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Le blog de Bernard Collot
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27 novembre 2020

Le problème de l’IEF ou celui de l’école publique ?

vieux

Les intentions du président de la République d’empêcher l’instruction en famille, d’obliger tous les enfants à être scolarisé dès 3 ans  et de rendre encore plus conformes les écoles alternatives devraient, a contrario, poser LE vrai problème.

Bien sûr que le problème ce ne sont pas l’IEF et les écoles alternatives mais bien l’école publique.

En elle-même l’école publique n’est pas à rejeter et devrait bien être un espace de rencontres des enfants avec d’autres enfants, d’autres adultes, d’autres environnements, d’autres découvertes, d’autres explorations cognitives, d’autres organisations sociales, de la poursuite de la construction de la socialité, du vivre ensemble.

- Encore faudrait-il que soit abordée sa finalité par l’ensemble des citoyens puisqu’elle concerne leurs enfants. Cela n’a jamais été fait. Ceux qui l’ont créée (Guizot, Jules Ferry) puis dirigée l’ont fait pour répondre aux besoins des États successifs, de l’ère industrielle puis de l’économie de marché et ne s’en sont jamais caché. L’école et le système éducatif sont d’ailleurs à peu près  identiques à ce qu’ils étaient à l’origine.

- Encore faudrait-il qu’elle[1] puisse répondre aux besoins vitaux des enfants, besoins physiques, psychologiques, affectifs et ne pas à l’inverse les contrecarrer.

- Encore faudrait-il qu’elle puisse dès l’enfance faire vivre le premier mot de ce qui est écrit au fronton de la République : liberté. Ce mot n’a jamais été prononcé par aucun de ses fondateurs, leurs successeurs et ceux qui devraient être élus pour le faire respecter. Il est curieux que l’école « de la République » ne fasse pas vivre ce mot (pas plus que celui de démocratie) par les enfants qu’elle veut éduquer républicainement.

- Encore faudrait-il qu’elle comprenne que l’égalité qu’elle prône n’est que celle de l’uniformité et de la standardisation d’enfants transformés en élèves.

- Encore faudrait-il qu’elle comprenne que contraindre des enfants à des horaires et des rythmes qui ne sont pas les leurs, à l’immobilité ou à la mobilité contrôlée à longueur de journées, à l’empêchement de toute initiative, à l’exécution de tâches n’ayant aucun sens immédiat, à l’écoute d’une seule personne et à la restriction de l’expression et de l’interrelation spontanée avec d’autres enfants, est contraire au développement et à l’épanouissement de tout être social.

- Encore faudrait-il qu’elle comprenne que confiner des enfants en nombre dans des espaces clos est contraire à toutes les lois naturelles du développement et de l’épanouissement physique, mental et psychique.

- Encore faudrait-il qu’elle admette que tous les enfants sont différents et qu’il est impossible de les « conduire » comme on conduit un troupeau ou comme on conduit un élevage en batterie, quelles que soient les « méthodes » utilisées et appliquées uniformément.

- Encore faudrait-il qu’elle comprenne que l’on n’arrache pas un enfant dès trois ans à sa famille sans conséquences affectives, psychologiques et cognitives (obligation).

-Encore faudrait-il qu’un ministre de l’EN, son administration et tous les enseignants aient l’humilité  d’accepter qu’ils n’ont aucune certitude de comment un enfant apprend, de ce qu’il doit apprendre, de quand il peut l’apprendre.

- Encore faudrait-il qu’elle admette que les apprentissages qu’elle pense être la seule à pouvoir faire réaliser s’effectuent en réalité dans toutes les interactions et interrelations dans les environnements physiques et sociaux des enfants. En leur prenant l’essentiel de leur temps de construction en adultes autonomes et sociaux (de 3 à 16 ans, de 8H à 18H), en les enfermant dans son seul espace, elle empêche justement TOUS les enfants de développer toutes leurs potentialités.

- Encore faudrait-il qu'elle admette que trier des enfants par âges, les faire passer dans des maillons successifs (classes) pour que des opérateurs (enseignants) greffent ce qu'un programme découpé dans le temps et par matières leur a dit de greffer (enseigner) en contrôlant artificiellement que les greffes (savoirs) ont bien pris, c'est le même processus qu'une chaine industrielle qui traite des objets devant être standardisés pour une production de masse.

- Encore faudrait-il que depuis Montaigne, « l’enfant n’est pas un vase qu’on remplit », elle ait compris ce que même les récentes sciences neurobiologiques, neurocognitives, psychologiques… disent.

