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Le blog de Bernard Collot
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16 décembre 2014

Plan de restructuration des écoles du Lot (et d’ailleurs), aéroport de Notre Dame des Landes, barrage de Sivens, même combat

 

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Il n’y a aucune différence entre les logiques qui conduisent les décideurs dans leurs projets, que cela concerne les transports, l’agriculture ou l’éducation : macrostructures ! Concentration ! Economie d’échelle (soit disant). Elimination de tout projet privilégiant les structures à taille humaine mises en réseau, en interrelation, en interaction, respectueuses des personnes, de l’environnement… et surtout émanant de ceux directement concernés.

 Il n’y a aucune différence dans l’élaboration de ces projets : des représentants des institutions, technocrates, hauts fonctionnaires, qui se réunissent pour les concocter, qui les présentent ensuite à quelques grands élus (présidents de conseils généraux, députés… bien choisis), ce qui est appelé « concertation » ; vague enquête d’utilité publique (pas d’enquête d’utilité publique pour les écoles… publiques !). Tout est présenté comme ayant obtenu un accord général… pour le bien de tous. Les opposants éventuels ne pouvant qu’être des irresponsables ou des incultes.

 Et c’est la mise en route. Il n’y a que lorsque les chantiers commencés sont occupés, qu’il y a un problème d’image pour l’opinion (que vont faire voir les télés ?), que les raisons de ceux qui s’opposent apparaissent enfin au grand jour. Comme par hasard et avec l’aide cette fois des médias, l’opinion publique commence à se dire « mais pourquoi n’en a-t-il pas été tenu compte, discuté… avant ? ». C’est toujours ennuyeux pour les décideurs quand ceux pour qui ils décident expliquent pourquoi ils ne sont pas du même avis en ce qui concerne… leur bien. Evidemment, on n’a encore jamais vu des décideurs s’abaisser à écouter et discuter avec ceux pour le bien duquel ils disent agir.

 Il y a près de 30 ans, 1989, cela avait été exactement la même chose en ce qui concerne l’éradication des petites écoles rurales[1].

Jospin, ministre de l’Education nationale, pense qu’il faut se pencher sur l’école rurale. Son chargé de mission, Pierre Mauger, pond en quelques jours un rapport de quatre pages qui règle le sort des petites écoles : archaïques ! Coûtent trop cher ! Sont néfastes pour les enfants ! Pour le bien de tout le monde, sept départements dits pilotes sont désignés pour mettre en œuvre l’éradication massive, en premier celle des classes uniques. Dans chacun de ces départements, Inspecteur d’académie et Président de conseil général se concertent, mettent au point l’opération, en informent les présidents de fédérations de parents d’élèves (qui ne sortent jamais de petits villages) et les syndicats (qui ont d’autres chats à fouetter… et pas un grand nombre d’adhérents dans les petites écoles). Et hop ! Rentrée 89-90, des parents, des maires, apprennent que leur école est supprimée et que des cars vont ramasser leurs enfants vers l’école du chef-lieu.

Surprise : A Saint Martial d’Albarède, la population refuse ce qui est fait pour son bien, les parents refusent de faire prendre le car à leurs enfants et avec la mairie organisent, dans les bâtiments de leur école encore communale, une classe sauvage. C’est à l’époque un événement considérable parce que d’un autre ordre que les habituelles manifestations ou même occupation des lieux de travail depuis 1968. C’est une résistance directe à l’Etat, un acte hautement subversif : nous nous passerons de l’Etat ! Evidemment, les médias s’en emparent immédiatement (télé, presse nationale).

Cet événement déclenche alors un vaste mouvement avec ce que j’ai appelé à l’époque le « téléphone rural » très semblable à son ancêtre le téléphone arabe. Une vingtaine de personnes, parents, enseignants, élus, ne se connaissant pas, venant de toute la France, se retrouvent un matin de novembre 1989 dans les brumes d’un village perdu de la Creuse, et organisent la résistance. Dans la foulée, c’est un premier colloque où cette fois 150 personnes de plus d’une vingtaine de départements se retrouvent[2]. Les télévisions régionales et nationales mettent les objectifs de leurs caméras dans ces écoles curieuses qui, au lieu d’apparaître comme archaïques, paraissent bien en avance sur leur temps, que ce soit dans leur pédagogie ou que ce soit dans leur appropriation des technologies nouvelles de communication[3].

Un second rassemblement en Bretagne[4], avec plus de 500 participants représentant presque tous les départements, fit encore plus de bruit. Ce d’autant, qu’entre temps, les travaux du ministère lui-même démontraient que les résultats des classes uniques étaient supérieurs à la moyenne nationale[5] ! D’autres travaux, également officiels, démontraient qu’en tant qu’économie d’échelle, il s’agissait en fait d’un transfert de financement de l’Etat aux collectivités locales[6].

LES RESISTANTS DE ST-MARTIAL D’ALBAREDE ET LES AUTRES AVAIENT RAISON !!!

Pour une fois, il y avait un ministre de l’Education raisonnable, tant pis s’il n’était pas de mon bord : François Bayrou proclama un moratoire interdisant la suppression des classes uniques (1994) !

Devinez qui a supprimé ce moratoire ? Ségolène Royal (1997) !

L’histoire ne se reproduit jamais mais donne des leçons.

Alors, ce qu’ont fait seulement celles et ceux qui étaient concernés par la suppression des petites écoles, il faut le recommencer, mais cette fois il faut que tous ceux qui se battent sur d’autres plans les rejoignent.  Quand nous aurons tous compris qu’il s’agit du même combat, de la même survie, alors nous aurons une chance et nos enfants aussi… de survivre !

Les informations de la lutte des écoles rurales du Lot : http://ccsev.over-blog.com/
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[1] Ce n’est pas en tant qu’historien de cette période que je narre ces événements, mais en tant qu’un de ses acteurs, de ses témoins impliqués fortement !

[2] Colloque du Vigeant dans la Vienne, 1990.

[3] On ferait d’ailleurs bien de s’en inspirer aujourd’hui !

[4] Colloque de Crozon, 1993.

[5] Département de l’évaluation et de la prospective, Françoise Oeuvrard, 1990.

[6] IREDU de Dijon (Institut de la recherche en économie d’éducation), Alain Mingat (1993). L’Etat gagne en postes budgétaires, les collectivités locales devant assurer transports, restauration, locaux… avec les conséquences pour les familles, la santé (sécurité sociale…à), etc.

Commentaires
B
Le rapport entre le global et le local est un problème central des systèmes éducatifs. La non prise en compte des apprenants et des situations locales se heurte immédiatement à une vision abstraite de l'égalité. La décision est actuellement depuis l'obligation scolaire entre les mains des pouvoirs centralisés. Même dans des pays comme la Suisse, on voit un jacobinisme dans les systèmes éducatifs cantonaux. Ce qui est en cause, c'est une vision abstraite de la formation. Il y a à reconstruire fondamentalement la pédagogie et ce travail demandera des dizaine d'années. Bravo pour ces témoignages qui illustrent bien les enjeux réels de l'éducation et de la formation.
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