut être ferme, tout en restant poli évidemment.
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P
En tant que "fille d'emmerdeurs" et actuellement en passe de devenir une "emmerdeuse" au collège, votre article fait avancer ma réflexion. jusqu'où pousser le côté emmerdeur ? Où commencer à respecter l'envie primaire de mon fiston de ne pas se faire remarquer... ?<br /> <br /> Au passage, je vous redécouvre après un changement d'ordi et une copine qui m'a redonné le lien bien longtemps après... Et vos commentaires sur l'école et maintenant le collège, j'avoue qu'ils me redonnent confiance dans les choix faits pour nos enfants, pas tout à fait 3° type..peut-être 2°1/2 ?? Toujours est-il que je vous lis et je me dis "ouf, chez nous c'est un peu différent !!" ;-)<br /> <br /> Cette fois je n'attendrai pas plusieurs mois pour revenir vous lire (ah oui, j'oubliais : passionnantes vos chroniques sur le langage !!)<br /> <br /> Merci !
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B
J'ai beaucoup apprécié vos commentaires : au lieu de reprocher ou d'accuser des individus d'être la cause de faits et de méfaits auxquels ils sont liés, vous élargissez le sujet. Je crois comme vous que ce n'est que comme cela que l'on pourra se sortir des spirales qui conduisent droit dans les murs. Mais ce n'est pas le plus facile !
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B
Bonjour,<br /> <br /> Je partage votre point de vue par rapport à la posture des parents face à l'institution scolaire. L'expression "mains liées" est bien choisie.<br /> Ce n'est pas facile dans certains cas surtout si on tombe face à de véritables cons tel le professeur de physique d'un de vos enfants.<br /> <br /> Comment rester constructif ?<br /> <br /> Il me semble que c'est tout le système qui est comme sclérosé par ce renoncement au dialogue, ces idées reçues qui persistent ( depuis l'époque de J.Ferry déjà):le prof fainéant qui râle tout le temps et le parent chieur submergé par l'affectif...<br /> <br /> Sarkozy a accentué ce "quiproquo", entretenu cette division pour l'intérêt de sa propre caste.<br /> Comment se portera le système en 2017 s'il est réélu en 2012?<br /> <br /> Peut-on dire que nous ne sommes pas prêts, je vous cite, "pour une école du 3ème type" par exemple ?<br /> <br /> A l'échelle du temps, je dirais oui en ce qui concerne la société française.D'autres pays sont plus en avance ( pays scandinaves par exemple).<br /> <br /> Nous sommes encore trop jeunes, trop violents,trop tournés vers la compétition ( qui sert à quoi?), vers cette espèce de mauvais "tri sélectif" qui est la cause même de tous nos maux.<br /> <br /> Quelquefois, je me dis que j'aimerais naître dans un ou deux siècles.<br /> <br /> L'homme sera-t-il plus raisonnable ?<br /> <br /> Cordialement.<br /> <br /> Benjamin Barbier
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C
Merci Bernard pour ce long texte qui n'affirme rien mais nous pose des pistes de réflexion personnelle sur... En te lisant, je me suis souvenue de situations identiques anciennes ou plus récentes.Voici ce qu'elles m'ont inspiré:<br /> Pour mon aîné, je voulais être irréprochable "Super Mama", au second, j'avais un peu moins de temps...au quatrième, beaucoup moins de certitudes et commençait à germer l'idée que cette autonomie que j'essayais de cultiver chez tous avait pour terreau la confiance mutuelle. Etait-il essentiel que mes enfants se sentent compris, épaulés dans la vie en général ou que je n'agisse qu'en fonction de "l'image" potentielle qui serait la mienne auprès des autres (parents, copains,famille, enseignants etc....)? A chaque fois que mon petit dernier me dit de laisser tomber, qu'il gère, je lui fais <br /> confiance. Après tout c'est SA vie, celle où j'ai de moins en moins à mettre mon nez. Qu'elle soit scolaire ou amoureuse ou...il y passe de plus en plus d'heures sans moi et c'est heureux. Les aînés vont et viennent, sont parfois absents ou silencieux plusieurs jours ou plusieurs semaines mais savent que je suis là en cas de besoin et c'est bien l'essentiel. Leur frère suit ce chemin de vie, à son niveau. Les parents d'aujourd'hui sont souvent à la fois trop et pas assez présents: intrusifs bien plus que les générations précédentes ne le furent, parfois désespérément à la recherche d'un lien "copain" "complice" à mon humble avis déplacé. La complicité, comme la coopération, comme l'amitié, l'amour et toutes ces relations humaines complexes ne se décrète pas, elle se construit, comme l'être, comme les savoirs, par l'exemple, par l'échange positif, et son temps n'est pas celui, accéléré et chronométré d'une société sans repères, déboussolée, consumériste. Si tous les animaux ne nous ressemblent pas, nous serions bien inspirés parfois de nous inspirer de l'exemple de certains d'entre eux...Nous n'épargnerons jamais à nos enfants la rencontre avec la bêtise, la barbarie, l'absurde, la violence. Les encourager à résister mais ne pas résister "pour eux" car notre monde, celui qui nous a forgé est déjà du passé et le leur est à inventer. Amicalement "vu de la Lune" <br /> :)
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