- Encore faudrait-il qu’elle admette que l’IEF et en particulier le unschooling ainsi que les écoles alternatives sont les laboratoires qu’elle ne peut ou ne veut être à observer et qu’elle pourrait tirer des enseignements de ce qui s’y démontre.

- Encore faudrait-il qu’elle admette que les parents biologiquement responsables de la survie et du devenir de leurs progéniture ne peuvent être déresponsabilisés quotidiennement et tenus à l’écart de ce que l’État décide et fait de leurs enfants, quand en même temps ils sont tenus responsables et justiciables de leur non-conformité ou de leur insoumission à ce qui est devenu leur « mère éducative ».

- Encore faudrait-il qu’elle puisse offrir une liberté de choix aux familles et aux enfants parmi les diverses conceptions reconnues des apprentissages et de la socialisation (pédagogies), la liberté pédagogique n’étant reconnue qu’aux enseignants… et elle est très relative dans le cadre des instructions leur disant ce qu’ils doivent faire !

- Encore faudrait-il qu’elle favorise les pédagogies (qui ne sont pas des « méthodes ») pourtant reconnues universellement comme la pédagogie Freinet et n’empêche pas des enseignants de les appliquer pleinement ou les restreint parce que ne rentrant pas dans la logique et la finalité actuelle du système éducatif [2].

- Encore faudrait-il qu’elle ne jauge pas sa propre réussite par les réussites chiffrées à ses contrôles ou par l’obtention de diplômes. Faudrait-il qu’elle ne condamne pas les enfants à courir à longueur de temps après des notes, des satisfécits jusqu’à ne plus être autre chose que ce que des appréciations ou des chiffres disent d’eux, qu’elle ne les condamne pas à n’avoir plus qu’à éviter des sanctions ou obtenir des récompenses.

 - Encore faudrait-il qu’elle comprenne que c’est elle qui fait fuir familles et enfants et même des enseignants.

- Encore faudrait-il qu’elle comprenne que si elle est bien la matrice de notre société, ce sont bien ceux formés par elle-même, telle elle a été et est toujours, qui sont incapables d’empêcher le désastre social, sociétal comme environnemental que tout le monde subit.

[1] « elle » : l’école publique. J’aurais pu employer « il », le président, « il » le ministre de l’EN, « ils » les élus,  « ils » président, ministre, élus, administration, enseignants. Mais « elle », l’école publique, c’est tout cela.

[2] Les enseignants qui veulent pratiquer la pédagogie Freinet sont obligés de se co-former pendant leurs vacances avec les militants des groupes départementaux Freinet, en autogestion et à leurs frais. Ceux qui veulent se former à la méthode Montessori doivent l’être par les formateurs de  l’association Montessori-France, pendant leurs vacances et cette formation est payante.

