"Dis papa, pourquoi...?"

« Chercher la cause des causes » disait le médecin grec Hippocrate

Qui a eu des enfants a très certainement subi des rafales de « Dis, pourquoi… ? »

Probablement que la plupart d’entre nous avons tenté d’y répondre plus ou moins adroitement. Mais immanquablement se succèdent alors les « Oui, mais pourquoi… » qui ne font que nous embarrasser de plus en plus. On arrive à s’en débarrasser plus ou moins diplomatiquement « Tu comprendras quand tu seras plus grand ! » ou moins diplomatiquement « C’est comme ça ! Maintenant vas te coucher ! »

Par lassitude, les questions finiront par cesser. À l’école ensuite, ce sont seulement les maîtres et les maitresses qui posent les questions appelant une seule réponse. Et surtout, pas question de mettre en doute les réponses magistrales, ce serait être au mieux un contestataire, plus couramment un trublion. Pour être tranquille, la meilleure façon est de se taire et de ravaler toute question (j’avais déjà abordé ce sujet dans un billet).

Un Socrate aurait dit que les enfants ne recherchent naturellement que la cause des causes, et il les aurait aidés à la chercher sans cesse.  Mais le temps de l’enfance est devenu de plus en plus court. Aujourd’hui, à trois ans un enfant n’est plus un enfant mais un élève ! Fini les questions ! Comment s’étonner alors que toute une société soit devenue de plus en plus apathique et que la seule façon de réagir soit la rébellion irrémédiablement condamnée à être durement réprimée ?

La cause des causes, il ne faut surtout pas s’aviser à la chercher, dans quelque domaine que ce soit, encore moins quand elle est évidente.  Les exemples démonstratifs sont infinis.

Pourquoi la guerre dans la Palestine ? Parce qu’il y a eu des méchants ! Point barre, il n’y a plus qu’à attendre qu’il n’y en ait plus ! ("Tuez-les tous, Dieu reconnaitra les siens !" pendant la croisade contre les Albigeois) 

Pourquoi il y a des pesticides ? Parce qu’il y a de méchants insectes ! Point barre, mange ce qu’il y a dans ton assiette !

Pourquoi faut-il se lever tous les matins pour aller à l’école ou au boulot ? Parce que c’est pour ton bien ! Point barre, réveille-toi et habille-toi !

Pourquoi ça coûte de plus en plus cher ? Parce que c’est le prix justifié ! Point barre et serre-toi la ceinture !

Pourquoi il y a des chômeurs ? Parce qu’ils ne cherchent pas du travail ! Point barre, c’est bien fait pour eux !

… La litanie serait infinie.

La cause des causes, bien sûr qu’il y en a toujours eu quelques-un-e-s qui la recherchent et qui la pointent, et ce depuis longtemps. IIs sont alors catalogués de complotistes ou de terroristes. C’est vrai qu’alors la cause des causes a de quoi terrifier ceux qui sont très confortablement installés dans la position de tous les étages des dominants, ceux qui donnent la réponse.

Vous avez remarqué que je ne dis pas « les causes des causes » mais « la cause des causes ». Chaque fois que je cherchais pourquoi l’école restait nocive à une partie des enfants et que pour tous elle ne faisait que perpétuer la société dans laquelle nous étions et qui empirait, inlassablement la cause des causes revenait à la destruction ou à l’impossibilité des petites structures hétérogènes et autonomes (entités). Même dans tous les autres domaines qui me sont moins familiers, on arrive à peu près à la même réponse et à son aboutissement ultime et actuel : la mondialisation, jusqu’à la mondialisation de la pensée.  

J’ai toujours été étonné du silence qui se faisait autour des assez rares travaux d’ethno-anthropologues qui démontraient que depuis la nuit des temps toutes les civilisations disparaissaient au fur et à mesure qu’elles s’étendaient, devenaient de plus en plus sophistiquées et que leurs ressources étaient accaparées par une minorité. Notre civilisation est devenue mondiale. Concluez !

Nous n’aurons pas l’excuse de ne pas le savoir !