Commentaires
U
Entièrement d'accord, j'ai enquêté sur le ressenti des élèves en difficulté et réalisé le film documentaire "MAUVAIS ELEVES" qui dénonce ce système de formatage a grande échelle (https://www.youtube.com/watch?v=_p8lk_XvpvA ) . Pour les séparatismes qu'engendrent l'école, voici un résumé : https://blogs.mediapart.fr/nicolas-ubelmann/blog/081220/l-ecole-renforce-t-elle-les-separatismes/commentaires
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M
"Parents vous n'aimez pas vos enfants, la preuve en est que vous les mettez à l'école " Lire...la suite...<br /> <br /> Yves Véquaud - février 1980 LE MONDE
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J
Merci pour votre réponse Bernard. Je n'ai pas eu l'occasion de lire tous vos messages mais je suis content qu'on ne soit pas en désaccord. Et comme vous le soulignez, les parents n'ont parfois pas le choix et j'en suis conscient.<br /> <br /> Je pense juste que la bataille pour une autre éducation passe par l'Education Nationale. Il faut se battre pour pouvoir enseigner autrement. C'est en tout cas mon combat !
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J
Monsieur Collot<br /> <br /> J'ai un profond respect pour ce que vous avez fait et je suis admiratif de vos anciennes pratiques. Amoureux des conflits socio-cognitifs, je suis sûr que vous ne m'en voudrez pas d'exprimer un chant dissonant dans cette chorale si uniforme ! ;)<br /> <br /> Je ne pense pas que le Président, le premier ministre ou encore l'EN soient les grands responsables de cette situation (même si c'est certain ils ne font rien pour arranger les choses !!). Nous sommes tous responsables. Quand un enseignant essaie une pédagogie un peu différente, qu'il ne met pas les évaluations, les devoirs, les programmes au centre de son enseignement, qui lui tombent dessus en premier ? Ce n'est pas l'IEN ! Cela fait vingt ans que j'enseigne et je peux vous dire que ceux qui ont essayé de m'empêcher d'enseigner différemment, ce ne sont pas mes inspecteurs mais les parents. Bien sûr, comme vous j'ai communiqué, j'ai invité les parents dans l'école mais que d'efforts. Combien ont abandonné sur la route ?<br /> <br /> Je n'essaie pas d'opposer les parents, les enseignants, l'institution et quand je dis "parents", je parle de nous tous, je parle de la Société. Et l'Education est bel et bien un projet politique. <br /> <br /> Alors je le dis la tête haute, je ne suis pas pour l'IEF (je sens déjà les lames de couteaux s'aiguiser !!). La pierre angulaire de votre enseignement a toujours été (et devrait être pour tout enseignant) la socialisation. Quoi de plus beau que cet élève de CM2 qui aurait été catalogué dans beaucoup d'écoles "en difficulté" qui aide ses jeunes camarades en cartographie et devient le tuteur, le maître. L'enfant ne peut évoluer correctement et ne veut vouloir évoluer que parce qu'il y a l'autre surtout les autres. Vouloir enlever cette socialisation dans l'enseignement me semble une grave erreur. De plus avoir pour enseignant son parent empêche cette neutralité bienveillante qui est un garde-fou contre toutes les dérives. Dans un monde parfait où le parent n'aurait aucune attente pour ses enfants, où il les éduquerait exactement de la même manière et où il maîtriserait parfaitement ses affects les concernant, oui cela serait peut-être possible mais nous savons bien que nous ne sommes pas comme cela.<br /> <br /> De plus, que certains pensent que tout le monde peut devenir du jour au lendemain enseignant me semble également un fourvoiement. Croire que l'on peut enseigner comme vous en claquant des doigts, en lisant trois ou quatre de vos livres suffiront pour lancer une école de la démocratie ou de devenir "facilitateur d'apprentissage", c'est encore une fois une grave illusion. Tout enseignant expérimenté peut voir dans vos pratiques la grande maîtrise pédagogique, l'extrême réflexion et les années de tâtonnement pour en arriver là. Votre modestie légendaire vous bâillonne à ce sujet même si parfois vous précisez qu'il ne faut pas voir trop grand tout de suite mais il faut parler de l'importance de l'expertise, de la maîtr-ise, du métier d'enseignant. Oui il y a des enseignants qui ne maîtrisent rien, qui sont parfois moins compétents que de nombreux parents mais il faut parler également de tous ces enseignants qui font un travail remarquable, qui se battent contre ce système dans le système, parce qu'ils croient en l'égalité des chances. <br /> <br /> Et c'est sur ce dernier point que je terminerai (désolé pour la longueur !!). Vous faites une analogie entre l'Education et le système agro-alimentaire. Vous dites que l'Education Nationale est une production de masse mais que prône l'IFE, l'auto-alimentation ? On ne parle pas d'une autre agriculture, locale, en circuit court, biologique. Non, on parle que chacun cultive dans son jardin, par ses propres moyens et tant pis si on n'a pas de jardin, si le sol est pauvre ou si il y a personne pour arroser ! Il ne faudrait pas oublier non plus les autres raisons qui ont fait que l'école est devenue obligatoire. Je ne vais pas ressasser les discours idéologiques de l'école républicaine et laïque mais n'oubliez quand même pas que cela a permis que tout le monde puisse avoir une instruction, et en premier lieu les filles !! et que cela a permis à des enfants de ne pas aller dans les champs ou les mines dès 8 ans. On parle d'écoles démocratiques mais la démocratie passe par là et même si ce n'est pas un système parfait, loin de là, il a le mérite d'exister. Oui l'enseignement est politique. Et dans une société où tous les gens se renferment sur leur petite personne et ou l'individualisme est roi, je me refuse à défendre une éducation de préceptorat.<br /> <br /> Bien à vous en espérant que vos nombreux projets et rêves se réalisent.
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F
Merci pour ce texte ! et merci pour la réponse au commentaire... Oui, continuons de rêver une école qui respecterait l'enfant, l'humain,... mais pas au prix des enfants d'aujourd'hui ! Notre famille a "choisi" l'IEF parce que nous n'avions pas le choix : la liberté et l'épanouissement de nos enfants n'attendra pas que l'école aille mieux - par une sorte de miracle - quand on sait à quel point tout va dans l'autre sens (sauf les admirables bonnes volontés de certains enseignants qui y croient encore...!). Et peut être que ce seront nos libres enfants qui sauront demain réinventer cette école, parce qu'ils auront gardé leur créativité, le gout de la liberté, et le bonheur d'apprendre. <br /> <br /> Bon ben, en attendant, il reste à sauver l'IEF et la démocratie... rho le boulot !!!
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